Qui est Iten, ce « Verkor des micro-batteries » qui lève 80 millions pour remplacer la pile bouton

C’est une petite révolution qui se profile, avec la montée en puissance du rhodanien Iten, qui se voit déjà comme l’un des remplaçants de la pile bouton avec sa technologie de micro-batteries lithium-ion rechargeable. Fondée en 2012 à Dardilly (Rhône) par un ancien d'Usinor (devenu Arcelor), la startup vient de réunir 80 millions d’euros avec des fonds prévus dans le cadre de France 2030, mais aussi auprès de la branche investissement du Groupe Seb. Objectif : passer du stade d’usine pilote à celui d'un agrandissement et d'un second site de production, représentant à terme plusieurs centaines de millions de micro-batteries produites par année.
Avec cette enveloppe de 80 millions d'euros, le rhodanien Iten aura désormais la possibilité de multiplier par cinq ses capacités de production à Dardilly mais aussi de construire une nouvelle usine modulaire, dont la localisation est attendue au cours des prochains mois.
Avec cette enveloppe de 80 millions d'euros, le rhodanien Iten aura désormais la possibilité de multiplier par cinq ses capacités de production à Dardilly mais aussi de construire une nouvelle usine modulaire, dont la localisation est attendue au cours des prochains mois. (Crédits : DR)

Développer des micro-batteries Li-ion céramiques entièrement recyclables, rechargeables et sans métaux lourds. Tel est le pari de la startup rhodanienne Iten, fondée en 2012 par un ancien d'Usinor (devenu Arcelor), qui avait d'abord œuvré au développement d'alliages spécifiques pour l'industrie électronique pour des applications automobiles.

Il s'était ensuite lancé dans une carrière d'entrepreneur chez une startup du groupe Dassault. Mais dès 2012, c'est à travers la création de la jeune pousse Iten qu'il a voulu changer la donne en développant des micro-batteries de nouvelle génération, pour des applications que l'on pourrait ensuite retrouver partout ou presque : dispositifs médicaux, objets connectés, capteurs autonomes, cartes à puces, voire même horlogerie ou bioélectronique...

« C'est en discutant avec des amis électroniciens que j'ai découvert les problématiques de micro-stockage au sein des circuits électroniques, et les défis que représentaient les piles boutons encombrantes, qu'il fallait monter manuellement, et posaient des problèmes de recyclage », explique à La Tribune Fabien Gaben, PDG et fondateur d'Iten.

Avec une ambition : répondre aux besoins des grands groupes industriels de l'électronique, de l'énergie et des transports, en s'appuyant sur un niveau de miniaturisation très important, auquel il aurait déjà commencé à fournir de premiers exemplaires de sa micro-batterie.

« Après plus de 8 ans de R&D, nous disposons de plus de 200 brevets dans le monde, notre technologie est aboutie et nous serons en mesure de fournir tous les industriels, même ceux utilisant les composants électroniques les plus exigeants, comme par exemple les fabricants d'équipements médicaux dont les produits doivent être stérilisés à 150 degrés », déclare Fabien Gaben.

Une épaisseur aussi fine que celle de deux cheveux

Son innovation, lauréate à deux reprises du Concours Mondial d'Innovation (2015 et 2017) et déjà protégée par une centaine de brevets, repose sur le développement de micro-batteries lithium-ion solides, conçues selon un procédé développé entièrement en interne et reposant sur une architecture innovante et miniaturisée, ainsi que sur des électrodes en céramique et des matériaux "standards" qui n'utilisent ni terres rares, ni métaux lourds.

Une technologie qui lui permet de produire des batteries rectangulaires de la taille d'une lentille (environ 2 mm par 3 mm) et d'une épaisseur aussi fine que celle de deux cheveux pouvant ensuite être intégrées au sein des circuits imprimés miniaturisés.

Avec également dans sa besace, plusieurs atouts : celui de ne présenter aucun risque d'inflammation ou d'explosion, mais de garantir une durée de vie allant jusqu'à d'une vingtaine d'années, et des densités de puissance « environ mille fois supérieures à celles des piles boutons conventionnelles ».

