Transport d’analyses sanguines : et si la réponse venait du drone ? Oriade-Noviale veut l’expérimenter

Ce jeudi, le laboratoire de biologie Oriade-Noviale, désormais intégré depuis cet été au sein du groupe Biogroup, a procédé à un vol d’essai d’un drone, opéré par la société suisse RigiTech. Après avoir déposé deux dossiers auprès de la DGAC, il espère pouvoir démarrer très prochainement une expérimentation de six mois avec un objectif : tester le mode de transport par drone des échantillons biologiques, notamment pour les analyses d’urgence.
Les drones que nous avons sélectionnés peuvent voler à une vitesse de 100 km/h et une altitude de 100 mètres environ, ce qui nous permettrait d'assurer un transport d'une durée de 10 minutes, précise le laboratoire Oriade-Noviale.
"Les drones que nous avons sélectionnés peuvent voler à une vitesse de 100 km/h et une altitude de 100 mètres environ, ce qui nous permettrait d'assurer un transport d'une durée de 10 minutes", précise le laboratoire Oriade-Noviale. (Crédits : DR)

C'est à une cinquantaine de kilomètres de la région lyonnaise que les laboratoires Oriade-Noviale (55 laboratoires, 750 collaborateurs dont 80 biologistes), désormais propriété de Biogroup, veulent tester un nouveau mode de transport pour les échantillons biologiques : le drone.

Ce jeudi, ils ont opéré un tout premier vol d'essai, pour l'instant stationnaire, sur leur site de Bourgoin-Jallieu (Nord-Isère), avec l'objectif de démontrer dans un premier temps ce qu'est un vol « à vue ». Mais ce n'est qu'une première étape : car Oriade-Noviale attend désormais le feu vert de la DGAC pour opérer au moins une expérimentation de livraison par drone dans son fief d'Auvergne Rhône-Alpes.

« Rapide, flexible, écologique et même économique » : ils voient dans le drone plusieurs avantages. A commencer par le fait de pouvoir « réduire fortement le temps de transport », ou encore de pouvoir réaliser des liaisons « à toute heure du jour et de la nuit » et donc « de rendre les résultats biologiques plus rapidement, y compris dans les zones les plus reculées et donc difficiles d'accès ».

Du côté des coûts, l'heure est encore à l'expérimentation mais déjà, le laboratoire estime qu'un déploiement optimisé couplé à l'internalisation de ressources comme un télépilote, capable d'opérer plusieurs routes à la fois à terme, pourrait faire pencher la balance vers le vert.

Une carte à jouer pour les situations d'urgence

Car en Auvergne Rhône-Alpes, le laboratoire Oriade-Noviale dispose déjà de quatre plateaux techniques centraux (Loire, Nord Isère, Isère et Haute-Savoie), vers lesquels sont acheminés quotidiennement, et souvent même plusieurs fois par jour, des prélèvements issus d'une cinquantaine de laboratoires à l'échelle régionale.

« Ce projet de livraison par drone a démarré car nous souhaitions réfléchir à la meilleure manière de gérer ce maillage géographique très étendu, qui va jusqu'à l'Isère et la Haute-Savoie et pose de vraies problématiques de temps de transport », souligne Olivier Vidon, président du groupe Oriade-Noviale.

Avec un enjeu tout particulier dans le domaine des analyses dites "urgentes" : « Nous avons à traiter des situations d'urgence où des analyses sont demandées pour certains cas par la médecine de ville afin d'éclairer une situation, lorsqu'il existe par exemple des doutes sur un infarctus, une embolie pulmonaire ou une phlébite », ajoute Olivier Vidon.

Deux « routes » situées en Nord-Isère ont concentré l'attention du laboratoire, et sont susceptibles d'être concernées par cette expérimentation : un premier itinéraire, plus rural, situé entre les communes de Tignieu-Jameyzieu et de Bourgoin-Jallieu, ainsi qu'un second de typologie plus urbaine, entre Saint-Laurent-du-Pont et Pont-de-Beauvoisin.

« Nous avons sollicité une autorisation de la DGAC sur ces deux routes qui nous semblaient intéressantes, afin de pouvoir démarrer au plus tôt au moins l'une de ces deux expérimentations sur une durée de six mois, afin de démontrer la fiabilité ainsi que les avantages de la livraison par drone dans le monde de la logistique médicale », affiche le laboratoire auralpin.

Des premières rotations espérées à compter de début 2022

Car depuis janvier 2021, une nouvelle « réglementation cadre » ouvre des perspectives aux acteurs du drone hors de portée de vue, mais toujours opérés par un télépilote.

