Son credo : éviter le gaspillage de la dernière dose. Pascal Huynh et Cédric Tang, deux ingénieurs de l'Université de Technologie de Compiègne (UTC) à la tête de la start-up Medicamentum, ont réorienté il y a quelques semaines temporairement leurs activités.
Incubée à H7 Lyon depuis septembre dernier, leur jeune pousse développait une application mobile permettant de mieux outiller les patients contre les interactions médicamenteuses et les allergies, en se posant volontiers comme un futur Yuka dans le domaine du médicament.
Mais aussi en proposant à terme un meilleur suivi de certaines pathologies chroniques (diabète, maladies neurodégénératives, etc) en offrant la compilation de certaines données de suivi. Après avoir participé à un hackaton mené par l'Assurance Maladie, Medicamentum avait en effet commencé une phase de déploiement auprès de 5.000 utilisateurs grand public, en leur donnant accès à une notice interactive compilant les données de 15.000 médicaments d'officine.
Mais fin mars, alors que leurs équipes lyonnaises travaillaient sur le déploiement grand public de la solution et sur la conclusion de partenariats pour boucler leur modèle économique -tout en complétant l'arrivée d'un nouvel associé-, les deux ingénieurs ont mis leur projet sur pause, afin de proposer un outil pour accélérer la campagne de vaccination.
Un pool de patients à vacciner, à disposition des médecins
« On constaté nous-mêmes la difficulté de trouver un vaccin pour nos proches, avec des rendez-vous parfois très éloignés et longs à avoir, alors que l'on parlait de nombreuses doses gâchées que l'on ne pouvait pas utiliser, faute de rendez-vous », se souvient Pascal Huynh.
Le 6 avril dernier, ils ont donc lancé, quelques jours seulement après leur voisin Vite ma dose, une application qu'ils estiment complémentaire.
Son principe : proposer aux patients qui souhaitent se faire vacciner -compris mais aussi en dehors des critères de la campagne actuelle-, de se faire référencer sur une liste d'attente géolocalisée, accessible aux professionnels.
« L'idée étant que certains centres de vaccinations ou professionnels de santé puissent se servir de cette liste, comme d'une base de patients à vacciner près de chez eux, ou bien en fin de journée, lorsqu'ils ont ouvert un flacon multidoses et qu'ils doivent le terminer ».
La plateforme référence ainsi l'âge, les conditions de santé des patients, leur profession ainsi que leur contact, afin de faciliter ensuite la sélection des profils par les médecins.
« De manière à ce que, s'ils ne trouvent pas de patients dans les critères établis par le gouvernement en fin de journée, ils puissent identifier un volontaire au lieu de jeter la dose. Le choix de vacciner ou non revient en bout de ligne aux praticiens », ajoute le cofondateur.
Un fonctionnement pour résoudre l'urgence
Contrairement à son voisin savoyard Vite ma dose, qui se pose comme un agrégateur géant de rendez-vous géolocalisés, permettant une mise en relation rapide des créneaux de vaccination disponibles à l'échelle d'un territoire, Covid Anti Gaspi fonctionne plutôt selon le mode de l'urgence, comme une liste d'attente.
« Une fois que la bouteille est ouverte, on ne peut pas attendre le lendemain. Les personnes de la liste d'attente sont généralement appelées par les professionnels dans la journée », détaille Pascal Huynh.
Face au sentiment d'urgence qui monte au sein de certaines catégories de populations souhaitant se faire vacciner, ce dernier leur conseille d'ailleurs d'utiliser tous les outils à leur disposition pour tenter de décrocher un rendez-vous, Vite ma dose compris.
« Nous sommes aujourd'hui dans une course à la vaccination, et l'important est de remporter ce challenge et de trouver une place le plus vite possible pour les personnes qui en ont besoin ». D'ailleurs, le fondateur de Covid Tracker, Guillaume Rozier, vient d'annoncer ce vendredi sur RMC le lancement d'une initiative similaire, ChronoDose, afin de trouver les créneaux libres pour se vacciner seulement 24 heures à l'avance.
Par ailleurs, les deux cofondateurs misent également sur un autre paramètre : le renouvellement des volontaires à la vaccination sur un territoire donné au fur et à mesure de l'avancée de la campagne de vaccination.
« Car jusqu'ici, les médecins et centres de vaccination ont fonctionné avec une clientèle en demande, proche de chez eux. Mais l'idée est aussi de leur apporter un nouveau vivier de clientèle, qui ne faisait pas partie de leurs contacts grâce à Covid Anti Gaspi, pour continuer la montée en puissance de la vaccination ».
Un mois après son lancement, Covid Anti Gaspi recense plus de 75.000 patients et près de 180 centres de vaccination ou professionnels de santé inscrits, à l'échelle de l'Hexagone, ainsi que plus de 1.000 mises en relations déjà effectuées par ce biais.
Avec, dans le top 3, les régions Ile-de-France et Auvergne Rhône-Alpes, suivies par la Nouvelle Aquitaine, le Grand Est, l'Occitanie, et les Hauts de France.
« Ce qui est magique avec ce type d'initiative, c'est que nous n'avons pas eu à communiquer. Les gens se sont inscrits eux-mêmes », relève Pascal Huynh.
Tandis que du côté des professionnels de santé, c'est leur nouvel associé Thomas Riquier, docteur en pharmacie, qui a entamé une tournée auprès des fédérations professionnelles (URPS) et autorités de santé locales (ARS, etc).
« Pas une énième startup qui mange des pâtes »
Si la démarche se revendique elle aussi « bénévole et citoyenne », Covid Anti Gaspi s'appuie pour l'heure sur le support des équipes de Medicamentum -soit environ une quinzaine de personnes- qui ont choisi de réorienter leur activité sur ce projet, qu'ils estiment d'intérêt général.
Ils ont néanmoins lancé cette semaine une campagne de crowdfunding, "Covid Anti Gaspi, accélérons ensemble la vaccination !", avec un objectif de 20.000 euros, afin de participer aux coûts de développements. Ses cofondateurs attendent en effet un signe de la part des autorités de santé, et plus précisément du gouvernement, dans un contexte sanitaire où la mobilisation des projets citoyens et des startups n'est plus à démontrer.
« Actuellement, ce projet est financé entièrement sur nos fonds propres. Nous faisons cela pour sortir de la crise ensemble, mais nous souhaitons aussi faire comprendre au gouvernement que nous ne sommes pas une petite startup qui mange des pâtes tous les jours. Nous avons-nous aussi une vie professionnelle, ainsi que des familles », livre son cofondateur.
Leur objectif : atteindre les 300.000 patients et 5.000 professionnels de santé inscrits d'ici fin juin, avec un calcul : « s'ils peuvent vacciner 5 personnes par jour via Covid Anti Gaspi, cela représenterait 25.000 vaccins distribués par jour ».
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