En 2011 déjà, il voulait mettre à la disposition des libraires et des éditeurs "un écosystème de lecture complet et intuitif". Soit un système de distribution ainsi qu'une plateforme de lecture des ebooks, avec une liseuse associée en marque propre. Objectif : se positionner, déjà à l'époque, comme une alternative aux géants du e-commerce tels qu'Amazon ou Rakuten, en vue de séduire des lecteurs avides ou curieux des nouveaux formats numériques.

Dix ans plus tard, le lyonnais Vivlio emploie une quarantaine de personnes à Lyon, pour un chiffre d'affaires de 12 millions d'euros. Il compte même désormais près d'un million de "ebooks" en catalogue, une base d'utilisateurs d'un million de lecteurs "ayant acheté au moins un livre numérique" également, ainsi qu'un réseau de 1.000 points ventes issus d'une trentaine de partenaires (Decitre, Cultura, Espaces culturels Leclerc, enseignes Boulanger et désormais LDLC, etc).

Mais derrière ces chiffres, se cache encore un fort enjeu de notoriété pour cette marque lyonnaise, qui assure une mission qui relevait du pari, dès sa création par Guillaume Decitre : "dès 2011, la plupart des éditeurs s'appuyaient sur des distributeurs issus du même réseau que les livres "papier", mais leur travail s'arrêtait au transfert des fichiers et la rematérialisation n'était pas traitée".

Charge ensuite à des acteurs comme Vivlio, mais aussi à des géants plus connus comme Rakuten ou Amazon, de conduire ensuite cette matière littéraire jusqu'aux consommateurs finaux, en boutique ou en ligne, mais aussi de l'organiser afin de faciliter l'expérience-client.

Le livre numérique, une tendance fond qui répond à de nouveaux usages ?

Alors que la dématérialisation s'est, d'une part accrue chez les éditeurs ("aujourd'hui, presque tous les livres de littérature grand public disposent d'une version numérique"), le marché des ebook s'est lui-même taillé une place, qui demeure certes, encore difficile à évaluer à l'égard u marché total du livre. Même si selon David Dupré, directeur général de Vivlio, quelques tendances s'esquissent :

"Le livre numérique représenterait un marché global de 130 millions d'euros à l'échelle française (tous segments confondus). D'ailleurs, le part de ventes en ebook pour certaines nouveautés en littérature atteint même les 30%", affirme David Dupré.

Le dynamisme du marché du livre numérique aurait alimenté, au fil des dernières années, la croissance de Vivlio, avant même que la crise Covid-19 ne passe par là : "Nous avons enregistré une croissance moyenne de 20% par année, en enregistrant même +100% en 2020 lors de la crise sanitaire, où ces usages ont explosé", reconnaît son directeur général.

Avec selon lui, un public pour l'heure composé majoritairement de femmes, âgées de 35 ans et plus, mais aussi de grands lecteurs qui mixent souvent format papier et ebooks. "Depuis quelques années se développe aussi le format des livres audios, qui nous permet de travailler d'autres types de contenus, et notamment d'enrichir l'offre des livres jeunesse pour aller chercher une nouvelle catégorie de public".

Le départ de Guillaume Decitre pour aller vers un autre chapitre

Aujourd'hui, "le défi n'est plus technique", constate Vivlio : car après un travail sur la numérisation, le développement d'une meilleure interface utilisateurs, ou encore sur des modules de sécurisation des livres numériques pour éviter le piratage, la startup lyonnaise amorce une nouvelle phase : celle de se faire connaître, en dehors d'une portion de lecteurs qui fréquentent ses réseaux partenaires, pour aller cueillir de nouvelles parts de marché.

C'est pourquoi la jeune pousse estime que le départ de Guillaume Decitre, qui vient d'être annoncé avec la revente des 50% détenus par sa holding Génération IV, se positionne dans le prolongement d'une stratégie :

"Vivlio avait été créée sur une vision industrielle portée par Guillaume Decitre, qui avait l'ambition de créer une alliance française et européenne rassemblant, à terme, les acteurs de la chaîne du livre, avec l'ambition de pouvoir proposer un livre numérique français aux acteurs de la filière, en s'appuyant sur les acteurs du secteur", explique David Dupré.

Or, depuis que le fondateur du réseau de librairies a vendu ses parts il y a trois ans au groupe Furet du Nord, "il existait désormais une vraie logique" à ce que Guillaume Decitre passe la main à la maison-mère de Cultura, le groupe Sodival, actionnaire lui-même depuis 2012.

"Nous avons adressé durant les dix premières années les enjeux technologiques, et nous avons désormais l'ambition d'entrer dans une nouvelle phase d'accélération d'envergure européenne, et de continuer à investir en s'appuyant sur un partenaire à la vision industrielle", ajoute son directeur général.

Résultat ? 70% du capital est désormais détenu par Sodival, tandis que le tiers restant se répartit entre la maison-mère de l'éditeur Albin Michel, le groupe Système U, ainsi que le distributeur allemand de prêts numériques en bibliothèque Dividib.

Devenir  le seul "ebook européen" du secteur d'ici cinq ans

La jeune pousse souhaite désormais capitaliser sur son offre, intégrant sa plateforme existante ainsi que sur les liseuses, qu'elle fait fabriquer par le numéro 3 mondial du secteur, l'ukrainien PocketBook, pour prendre davantage de parts de marché, en France comme à l'international.

Un marché qui, selon le dernier baromètre 2021 du syndicat national de l'édition mené par Médiamétrie (en partenariat avec la SOFIA, l'organisme agréé par le ministère de la Culture pour la gestion collective du droit de prêt en bibliothèque, et la SGDL, une association française de promotion du droit et de défense des intérêts des auteurs), a déjà conquis près d'un million de lecteurs supplémentaires en douze mois (soit 13,8 millions de Français). L'année 2020 aurait même « converti » de nouveaux lecteurs puisque 26% des lecteurs de livres audio numériques se déclarent utilisateurs depuis moins d'un an (contre 15% pour le livre numérique).

Objectif : se positionner comme le seul "ebook européen" du secteur, face à des concurrents comme l'américain Amazon ou le japonais Rakuten. "Nous souhaitons investir fortement dans le développement de notre marque, qui propose une solution très appréciée mais encore peu connue du grand public, afin d'étendre notre réseau de distributeurs ainsi que la notoriété de Vivlio".

Avec une cible assez claire : devenir le numéro un du marché européen d'ici cinq ans, après avoir fait déjà son entrée sur le marché belge l'an dernier, grâce à une nouvelle feuille de route en cours de rédaction, et qui passera également par une levée de fonds de "plusieurs millions d'euros" courant 2022.

Une entrée au capital de nouveaux actionnaires est d'ores et déjà envisagée, mais sous réserve "qu'ils soient toujours des industriels du livre".