Dès 2023, l'isérois Phoenix Mobility veut rétrofiter jusqu'à 4.000 utilitaires Renault pour accompagner les ZFE

Jusqu'ici jugé confidentiel voire complexe à adresser, le marché du rétrofit serait imminent, pour l'isérois Phoenix Mobility. Après avoir développé des kits de conversion à l'électrique, l'isérois vient de déménager sur un nouveau site de production plus grand, en banlieue grenobloise, et se prépare à livrer ses premiers véhicules en septembre prochain, avant de lancer la conversion de 2.000 Renault Trafic et 2.000 Renault Master d'ici la fin 2023. Un créneau désormais soutenu par les aides des collectivités locales engagées dans les Zones à faibles émissions, comme à Grenoble, où le montant de l'enveloppe destiné aux professionnels peut désormais atteindre 12.000 euros.
(Crédits : DR/phoenix mobility)

Depuis sa création en juin 2018 par plusieurs anciens étudiants de l'INP Ense3 de Grenoble, l'isérois Phoenix Mobility se trouve désormais à un nouveau virage : avec l'essor des Zones à faibles émissions (ZFE) qui fleurissent au sein des métropoles en vertu de la Loi Climat, qui prévoit leur instauration dans les agglomérations métropolitaines de plus de 150.000 habitants à compter du 31 décembre 2024, l'enjeu climatique est désormais sur toutes les lèvres. Et le dernier rapport du GIEC enfonce le clou, estimant qu'il ne reste que trois ans à l'humanité pour changer de trajectoire.

Sur le terrain de la pollution générée par les véhicules automobiles, la Commission européenne a déjà annoncé sa volonté de réduire les émissions de CO2 des voitures neuves à 55 % en 2030 et 100 % en 2035, ce qui se traduira par la fin des moteurs thermiques à cette date. Mais cela ne prend pas en compte le parc automobile déjà existant, qui comptabilise, rien que pour les particuliers, 38,3 millions de véhicules immatriculés au 1er janvier 2021, mais aussi 5,9 millions de véhicules utilitaires légers (VUL), 600.000 poids lourds et 94.000 autobus et autocars en circulation, selon les données comptabilisées par le Ministère de la Transition écologique.

Phoenix Mobility a quant à lui choisi de proposer des kits de rétrofit pour contribuer à l'électrification du parc existant, en s'intéressant en premier lieu au parc des véhicules professionnels : "les véhicules utilitaires disposent d'une plus forte valeur résiduelle que les véhicules particuliers, et disposent souvent d'aménagements coûteux à l'intérieur. De plus, ils doivent trouver une solution pour se conformer aux calendriers de ZFE qui se rapprochent : et là où les constructeurs annoncent actuellement des délais de livraisons des véhicules neufs allant 12 à 18 mois, nous souhaitons leur proposer une solution concrète qui nécessite seulement deux jours de conversion", rapporte Antoine Desferet, COO de Phoenix Mobility et l'un des cinq cofondateurs.

Objectif : 4.000 véhicules retraités en 2023

Avec ses kits brevetés et conçus à partir de batteries nouvelle génération en lithium fer phosphate, en vertu d'un développement réalisé en partenariat avec le Laboratoire de Génie Electrique de Grenoble (G2Elab) de Grenoble INP, Phoenix Mobility se prépare déjà à passer à l'échelle supérieure.

Après avoir déménagé, pour la seconde fois dans de nouveaux locaux plus grands en banlieue grenobloise, la jeune pousse se prépare à livrer "plusieurs dizaines de véhicules rétrofités à ses clients" en 2022, avec de premières livraisons attendues dès septembre. "Notre carnet de commandes se remplit, nous avons déjà des clients comme des collectivités avec la ville de Montreuil ou la Ville de Strasbourg, mais aussi une PME de la métropole grenobloise"... Son objectif : monter ensuite à "2.000 Renault Trafic et 2.000 Renault Master rétrofitées par année, à compter de 2023", grâce au lancement d'une seconde unité pilote de rétrofit, dont le lancement en interne ou via un accord-cadre avec un prestataire externe demeure à préciser.

"Depuis notre création, nous avons beaucoup travaillé à fiabiliser notre modèle et à compléter l'équation économique : nous pouvons désormais proposer, toujours sur le même temps de conversion de deux jours, un coût compris entre 20.000 et 25.000 euros par véhicule, avec des autonomies comprises entre 150 et 200 km car ces utilitaires se destinent, en premier lieu, aux sociétés qui proposent de la livraison urbaine qui doivent faire des allers-retours entre le centre-ville et sa périphérie, ou à des professionnels du bâtiment qui opèrent des trajets réguliers", avance Antoine Desferet.

