Oxygène médical : après 3 ans de mobilisation, Europlasma relance les activités de Luxfer, uniques en Europe

Les anciens salariés de Luxfer, qui se posait comme la dernière usine d'Europe spécialisée dans la production de bouteilles de gaz haute pression pour l'oxygène médical, n'avaient pas baissé les bras depuis la fermeture de leur usine en 2019. Trois ans et plusieurs épisodes politiques plus tard, c'est le groupe landais Europlasma qui vient d'annoncer la construction d’une usine dernière génération, unique en Europe, et qui sera installée avec le concours de ex-salariés de Luxfer et des collectivités locales. Un "happy-end" tardif, mais qui vise les 100 millions d'euros d'investissements.
Le 5 juin 2019, Luxfer était en effet la dernière usine d'Europe continentale spécialisée dans la production de bouteilles de gaz haute pression et de corps creux en alliage léger. Sa fermeture avait engendré la suppression de 136 emplois directs et des dizaines d'emplois indirects.
Le 5 juin 2019, Luxfer était en effet la dernière usine d'Europe continentale spécialisée dans la production de bouteilles de gaz haute pression et de corps creux en alliage léger. Sa fermeture avait engendré la suppression de 136 emplois directs et des dizaines d'emplois indirects. (Crédits : DR)

C'est l'épilogue d'une mobilisation très large, qui aura duré de long mois. L'engagement des ex-salariés Luxfer à Clermont-Ferrand (¨Puy-de-Drôme) et leur volonté de pérenniser leur savoir-faire ont convaincu le groupe landais Europlasma, un expert aquitain des solutions de dépollution (racheté en 2019 par le fonds d'investissement luxembourgeois Zigi capital), de monter avec eux un projet, en lien avec sa stratégie industrielle.

Après un an et demi de travail, ce projet a séduit le Ministère de l'Economie et des Finances, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Clermont-Auvergne-Métropole.

Une nouvelle usine va voir le jour : elle sera portée par Les Forges de Gerzat, une société nouvellement créée qui deviendra filiale à 100% d'Europlasma afin de porter ce projet stratégique. Elle sera aussi l'unique site en Europe à produire des bouteilles de gaz haute pression en aluminium et corps creux. De quoi relancer, en même temps, la production française de bouteilles d'oxygène.

Car la production de cette nouvelle usine sera destinée à différents secteurs d'activité comme la santé, et devrait permettre également de valoriser des matières premières, issues notamment du traitement des déchets de l'industrie de l'aluminium.

L'Etat, la Région et la Métropole ont décidé de soutenir ce projet dit "Greenfield", c'est-à-dire créé sur un terrain nu, porté par Europlasma. Compte-tenu de l'importance de maintenir une capacité de production de corps creux et de bouteille de gaz haute pression en Europe, 100 millions d'euros seront investis dans ce nouveau site industriel.

A terme, la construction de ce site industriel devrait générer 200 emplois directs. Le début de la construction de l'usine est prévu en 2023, après avoir obtenu toutes les autorisations, avec un démarrage de l'activité prévu courant 2024.

Un investissement entre fonds propres et dette privée

L'intégralité des financeurs publics et privés ont désormais acté le lancement du projet. Chaque partie s'est engagée à accompagner Les Forges de Gerzat : en premier lieu, le groupe Europlasma, qui intervient à hauteur de 25 millions d'euros en fonds propres mobilisés sur 5 ans et de 25 millions d'euros en dette privée, levée auprès de son partenaire financier historique, lequel a déjà marqué son accord sur un financement à sept ans.

Les pouvoirs publics sont également fortement engagés dans ce dossier avec en premier lieu l'Etat (4,5 millions d'euros) et la Région Auvergne-Rhône-Alpes (3 millions d'euros) subventionnant ce dernier à hauteur de 7,5 millions d'euros.

En outre, l'Etat financera également une partie des investissements réalisés, cette fois à travers l'outil de la dette, une enveloppe de 15 millions d'euros, à travers le FDES (fonds de développement économique et social). La Région accompagnera quant à elle Les Forges de Gerzat au titre de ses compétences en matière de formation et de professionnalisation (enveloppe non précisée). Enfin, Clermont Auvergne Métropole s'engage à fournir un terrain de presque 12 hectares sur la commune de Cebazat et à financer à hauteur de 34 millions d'euros la construction d'un bâtiment industriel ergonomique.

Et cela, avec des objectifs déjà annoncés à la clé :

"L'usine ultra moderne générera un chiffre d'affaires de l'ordre de 10 millions d'euros dès 2025, malgré des délais incompressibles d'homologation des produits manufacturés voisins de 12 mois. Le site devrait ensuite atteindre sa cadence optimale et générer 50 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel dès 2029, pour une marge d'EBITDA de 30% et un rendement net supérieur à 15%", s'engage pour sa part Europlasma.

Une page (et une bataille) se clôture pour les salariés

La clôture de ce projet a reçu l'approbation des syndicats, qui se battaient depuis plusieurs semaines pour la sauvegarde de leurs savoir-faire industriels.

