Chimie verte : avec ses 114 millions, Carbios s’offrira une première usine de recyclage des plastiques

Après avoir clôturé sa quatrième augmentation de capital d’un montant record de 114 millions d’euros au printemps dernier, la jeune pousse auvergnate Carbios, spécialisée dans le recyclage des plastiques et textiles à base de PET, s’apprête à inaugurer en septembre prochain son premier démonstrateur industriel. Elle constituera une première pierre à son processus d’industrialisation, qui comprend également la création d'une première usine de recyclage enzymatique des polymères, à compter de 2024.
Après l'inauguration d'un démonstrateur industriel prévu courant septembre à Clermont-Ferrand, la jeune pousse de la chimie verte Carbios vise déjà à construire sa première usine de recyclage de plastiques à partir d'enzymes, à horizon 2024.

Sa levée de 114 millions d'euros, menée au printemps dernier, avait confirmé de grandes ambitions, un an seulement après la publication, au sein de la revue Nature, des résultats de ses travaux, qui constituaient une première mondiale dans le recyclage enzymatique des plastiques à l'infini.

Désormais, c'est une nouvelle étape qui s'ouvre pour la pépite auvergnate Carbios du monde de la chimie verte, avec la mise sur pied de son premier démonstrateur de sa technologie de recyclage des PET (polyéthylène téréphtalate) à base d'enzymes, qui doit être inauguré à compter de septembre prochain à Clermont-Ferrand.

Car avoir levé au printemps dernier une somme, qui représentait près d'un quart de la valeur boursière de la jeune pousse, et selon un taux de sursouscription de 207%, l'auvergnate Carbios souhaite en effet installer un premier site de démonstrateur au coeur de son berceau de Clermont Ferrand.

« L'idée n'est cependant pas de produire en volume, mais de permettre de démontrer notre process et de produire un livre d'instruction, que nous vendrons ensuite à nos clients, fabricants de PET, afin qu'ils puissent ensuite eux-mêmes construire leur propre unité de recyclage, utilisant notre technologie et nos enzymes », détaille Kader Hidra, chief financial officer de Carbios.

Cette première unité de prototypage devrait ainsi nécessiter un investissement de 20 à 25 millions d'euros, et permettre à la jeune pousse de traiter et produire une quantité de 200 tonnes annuelles de PET recyclé.

Du démonstrateur à l'usine : un seul pas ou presque

Un tout petit volume cependant, comparé à son second projet d'envergure qu'elle nourrit en parallèle :

car Carbios s'apprête également à construire, d'ici fin 2024, sa première usine de production, qui, grâce à une enveloppe d'investissement évaluée à 100 millions d'euros, lui permettra cette fois de traiter un volume annuel de 40.000 tonnes de PET biodégradable.

« Pour cela, nous sommes encore à la recherche de partenaires avec lesquels co-investir et construire cette nouvelle unité », précise Kader Hidra.

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Jusqu'à juillet 2020, ses trois précédentes augmentations de capital auront servi à financer sa recherche et développement, tandis que celle du printemps 2021 est désormais amenée à servir, pour les deux tiers, le financement de cette nouvelle unité industrielle. Le projet a d'ailleurs tout particulièrement séduit les investisseurs de son dernier tour de table : « Le phénomène de traction s'est avéré d'autant plus important auprès des investisseurs, en raison de la phase d'industrialisation qui arrive », glisse le CFO.

Cette unité industrielle ne devrait cependant pas trouver place en Auvergne, puisque les principaux fabricants actuels de PET sont pas aujourd'hui basés en Angleterre, Allemagne, Asie, ou encore Amérique du Nord ou du Sud... Le futur lieu d'implantation de ce premier grand site industriel ne devrait être connu en fin d'année, pour un lancement des travaux début 2022.

« Nous sommes actuellement en discussions avec plusieurs fabricants, et l'on peut dire que nous avons le choix. Nous essaierons cependant de privilégier l'Europe, ne serait-ce que pour demeurer sur le même fuseaux horaires », affirme Kader Hidra, qui souligne également par ailleurs la difficulté d'implanter aujourd'hui une unité de traitement de déchets au sein de l'Hexagone, face aux réglementations en vigueur mais aussi à l'acceptabilité sociale nécessaire.

Objectif : licencier une technologie aux fabricants de PET

Pour autant, l'objectif de Carbios n'est pas de déployer des dizaines d'usines en propres, comme on pourrait le croire à première vue, mais plutôt de licencier sa technologie et de la fournir aux fabricants de PET à l'échelle mondiale.

Pour cela, elle mise sur un procédé développé depuis 2011 et protégé par une trentaine de brevets, avec un savoir-faire bâti au fil de ses expérimentations : « après avoir étudié un certain nombre de thèses et de travaux académiques, le dg de Carbios Jean-Claude Lumaret ainsi que le fonds Truffle Capital, avaient observé que certaines enzymes étaient capables de déconstruire le PET, qui était utilisé pour fabriquer des emballages et bouteilles », se souvient Kader Hidra.

