Un dosimètre stéphanois bientôt à bord de la mission Alpha, pour mieux prévoir les tempêtes solaires

SCIENCES. Depuis son décollage le 23 avril dernier, l'astronaute Thomas Pesquet s'est vu confier 12 missions scientifiques par le Centre National d'études spatiales. Il devra notamment expérimenter le nouveau dosimètre à fibre optique mis au point par un laboratoire stéphanois Hubert Curien avec le CERN et l'entreprise bretonne IXblue. Sensible aux modifications très légères de radiations, cet appareil ambitionne de mieux prévoir des tempêtes solaires, l'un des freins actuels à de futures missions vers Mars.
Dans le cadre de la mission Alpha, le test de ce dosimètre à fibre optique est très attendu car il pourrait permettre de mieux se prémunir des tempêtes solaires -un risque particulièrement important sur Mars-, tandis que sur terre, il ouvre également à de nouvelles applications dans le domaine nucléaire ou médical.
Dans le cadre de la mission Alpha, le test de ce dosimètre à fibre optique est très attendu car il pourrait permettre de mieux se prémunir des tempêtes solaires -un risque particulièrement important sur Mars-, tandis que sur terre, il ouvre également à de nouvelles applications dans le domaine nucléaire ou médical. (Crédits : CNES)

Le centre national d'études spatiales (CNES) a concocté douze missions scientifiques et technologiques pour Thomas Pesquet, dans le cadre de la mission Alpha. Parmi celles-ci, Lumina, un programme dont la coordination a été confiée au laboratoire stéphanois Hubert Curien (Université Jean Monnet / CNRS ; 290 personnes dont 90 enseignants chercheurs), spécialiste notamment des sujets de photonique et d'optique.

Celui-ci travaille sur ce sujet en étroite collaboration avec le Cern et avec l'entreprise bretonne de hautes technologies IXblue. Le projet, au nom poétique, est hautement stratégique car il doit permettre de préparer et sécuriser les missions futures vers Mars et la Lune. L'objet de Lumina : tester en conditions réelles un dosimètre à fibre optique.

Rendre les missions vers Mars plus sures

"Ce dosimètre est un boitier de 27 centimètres par 27 centimètres, contenant plusieurs kilomètres de deux fibres optiques différentes, durcies aux radiations. Plus il y a de radiations passant par ces fibres, moins le niveau de lumière mesuré à la sortie est élevé. Ce dosimètre est très innovant car il permet de mesurer des changements de niveaux de radiations extrêmement faibles", explicite Sylvain Girard.

C'est lui qui pilote le projet pour le compte du Laboratoire Hubert Curien et est responsable du LabH6, laboratoire commun avec IXblue.

Or, si la mission Alpha est exposée à de très faibles radiations car protégée par le champ magnétique de la Terre - avec donc un faible niveau de risque sur ce point pour les astronautes -, la prochaine station spatiale qui succèdera dans une dizaine d'années à l'ISS, sera elle placée en orbite lunaire et sera donc potentiellement plus soumise aux radiations. Et ce sera encore plus vrai pour des missions habitées vers Mars.

"Une tempête solaire fonctionne un peu comme un tsunami. Avant la vague géante de radiations, il y a quelques faibles prémices qui permettent de la prévoir quelques heures avant : de très légers changements dans le niveau de radiations. Si l'on parvient à les détecter grâce à ce dosimètre, il sera alors possible de prévenir les astronautes afin qu'ils puissent s'abriter dans un espace blindé de la navette. Le sujet est très important car la problématique des radiations est un des principaux freins aux missions vers Mars".

Ce dosimètre devrait également être capable, ce sera validé pendant l'expérimentation, d'indiquer la direction des radiations.

Un envoi par "navette", le service de messagerie de l'espace, début août

Le boitier mis au point par le laboratoire Hubert Curien et ses partenaires devrait être envoyé sur l'ISS, par navette, début août. Il sera d'abord manipulé par Thomas Pesquet, jusqu'à son retour sur Terre, puis par les astronautes qui prendront le relais.

"Notre dosimètre est prévu pour rester au moins un an à bord de la station spatiale internationale", poursuit Sylvain Girard, racontant comment tous les aspects liés aux contraintes de l'espace ont dû être intégrées à la R&D.

En matière de gravité ou d'échauffement par exemple. "Ce projet est passionnant, il nous a permis de mettre un pied dans un univers complètement nouveau pour notre laboratoire".

Le boitier est d'ores et déjà prêt, mais le laboratoire poursuit son travail sur le calibrage notamment. En effet, l'intérêt bien supérieur de ce dosimètre à fibre optique, par rapport aux équipements déjà existants utilisant des dosimètres passifs, sera de transmettre en temps réel les données enregistrées.

Afin de permettre une réaction immédiate en cas de danger. "Avec le CNES, nous travaillons à l'analyse des données. Il s'agit de paramétrer exactement le système en fonction du niveau de radiations enregistrées, du positionnement du dosimètre dans la station etc".

Le budget, relativement conséquent, de cette expérimentation, demeure cependant confidentiel.

Des applications terrestres

Au-delà des applications liées au domaine spatial, les enseignements tirés de cette expérience pourraient permettre d'avancer sur Terre, dans d'autres domaines.

Le Laboratoire Hubert Curien planche par exemple sur l'intégration de petits dosimètres à fibre optique dans des drones chargés de l'inspection des installations nucléaires par exemple. "On peut également imaginer installer des dosimètres de ce type dans des contextes de démantèlement nucléaires", imagine Sylvain Girard.

Dans le secteur médical également, les applications pourraient être intéressantes. Le Laboratoire Hubert Curien a remporté d'ailleurs un appel à projets de l'ANR avec d'autres universités pour travailler sur la flash thérapie, afin de traiter des cancers spécifiques pour lesquels le traitement traditionnel par rayons n'est pas adapté.

Les possibilités semblent donc porteuses pour cette nouvelle technologie sur laquelle la France pourrait assurer le leadership européen voire mondial, au niveau de l'aérospatial. L'équipe dédiée à ce projet au sein du laboratoire stéphanois (5 permanents + une dizaine de doctorants et post doctorants) sait qu'elle est d'ores et déjà retenue pour d'autres missions futures dans l'espace. "Courant 2022, nous installerons un autre dosimètre, mais à l'extérieur de l'ISS", annonce ainsi le responsable du projet.

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