A Equita Lyon, le réveil des startups équines passe désormais par le bien-être animal

Après une année blanche, les startups ont retrouvé les allées du salon Equita Lyon. Ce grand-rendez-vous des acteurs du monde équestre, qui avait accueilli 175.000 visiteurs en 2019, constitue pour elles une vitrine de choix, aux côtés du pôle de compétitivité de la filière, Hippolia. Avec cette année, une tendance très marquée vers les technologies liées au bien-être animal, qui s'imposent très largement dans un secteur jusqu'ici plutôt connu pour ses traditions, sans oublier de forts enjeux là aussi en matière de relocalisation.
Même si la taille de la filière équine peut encore représenter un frein du côté des investisseurs, le pôle Hippolia constate le dynamisme des jeunes pousses, qui assistent elles aussi à une forme de renaissance post-covid, le bien-être équin en tête.
Même si la taille de la filière équine peut encore représenter un "frein" du côté des investisseurs, le pôle Hippolia constate le dynamisme des jeunes pousses, qui assistent elles aussi à une forme de "renaissance" post-covid, le bien-être équin en tête. (Crédits : ML)

Après une année blanche, les startups ont elles aussi répondu présentes, dans les allées du salon Equita Lyon. Ce grand rendez-vous de la filière équestre, qui avait enregistré jusqu'à 175.000 visiteurs et 800 exposants en 2019, était de retour la semaine dernière au sein d'Eurexpo. Avec, dès l'entrée, son "village des startups" monté par le pôle Hippolia depuis 2015, pour marquer le pas.

Nica Stapel, directrice du pôle de compétitivité de la filière équine française Hippolia (200 membres), évoque un effet de "renaissance" post-pandémie, visible également sur la scène équine : "Après avoir vécu une forme de "suspension" au cours des derniers mois, où toutes les dynamiques se sont accumulées, on a le sentiment que maintenant qu'on lève le barrage, le flot arrive. Nous avons nous-mêmes enregistré l'équivalent d'une double promotion sur le village des startups, avec au moins deux fois plus de candidatures reçues".

Cette année, ce sont en effet 13 jeunes pousses hexagonales qui auront exposé leurs concepts auprès des visiteurs et professionnels du salon. Avec parmi elles, cinq startups issues directement du "terroir" de la Région Auvergne Rhône-Alpes (qui se positionne elle-même comme l'une des trois grandes régions équestres françaises). Et un mouvement de fond qui se dégage : celle de mettre désormais la technologie au service du bien-être animal.

"Entre digital et objets connectés, mais aussi bien-être animal, on constate que les nouveaux projets incluent au moins l'une, voire les deux tendances en même temps, et participent ainsi à une forme de dynamique collective", observe Nica Stapel.

De l'objet connecté aux matières innovantes

Un postulat que l'on retrouve par exemple chez la startup drômoise Ekynea, spécialisée dans le développement de capteurs, visant à mesurer en temps réel la température du corps des chevaux munis d'une couverture, par le biais d'un boitier connecté.

Son cofondateur Yannick, était par exemple un passionné des chevaux qui a cherché à pouvoir recueillir cette mesure à distance et directement sur son smartphone.

Et cela, grâce à un système Sigfox pouvant être connecté au Wifi ou à la 4G, et qui se veut "longue distance". Le concept était présenté sur le salon en "avant-première", et doit déboucher dès cette semaine sur un lancement grand public, rappelant d'ailleurs le boitier connecté d'un autre isérois, Coho, présenté lui aussi lors du salon Equita Lyon en 2019.

Mais le digital est loin d'être le seul pilier pour adresser la question du bien-être animal, une notion qui prend elle-même de plus en plus de place au sein des innovations développées par la filière. Quitte à bousculer de vieilles habitudes, au sein d'un secteur marqué jusqu'ici par de fortes traditions.