Pour autant, le défi demeurait de taille : d'une enzyme qui permettait de recycler seulement 3 % de PET, Carbios est parvenu à hisser ce score aujourd'hui à près de 90%, pour un recyclage désormais possible à l'infini. Le tout, au sein d'un procédé d'amélioration continue qui se déroule en l'espace de 10 heures dans des cuves contenant de l'eau chauffée jusqu'à 65 degrés et des enzymes, menant ensuite à une étape de filtrage et de purification.

Pour produire les enzymes nécessaires, l'auvergnat Carbios a conclu un accord de partenariat avec le plus gros producteur mondial d'enzymes, le Dannois Novozymes, qui détient actuellement près de 50% de parts de marché à l'échelle mondiale, notamment pour le secteur des détergents et lessives.

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« Nous leur avons donné le séquençage moléculaire de l'enzyme que nous souhaitons et eux se charge de le fabriquer à une échelle industrielle, en utilisant des fermenteurs ».

Avec une idée : « un producteur de plastique PET pourra ainsi acheter à l'avenir notre technologie sous forme de licence, construire sa propre usine, et ensuite acheter des consommables qui seraient ces enzymes pour recycler et générer leur PET ».

La traction du marché par les grandes marques

Car aujourd'hui, un grand nombre d'acteurs de la grande distribution seraient demandeurs d'emballages plus propres, compte-tenu des réglementations environnementales en plein essor, mais aussi des promesses réalisées elles-mêmes par les marques de verdir leurs emballages à horizon 2025 à 2030, afin de rester dans la course.

« Il existe un très grand intérêt pour notre technologie, qui est la seule à proposer un recyclage des plastiques avec des enzymes », ajoute Kader Hidra.

Selon lui, la demande à venir au cours des 10 prochaines années est telle « qu'il y aura nécessairement la place pour tout le monde, puisque ce marché représente près de 70 millions de tonnes produites annuellement à l'échelle mondiale, alors que notre première usine envisagée pour 2024 ne nous permettra d'adresser que 40.000 tonnes annuelles de PET ».

Carbios s'attend ainsi à pouvoir fournir de premiers volumes industriels à compter de 2025 à travers sa première usine de production qui sera montée en partenariat avec un fabricant, puis à générer à travers d'autres partenariats la création d'une à deux nouvelles usines par année de traitement des plastiques recyclés, intégrant son procédé enzymatique.

Ce n'est donc pas un hasard si la plupart de marques françaises ont déjà amené des expérimentations avec Carbios en leur fournissant des déchets que la jeune pousse auvergnate à dépolluer pour leur fournir en retour de nouveaux matériaux recyclés. Parmi ses clients, on retrouve en effet de grandes marques L'Oréal, Nestlé Waters, PepsiCo ou encore Suntory Beverage & Food Europe.

 « Nous avons également développer un partenariat avec Michelin qui a annoncé il y a quelques mois avoir réussi à insérer des fibres de PET recyclées au sein de ses pneus, en prouvant leur solidité », glisse Kader Hidra.

Des augmentations de capital exponentielles

En plus de son procédé de biorecyclage, Carbios travaille également à un procédé de biodégradation visant à insérer directement ses enzymes biodégradables, lors de l'étape de fabrication initiale des matières plastiques, afin qu'elles s'activent lorsqu'elles seront ensuite remises à la terre, lors d'une opération de compostage par exemple.

C'est notamment la tâche de sa filiale Carbiolice, qui développe une nouvelle génération de plastiques intégrant les enzymes au cœur même de plastiques biodégradables. Objectif : que ses plastiques deviennent ainsi 100% biodégradables, et ce dans des conditions de compostage domestiques. Un pari surlequel elle est déjà bien engagée puisqu'elle vient de recevoir la certification internationale OK compost Home.

Après l'avoir créée en 2016 en mettant sur pied un pacte d'actionnaires avec le fonds SPI opéré par BpiFrance et Limagrain, Carbios vient d'ailleurs de racheter l'intégralité des parts de sa filiale Carbiolice, en vue de mener désormais son industrialisation en interne.

Introduite en Bourse depuis 2013, la maison-mère Carbios avait commencé à se financer à travers des augmentations de capital progressives et exponentielles : 4,2 millions d'euros en 2017, 14,5 millions en 2019, 27 millions en 2020, et désormais 114 millions en 2021... Elle estime désormais qu'elle aura suffisamment de fonds pour tenir jusqu'en 2023. « Nous serons ensuite à deux ans de pouvoir générer nos premiers revenus significatifs avec le démarrage de l'industrialisation », glisse Kader Hidra, qui étudiera, pour cette nouvelle étape, des financements non-dilutifs.

Pour rappel, le capital de Carbios se décompose désormais ainsi : un flottant à 80,89%, suivi du fonds de capital-investissement de L'Oréal (Bold) à 5,9%, de MichelinVentures (4,3%), Copernicus Wealth Management1 (5,9%) ainsi que du Groupe L'Occitane, qui fait son entrée au capital à 2,3% au printemps dernier. Elle vise à réaliser son premier chiffre d'affaire significatif à compter de 2025.

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Commentaire 1
à écrit le 27/08/2021 à 9:05
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Hé oui la nature reste encore et de loin la plus forte, d'ailleurs elle nous survivra toujours, le problème est que nous ne survivrions pas sans elle c'est ce qu'oublient les grosses feignasses qui détruisent le monde en ronflant.

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