Intelligence artificielle : comment l’isérois Probayes a imaginé le futur timbre digital de la Poste

Adieu le timbre rouge, vive le timbre vert ou… le timbre digital nouvelle génération ! A La Poste, la mue numérique se poursuit, suite aux annonces du groupe jaune et bleu. Début septembre, le groupe a annoncé qu’il lancerait début 2023 un nouveau timbre digital qui prendra la forme d’un code à huit caractères, généré par un algorithme d’intelligence artificielle et à inscrire ensuite au stylo sur une enveloppe. Une innovation tout droit issue de sa filiale grenobloise Probayes, spécialisée dans l’IA.
A quelques mois du lancement, on sait déjà que la prochaine étape sera celle du colis : car si le timbre digital de La Poste ne sera, pour l'instant, accessible que pour les envois des lettres de 20 grammes, l'opérateur postal français réfléchit déjà à l'adapter à des supports plus volumineux comme les colis.
A quelques mois du lancement, on sait déjà que la prochaine étape sera celle du colis : car si le timbre digital de La Poste ne sera, pour l'instant, accessible que pour les envois des lettres de 20 grammes, l'opérateur postal français réfléchit déjà à l'adapter à des supports plus volumineux comme les colis. (Crédits : DR)

Au moment où le timbre rouge tirera sa révérence le 1er janvier 2023, il sera non pas remplacé, mais complété par une nouveauté signée la Poste : un timbre digital, qui prendra la forme d'un code de huit caractères et permettra aux usagers ne possédant pas d'imprimante, ou ne pouvant pas se rendre en bureau de Poste, d'envoyer leur courrier de jour comme de nuit. Et cela, au même tarif qu'un timbre vert (1,16 euro pour les envois jusqu'à 20 grammes).

Généré par un algorithme assez complexe embarqué dans une application mobile, celui-ci sera en capacité d'émettre plusieurs millions de codes sur huit caractères, tout en tolérant une certaine marge d'erreur pour les utilisateurs qui reporteront ensuite le code manuellement.

En interne, les travaux sont terminés et l'implémentation de cette nouveauté a même déjà été réalisée au sein des chaînes logistiques du courrier. « Il peut seulement rester quelques ajustements à réaliser en fonction des sollicitations des derniers utilisateurs tests en interne, mais nous sommes prêts pour le lancement du produit », annonce Pierre-Etienne Bardin, Chief Data Officer du groupe La Poste.

Un besoin d'immédiateté non couvert

« Ce sujet était clairement ancré dans notre stratégie 2021 -2030, car la data et l'IA ont été identifiés comme faisant partie des 5 sujets d'accélération du groupe. Tout notre enjeu est désormais de montrer comment on peut créer de la valeur et avoir de l'impact sur la transformation du groupe avec cet outil, en ayant un impact positif à la fois sur nos clients et nos collaborateurs », ajoute-t-il.

Après avoir déjà utilisé l'IA dans d'autres applications comme la reconnaissance des adresses présentes sur les courriers, ou la lecture des formulaires de douanes qui est aujourd'hui traitée automatiquement, c'est en se penchant sur la question des usages que l'idée du timbre numérique est apparu au groupe postal : « Nous avions déjà le timbre traditionnel, le timbre acheté directement en ligne, et il existait aussi un besoin d'immédiateté non couvert, pour les personnes qui n'avaient pas d'imprimante et qui souhaitaient pouvoir affranchir un courrier en dehors des horaires d'ouverture des bureaux de vente », ajoute Pierre-Etienne Bardin.

Avec une cible d'utilisateurs déjà pensée comme large, et qui répondrait surtout à un trou dans la raquette existant en matière d'usages : « Nous ne pensons pas que cette innovation s'adressera à un public en particulier, jeune ou moins jeune, mais plutôt à un moment de vie qui peut tous nous arriver, et où il n'existait jusqu'ici pas de réponse pour l'envoi d'un courrier ».

D'ailleurs, la Poste l'affirme : « L'idée n'est pas de remplacer le timbre physique, car en termes d'usage toujours, il est plus facile de coller 10 timbres lorsqu'on a un volume d'enveloppes plus conséquent à envoyer, que de recopier 80 chiffres. C'est là où l'on voit que les modes d'envoi peuvent être complémentaires », assure Pierre-Etienne Bardin.

Probayes, le moteur (isérois) de l'IA au sein du groupe

Le groupe a donc lancé des travaux autour de son application mobile, sous la direction de sa filiale grenobloise Probayes, une société spécialisée depuis 19 ans dans la data et l'intelligence artificielle. Basée à Montbonnot-Saint-Martin, près de Grenoble, elle est devenue une filiale de La Poste en 2016 et fait désormais partie du nouveau pôle dédié à la data et à l'IA chapeauté par son entité Docaposte, et qui rassemble désormais en interne près de 400 collaborateurs.