C'est notamment le cas avec la jeune pousse ligérienne I-Bride, fondée par un dentiste équin, et qui conçoit désormais des embouchures "nouvelle génération", s'appuyant sur deux brevets internes. Son objectif : révolutionner le domaine des "mors" en les fabricant désormais non plus à base de métal, mais d'un polymère issu du domaine médical, qui se veut à la fois hypoallergénique et biocompatible, mais aussi flexible et amortissant.

"Dans tous les sports, on a toujours cherché à contrôler le mouvement à travers l'ergonomie, d'amorti, et la flexibilité. Or, dans le domaine de l'équitation et au niveau des embouchures notamment, cette évolution n'avait pas eu lieu jusqu'ici", explique Isabelle Mollon, sa directrice.

Malgré un démarrage en septembre 2021 en pleine crise sanitaire, la jeune pousse I-Bride est déjà parvenue à constituer une fabrication "made in AURA" avec un pool de quatre industriels régionaux, à l'origine extérieurs à la filière cheval mais possédant plusieurs savoir-faire complémentaires (plasturgie, métallurgie, gravure, etc). Et a déjà conquis plus de 30 points de vente, en France comme à l'étranger (Suisse, Australie, etc) et regarde désormais vers les Etats-Unis.

Pour se faire une place, elle a pu compter sur le soutien de grands cavaliers "ambassadeurs" qui ont fait partie de leurs travaux de R&D, allant même jusqu'à lui offrir une vitrine aux derniers Jeux Olympiques, puisque les deux médaillés Christopher Six et Karim Laghouag ont utilisé sa technologie.

Remplacer les ferrures traditionnelles

Un autre produit, lui aussi très relié aux traditions équines, est en passe d'être révolutionné par les jeunes pousses : la ferrure, que deux d'entre elles proposent désormais de remplacer par des semelles équipes en matériaux innovants.

C'est le cas de l'isérois S.A.F.E Horseshoes, qui propose une nouvelle génération de semelle équine "made in France et même made in Isère".

Son co-fondateur Sébastien Saunier, a réalisé pour cela un co-développement avec un plasturgiste isérois auquel il avait soumis son cahier des charges, en se basant à l'origine sur ses propres besoins. "Nous avions lancé le projet en octobre 2019, à l'origine pour les besoins de notre propre jeune cheval, pour lequel le fer souple pouvait constituer une solution de compromis et de confort".

Après avoir essayé différentes solutions du marché, importées notamment d'Australie, des problèmes d'approvisionnements, rencontrés bien avant la crise, l'ont conduit à lancer son propre produit, à base de polyuréthane thermodurcissable, qui peut ensuite être cloué ou collé au pied du cheval.

Avec selon son concepteur, un double avantage : "proposer une bonne résistance à l'abrasion et au déchirement", mais également un plus grand confort : "le matériau permet notamment d'absorber les chocs et surtout au pied du cheval de réaliser son amorti", explique-t-il.

C'est également le concept retenu par le lyonnais Impulse Horse Runners, qui a lui aussi conçu des semelles équines qui visent à concilier "souplesse, amorti, et protection sans effet de résonance" pour respecter la "bio-mécanique du pied".

Un projet né également d'une difficulté rencontrée avec la jument de concours, détenue par sa fondatrice. "Quand on s'intéresse à la podologie équine, on prend rapidement conscience que la ferrure cause un certain nombre de désordres dans le pied du cheval. Je me suis rendue compte qu'ailleurs dans le monde, et notamment aux États-Unis et en Australie, des sociétés avait déjà travaillé sur des produits alternatifs", explique Annabel Heath, sa fondatrice.

Après une étude de marché réalisée il y a quatre ans, elle commercialise depuis décembre dernier son propre produit à base de polyuréthane, avec 100 à 200 paires vendues par mois, et des défis rencontrés en matière de production :

"Le projet est de faire de la production française en grande série, mais nous avons dû pour cela adapter notre stratégie de départ".