"Une page se tourne pour les anciens salariés de Luxfer et un nouveau combat démarre : récréer une activité pérenne sur le territoire Puy-de-Domois et autant d'emplois que ceux qui ont disparu avec la fermeture de Luxfer Gerzat", apprécie Axel Peronczyk, représentant syndical CGT des anciens salariés de Luxfer.

Le 5 juin 2019, Luxfer était en effet la dernière usine d'Europe continentale spécialisée dans la production de bouteilles de gaz haute pression et de corps creux en alliage léger. Sa fermeture avait engendré la suppression de 136 emplois directs et des dizaines d'emplois indirects, "ce qui a représenté un traumatisme dans un bassin d'emplois fortement touché par la désindustrialisation", rappelle Axel Peronczyk.

A l'époque, l'Etat, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et Clermont Auvergne Métropole déploraient tous l'attitude des propriétaires de l'usine, qui avaient empêché la reprise de l'activité industrielle, ne laissant ainsi qu'une friche improductive sur la commune de Gerzat.

La mobilisation des salariés et de leurs syndicats est restée sans faille pendant trois ans. En janvier 2018, ils proposaient un plan pour la continuité de l'activité que Luxfer refusait en février 2019. Un mois plus tard, ils cherchaient et trouvaient des repreneurs qui se positionnaient pour le rachat du site. Maus Luxfer refusait de vendre. En juin 2019, ils tentaient même de racheter eux-mêmes l'usine en coopérative, avec une fin de non-recevoir signifiée en décembre 2019.

C'est alors qu'en janvier 2020, les salariés avaient décidé d'occuper l'usine pendant 53 jours afin d'éviter sa destruction. En mars 2020, de nouveaux repreneurs se positionneront pour racheter l'usine, mais cette proposition sera à nouveau abandonnée en décembre 2020, après les refus successifs du groupe Luxfer. Celui-ci laisse alors une friche industrielle polluée dont il est toujours propriétaire,  en pleine ville, à Gerzat.

Vers un projet qui associe reprise et économie circulaire

Il aura finalement fallu attendre janvier 2022 pour qu'Europlasma, un expert aquitain des solutions de dépollution, annonce le projet de construction d'une usine dernière génération à Cébazat (63).

Cette unité de production sera accompagnée d'un centre de R&D spécialisé dans la conception de nouveaux produits, toujours plus légers et sécurisés, afin de faciliter la logistique des gaziers et de réduire l'empreinte carbone du transport de gaz.

Une partie de la production sera issue de matière première recyclée, grâce au nouveau procédé développé par Europlasma Environmental Technologies en Chine.

Afin d'étendre les champs d'application de sa torche à plasma et de développer, après l'amiante, des solutions de traitement ultime des déchets dangereux, et de répondre aux grands enjeux environnementaux de l'époque, Europlasma a développé un procédé unique de recyclage des déchets issus de la production de l'aluminium.

En partenariat avec des universités chinoises, des campagnes d'essais ainsi qu'un prototype de four ont permis à Europlasma de détruire des crasses ou scories, créées par l'industrie métallurgique, pour produire une alumine d'un niveau de pureté voisin de 90%. Elle peut par conséquent être désormais valorisée comme matière première dans certains procédés industriels.

Et ce, alors qu'historiquement, ces déchets n'étaient pas détruits par des procédés écologiques et encore moins valorisés et devenaient ainsi responsables de nombreuses catastrophes écologiques, dans le Parc National des Calanques jusqu'en 2016 notamment ou encore, dans la ville hongroise d'Ajka en 2010.

Compte-tenu des grandes quantités de déchets d'aluminium qui attendent encore d'être recyclées en Europe, le groupe landais souhaite développer de nouvelles utilisations pour cette matière première à forte valeur ajoutée, notamment sur des secteurs stratégiques. Ainsi la construction de l'usine 4.0, dédiée à la production de bouteilles de gaz haute pression en aluminium ouvre désormais la voie à la création d'une filière européenne autonome.

Réduire la dépendance aux pays étrangers

En dehors de ses ambitions en matière d'économie circulaire, ce projet revêt aussi une importance stratégique à l'échelle de l'Hexagone puisqu'à la suite du Brexit, l'usine puy-de-dômoise sera l'unique unité de production de contenants de stockage haute pression en aluminium de l'Union Européenne.

Une implantation qui permettra donc, de fait, de réduire la dépendance de l'UE à des pays étrangers et aussi de sécuriser ses approvisionnements, en devenant un maillon indispensable à l'existence d'une filière souveraine de transport de gaz.

Dans l'optique de se positionner sur des marchés haut de gamme à forte valeur ajoutée où la concurrence est faible, les Forges de Gerzat accueilleront la plus grande presse de filage inverse d'aluminium d'Europe.

Europlasma ambitionne de faire de Cébazat un centre de R&D de renommée mondiale sur les techniques de filage inverse sur les métaux non ferreux. De plus, son catalogue sera complémentaire de celui proposé par l'autre usine du groupe des Forges de Tarbes, visant à faire d'Europlasma un champion européen du secteur, référent sur les pièces filées en métaux non ferreux.

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Commentaire 1
à écrit le 27/02/2024 à 12:04
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Bonjour: Depuis les anciens salariés non plus aucunes nouvelles le projet semble avoir échoué pas un mot pour dire les raisons de cet échec

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