« La force du groupe la Poste est qu'elle possède déjà en interne des compétences, notamment avec l'acquisition de Probayes, qui nous a permis de gagner en maturité rapidement. Cela nous a aidé à avancer sur des questions où il n'existe pas encore de technologie disponible, nous avons au total plusieurs centaine de projets par an dans le domaine de la data et de l'IA qui touchent à la fois nos activités bancaires, d'assurance, etc », affiche Pierre-Etienne Bardin.

Alors que Probayes a travaillé principalement autour du moteur de l'algorithme, des équipes internes auront également participé aux développements nécessaires pour l'intégrer à l'architecture de l'application mobile existante. Près d'une année se sera écoulée entre les prémisses de l'idée, et la réalisation des premiers tests en interne, mobilisant au total 10 à 20 collaborateurs.

« Plus qu'un budget dédié, cette innovation aura surtout représenté du temps humain de développement pour le groupe puisque nous n'avons pas réalisé d'investissement autre, comme l'achat d'un logiciel ou d'équipements. Tous les travaux ont été réalisés en interne par nos propres ressources, ce qui représente un avantage compétitif », assure son Chief Data Officer.

Du côté de l'innovation elle-même, celle-ci repose en deux briques : « une partie liée à l'architecture logicielle, et une partie dédiée à la génération du code sur 8 caractères, qui peut générer plusieurs millions de codes sur huit caractères tout en tolérant une faible marge d'erreur en matière de lecture lors du traitement du courrier », détaille Kamel Mekhnacha, directeur général de Probayes.

Si la Poste reste discrète sur le taux de fiabilité de son code, ainsi que sur le volume maximum de codes générés, elle précise que celui-ci demeure « élevé », « encore plus que ce que nous avions avant la reconnaissance des adresses ».

Le bon compromis entre une solution inviolable et l'expérience client

Le nouveau service d'achat de timbre digital qui sera disponible sur l'application La Poste, devait aussi faire face plusieurs impératifs :

« Il a fallu trouver le bon compromis entre une solution inviolable et sécure, mais aussi le fait de vouloir faciliter l'expérience client, en lui permettant par exemple de recopier un code qui ne soit pas trop long ou complexe à la main », précise Kamel Mekhnacha.

Cela a donc nécessité d'associer des compétences en architecture logicielle, en mathématiques et notamment cryptographie « pour pouvoir générer des codes assez éloignés des autres, et qu'une personne ne puisse pas elle-même générer au hasard sans l'application ».

Autre difficulté : celle de partir, au départ, d'un nouveau cas d'utilisation pour lequel il n'existait pas de données. « Nous avons dû travailler de manière très agile car il n'existait pas, au départ, de données avec lesquelles entraîner nos modèles d'algorithmes. Nous avons dû procéder en plusieurs étapes, en prenant d'abord des données synthétiques et en avançant ensuite de manière incrémentale en acquérant des données à l'intérieur du groupe et en mettant en place des méthodes d'apprentissage ».

Sans compter qu'il aura ensuite fallu adapter la chaîne logistique du courrier du groupe postal, qui détecte déjà de manière automatique certains paramètres comme les adresses ou l'affranchissement, à la reconnaissance de ce nouveau code alphanumérique, à travers un système de vision par ordinateur.

Du timbre digital au colis digitalisé

A quelques mois du lancement de cette nouvelle offre, La Poste ne s'est d'ailleurs pas fixée de cible en volume : « L'idée est bien de venir en complément de nos offres classiques, nous ne nous sommes pas fixés de cibles précises. Ce sera déjà un succès si ce timbre aura rendu service à des usagers », glisse Pierre-Etienne Bardin.

Avec comme prochaine étape, celle du colis : car si le timbre digital ne sera, pour l'instant, accessible que pour les envois des lettres de 20 grammes, l'opérateur postal français réfléchit déjà à l'adapter à des supports plus volumineux comme les colis.

Mais cela présentera également d'autres défis : « Le schéma industriel du colis n'est pas le même que celui du courrier et nécessite de l'implémenter sur des chaînes logistiques différentes, qui n'étaient pas encore aussi matures en IA. C'est la même chose pour la valeur et le rôle de l'étiquette d'un colis, qui permet encore aujourd'hui de faire transiter un plus grand nombre d'informations comme le poids, le destinataire et l'origine du colis, son contenu, des informations de douane, etc », nuance Pierre-Etienne Bardin.

Pour autant, La Poste s'affirme d'ores et déjà convaincue de la nécessité de passer cette nouvelle étape. Et le groupe n'est pas tout à fait le seul en Europe d'ailleurs car la Suisse propose déjà un système similaire, mais avec un code qui comporte aujourd'hui 13 chiffres. « « Ce n'est pas l'option que nous avons choisie pour l'expérience client », glisse Pierre-Etienne Bardin.

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Commentaire 1
à écrit le 26/09/2022 à 18:31
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a mon avis, Bayes a utilise un ann convolutif, comme tout le monde; le parametre, c'est ca l'art de l'intelligence par reseaux de neurones, si on peut dire

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