Résultat : elle a commencé par signer un contrat en marque blanche avec un fournisseur basé aux Etats-Unis et "qui dispose d'un retour d'expérience depuis 15 à 20 ans sur ce type de produit", afin d'implanter le nom de la marque en France... et d'envisager ensuite un retour vers une production hexagonale, assorti d'une levée de fonds, si possible courant 2022.

Les défis qui attendent ces startups

"Il y a cinq ans, notre projet de semelles équines n'aurait tout simplement pas pu voir le jour. On savait que le projet avait du potentiel, mais ce qui a changé, c'est qu'il existe désormais des personnalités dans le monde de la podologie équine qui font beaucoup de bruit, et qui ont soulevé une grosse remise en question sur la ferrure", explique Annabel Heath d'Impulse Horse Runners.

Souvent perçue comme un milieu à l'image plus fermée et traditionnelle, la scène équestre serait désormais, à l'image d'autres secteurs, en pleine évolution, en partie grâce à ses startups, mais pas seulement :

"Aujourd'hui, l'équitation est lancée sur un nouvel élan avec une nouvelle génération de cavaliers qui est vraiment tournée autour du bien-être équin. Pour I-Bride, nous sommes également convaincus que plus on assure le confort du cheval et plus on assure également sa performance. On ne peut plus imaginer l'un sans l'autre", résume Isabelle Mollon.

La fondatrice ligérienne de I-Bride, n'hésite pas à évoquer un paramètre désormais pris en compte par une nouvelle génération de compétiteurs, issue du monde équestre. Il n'y a d'ailleurs qu'à voir l'indignation provoquée, au sein même du tissu des cavaliers, après les actes de la compétitrice de pentathlon moderne Annika Schleu sur sa monture, aux Jeux de Tokyo, pour s'en rendre compte.

Pour Nica Stapel, directrice du pôle Hippolia, d'autres secteurs comme celui de la mode disposent eux-aussi d'une frange jugée "plus traditionnelle", mais qui ne doit pas masquer cependant l'arrivée d'une véritable vague de fond, en matière d'innovations.

"Comme dans toutes les filières, on a toujours une startup qui agit comme une tête de pont qui essuie les plâtres et permet d'avancer, c'est le mode même de fonctionnement du progrès. Avec, dans le cas de la filière équestre, des entrepreneurs qui s'appuient très souvent sur leur passion, ainsi que sur une fibre plus technique en parallèle".

Et même si la taille de la filière peut encore représenter un frein du côté des investisseurs, en comparaison d'autres secteurs d'activité, la récente levée de 1,5 million d'euros de la jeune pousse francilienne Horse Republic, qui se pose comme le TripAdvisor du monde équin, fait valeur d'exemple. "Cela veut dire qu'il faut que l'on ait des startups qui aient de vraies ambitions, en termes de marché, pour attirer des investisseurs", traduit le pôle Hippolia.

Selon des chiffres du réseau REFErences, la France comptait 53.300 entreprises au sein de cette filière en 2009, parmi lesquelles 64 % de structures d'élevage et 15 % d'entreprises connexes. L'ensemble de ces structures générait un chiffre d'affaires estimé en 2008 à 12,3 milliards d'euros, dont 1,5 milliard provient des activités agricoles, tandis que la prise de paris hippiques représentait encore 9,5 milliards d'euros (77 %).

Pour produire ses propres "licornes", l'un des enjeux du monde du cheval pourrait également passer par un renforcement de l'accompagnement de ses startups et de leurs spécificités, au sein même de la filière French tech.

Une démarche déjà engagée, notamment à travers  la cellule Horse 'N Tech, qui avait été officiellement reconnue par l'Etat en 2016, en intégrant le Réseau Thématique Sports de la French Tech. Pour l'heure mise en sommeil, un réveil de cet outil fait également désormais partie des priorités de la filière.

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