L'arrivée de l'Etat français à travers France 2030 et du groupe Seb

Après avoir inauguré son premier site de production pilote de 2.000 m² près de Lyon à Dardilly, grâce à une première levée de 10 millions d'euros bouclée en mai 2017, sa cible était de produire, dans un premier temps, 10 millions de micro-batteries par an. Après quelques retard enregistrés en raison du Covid, la production a démarré depuis quelques mois et se trouve désormais en phase d'accélération.

La nouvelle enveloppe de 80 millions d'euros, qui vient tout juste d'être bouclée, doit lui permettre de passer un nouveau cap en matière d'industrialisation et confirme déjà la participation de l'Etat français à travers le plan France 2030, qui se matérialisera par la participation des fonds (SPI et PSIM), gérés pour le compte de l'Etat par Bpifrance.

« Sélectionné parmi les lauréats France 2030, ce projet s'inscrit plus largement dans une stratégie de réindustrialisation de la France qui permettra à la fois de prendre part à la construction d'une souveraineté industrielle, sur un composant crucial pour l'industrie électronique, et de répondre aux objectifs de transition énergétique et environnementale », précise d'ores et déjà Bpifrance.

La pépite a également su convaincre la branche investissement du Groupe Seb (Seb Alliance) ainsi que ses investisseurs historiques de l'entreprise (le groupe français spécialisé dans l'énergie Eren Groupe, ainsi que le mécène Habert Dassault Finances et le fonds français spécialisé dans les technologies du numérique, Innovacom).

Et ce n'est pas un hasard que le spécialiste du petit électroménager participe, puisque si Iten se destine d'abord au marché des micro-batteries, il compte également s'ouvrir à des batteries de plus grande capacité et taille par la suite, dans le cadre d'un co-développemnt avec l'industriel auralpin.

Thierry de La Tour d'Artaise, président du Groupe Seb le glissait lui-même au sein du communiqué annonçant l'opération : « Participer à cette levée de fonds, au travers de notre société d'investissement Seb Alliance, nous permet d'avoir un nouveau regard sur les technologies développées par Iten et d'imaginer le futur du petit équipement domestique : plus de performance, moins d'encombrement et toujours plus made in France ».

De l'usine pilote, à deux sites industriels

Bien que l'on ne connaîsse pas la répartition exacte de ce tour de table, l'ambition affichée, ainsi que le montant XXL levé, met en exergue l'appétence des investisseurs pour des projets deeptech à fort impact sociétal, à un moment où la scène du capital investissement se montrait justement plus frileuse à financer l'écosystème des startups, depuis le début de l'année.

Avec cette enveloppe de 80 millions d'euros, Iten aura désormais la possibilité de « déployer deux usines en France permettant la production de plusieurs centaines de millions de micro-batteries par an ».

Fabien Gaben précise à La Tribune que cette cible se répartira en réalité en deux étapes : un agrandissement, tout d'abord, de son unité de Dardilly, visant à multiplier par cinq ses capacités de production pour atteindre 40 millions de puces produites par année, à compter de 2024.

Celui-ci sera suivi par l'installation d'une nouvelle usine modulaire, pouvant aller jusqu'à 10 modules représentant une capacité totale, à terme, estimée à un milliard de composants par an. Avec un premier objectif fixé à une première tranche de 150 millions de composants qui sera installé d'ici 2025 à 2026.

Si la localisation de cette nouvelle usine n'est pas encore connue, « la décision sera prise d'ici quelques mois », assure Fabien Gaben à La Tribune, évoquant à la fois des critères de foncier, de disponibilité en énergie, mais aussi d'autorisations administratives pour ce second site qui devrait atteindre 5 à 6 hectares.

En plus de soutenir le développement de nouvelles générations de produits, ces nouveaux financements permettront également à la jeune pousse de « renforcer les équipes de production et commerciales et d'accélérer sa présence sur les marchés grands comptes ».

Une opération qui, en étant complétée par 60 millions d'euros de dette en cours de contractualisation, pourrait faire d'Iten un acteur de premier plan dans les micro-batteries, un marché mondial estimé désormais à 15 milliards de composants par an.

D'ici là, la jeune pousse devra dérouler son plan de montée en puissance en passant de 45 salariés aujourd'hui à une centaine début 2024, puis à 200 début 2025, et même à plusieurs centaines ensuite...

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