Côté économique, Phoenix Mobility compte notamment sur les enveloppes délivrées, en parallèle à l'instauration des ZFE, à destination des professionnels, afin de faire pencher la balance. Et une récente annonce de la part de Grenoble Alpes Métropole est venue conforter son modèle :

"Grenoble vient d'annoncer le doublement de l'enveloppe allouée à la conversion, qui passe ainsi à 12.000 euros par véhicule, sans compter les aides de l'Etat qui peuvent s'y ajouter. Ce type d'aides existe également, avec des montants différents, à Lyon, Paris, Toulouse ou encore l'Eurométropole de Strasbourg..."

Alors qu'elle songeait, en pleine crise sanitaire, à bâtir un réseau de garages partenaires pour réaliser ensuite ses conversions selon son cahier des charges, la jeune pousse a finalement opté pour une première montée en puissance sur sa ligne de production sur place en interne, avant de pouvoir ensuite déployer un tel réseau.

"Devenir le leader européen du retrofit"

"Notre ambition est bien de devenir le leader européen du retrofit, et en particulier sur les véhicules utilitaires", précise son cofondateur. Un positionnement qui n'aurait, pour l'heure, pas de concurrent direct, puisque les acteurs actuels du retrofit ne visent pas nécessairement le même segment, ou la même cible en matière d'industrialisation, sur un domaine qui peinait encore jusqu'ici à convaincre sur son modèle économique.

"On nous oppose souvent le fait qu'un jour, il n'y aura plus de marché. Mais si l'on regarde le pic de véhicules automobiles thermiques livrés, et notamment les calendriers de production des constructeurs automobiles en Europe, on se rend compte que le pic des véhicules rétrofitables n'est même pas encore atteint. Même en prenant les prévisions les plus optimistes, il existe encore plus de véhicules thermiques mis sur la route que d'électriques", expose Antoine Desferet.

Il prend en exemple les 475.000 véhicules utilitaires neufs vendus chaque année en France : "un chiffre qui poursuit sa progression puisqu'en 2025, ce sont 500.000 véhicules neufs qui sont attendus sur ce segment. Or, les deux plus grands constructeurs français, Renault et PSA, ont déjà annoncés qu'ils ne seraient capables de produire, à eux deux, que 70.000 utilitaires électriques au grand maximum. Il existe donc encore un gap énorme que le retrofit est là pour venir combler".

D'autant plus que depuis mars 2019, un décret sur le retrofit a changé la donne : au lieu de demander une homologation pour chaque véhicule transformé, comme c'était le cas jusqu'alors, l'Etat français prévoit désormais qu'une autorisation pour un modèle vaille ensuite pour l'ensemble des véhicules d'une même gamme, sans avoir à passer par l'accord de son constructeur dès lors que les modèles ont plus de cinq ans.

"Ce décret a ouvert la porte à l'industrialisation de la filière, c'est à la fois un élément contraignant pour nous car il fait peser l'ensemble des tests de sécurité nécessaires sur notre filière, mais c'est également un moyen de la fiabiliser et de présenter un gage de qualité aux yeux des clients", juge le COO Antoine Desferet, qui propose ensuite une garantie de 2 ans sur son kit, et de 4 ans sur les batteries.

Un second tour de financement à l'horizon

Du côté des véhicules particuliers, qui représentent toutefois encore l'essentiel du parc thermique, Phoenix Mobility ne s'interdit rien, mais évoque davantage de freins :

"Tout est une question d'équation technico-économique, et l'on sait déjà que la valeur résiduelle dans le véhicule particulier d'occasion baisse considérablement après quelques années. Il est donc difficile de trouver un client qui souhaiterait investir une enveloppe de 15.000 euros pour le convertir à l'électrique. D'autant plus que la contrepartie pourrait être d'y intégrer moins de batterie, ce qui signifie aussi moins d'autonomie, alors que les attentes de ce segment sont au contraire portées vers la liberté de partir en week-end."

Après avoir bouclé un premier tour de financement de 3 millions d'euros auprès de business Angels en octobre dernier, Phoenix Mobility entre actuellement dans une nouvelle phase de financement, qu'elle espère clôturer d'ici les prochains mois (montant : NC à ce stade), afin d'accompagner son industrialisation. "Notre modèle demeure intéressant au sein de l'industrie automobile, car il demande une intensité capitalistique plus faible qu'un constructeur, mais permet ensuite de générer des marges plus fortes", affirme Antoine Desferet, sans pour autant donner encore de cibles précises.

Face à la hausse des prix des matériaux, Phoenix Mobility reste également confiant, en vertu d'accords-cadres déjà noués avec son réseau de fournisseurs, notamment en matière d'approvisionnements et de prix. "Nous discutons également actuellement avec l'intégralité des fournisseurs de batteries à l'échelle européenne". Comprendre : également avec son voisin, l'isérois Verkor, avec lequel il pourrait bien travailler à mettre sur pied une filière d'approvisionnement locale, une fois que sa productions sera lancée. Affaire à suivre.

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