« Auparavant, nous n'aurions pas pu réaliser des vols hors de portée de vue mais désormais, la réglementation civile européenne prévoit l'ouverture possible de routes de longue distance, basée sur une stricte évaluation des risques avant toute exploitation », rapporte Bernard Berlioz, biologiste en charge de ce projet.

Le laboratoire vise ainsi la délivrance d'une autorisation spéciale qui pourrait être accordée, à la suite d'une analyse de risques nommée SORA (Specific Operational Risk Assessment), nécessitant un agrément de l'EASA (European Union Aviation Safety Agency) ou d'une agence locale (DGAC en France).

D'autres acteurs français opérant dans les services par drone, comme le français Azur Drones, ont par exemple déjà obtenu ce type d'autorisation afin d'opérer un vol autonome de drone dans la région de Copenhague, cette fois pour des applications dans le domaine de l'énergie.

« Il s'agit d'une procédure qui prend quelques mois et qui nous permet de viser un démarrage de cette expérimentation début 2022 », estime Bernard Berlioz.

Un accord avec une société suisse

Pour l'heure, Oriade-Noviale a opté pour les services de la société Suisse RigiTech, qui propose des modèles de drones pouvant transporter jusqu'à 2,5 kgs de charge utile, ainsi que les services de ses télépilotes.

Une société qui a su montrer patte blanche car elle a déjà opéré, à l'étranger, des transports d'échantillons biologiques par drone, notamment en Suisse, en Italie, au Portugal ou plus largement au Sénégal.

« Ce pays est aujourd'hui à la pointe de cette technologie et contribue à améliorer le monde du prélèvement sanguin grâce aux livraisons par drone. C'est un domaine qui commence tout juste à se développer, notamment en Afrique du Sud également », estime Bernard Berlioz.

En attendant que la réglementation européenne se précise et s'assouplisse dans ce domaine, les principaux acteurs du monde du drone se sont en effet massivement retrouvés à conduire des expérimentations sur des marchés jugés plus "souples". Une manière aussi de peaufiner leur technologie et leurs offres de services.

« Les drones que nous avons sélectionnés peuvent voler à une vitesse de 100 km/h et une altitude de 100 mètres environ, ce qui nous permettrait d'assurer un transport d'une durée de 10 minutes, là où on parle plutôt de 30 à 40 minutes par voie terrestre, en fonction de la circulation », rapporte le biologiste.

Les appareils visés par Oriade-Noviale, à décollage et atterrissage vertical, disposeraient ainsi d'une autonomie de 120 km en moyenne et seraient opérés dans un premier temps par des télépilotes de la société suisse. Et ce, même si le laboratoire d'analyses avoue réfléchir déjà à la possibilité, de pouvoir internaliser ce type de ressources par la suite, en vue de gérer plusieurs livraisons et appareils en simultané.

Un préambule à un déploiement plus large ?

Car cette expérimentation vise à dépasser le périmètre de ses deux premières routes, et même le champs d'Auvergne Rhône-Alpes : car Oriade-Noviale espère à terme en faire un outil au service de sa maison-mère désormais, Biogroup. Un projet susceptible d'aboutir, à terme, sur le déploiement de ce nouveau mode de livraison innovant partout où il peut présenter des avantages, c'est-à-dire en commençant par des livraisons de prélèvements urgents, sur des zones à la circulation très dense ou difficiles d'accès.

« Il pourrait s'agir de gérer des prélèvement d'urgence, mais aussi parfois, de certains cas où la voiture n'est pas le meilleur mode de transport, que ce soit en raison des embouteillages, ou au contraire du caractère rural ou plus difficile d'accès ».

Même si le concept séduit le laboratoire, « on ne remplacera pas du jour au lendemain les voitures par des drones », reconnaît cependant Olivier Vidon, président du groupe Oriade-Noviale.

Conscient à la fois des enjeux réglementaires, qui demeurent forts, mais également de l'investissement et de la mutation du modèle qui seront nécessaires pour y parvenir.

Oriade-Noviale n'est cependant pas tout à fait la seule à étudier le sujet : en en Caroline du Nord (Etats-Unis), le livreur UPS a lui aussi entamé un projet de transport d'échantillons médicaux par drone dès 2019 avec l'hôpital WakeMed de Raleigh.

En France, deux autres projets, portés par le CHU de Rouen (avec Abot, un département du fabricant de drones rouennais Studio Sport) ainsi que par le CHU de Bordeaux (à travers un consortium "Drones for life" regroupant notamment AbbottBeTomorrowSysveo, ainsi que l'Agence régionale de santé Aquitaine) ont déjà démarré.

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