La France, cette «startup nation» qui intéresse toujours le géant Huawei

[Exclusif] A l’occasion de la remise des prix de son concours de startups Digital In Pulse au H7 de Lyon, Linda Han, vice-présidente monde des affaires publiques de Huawei, est revenue sur la politique d’innovation du géant des télécoms chinois, qui souhaite se poser comme un partenaire stratégique de la French Tech française. Malgré son exclusion du marché de la 5G et les sanctions américaines qui pèsent encore sur son développement, le groupe maintient son cap et glisse même un mot sur la construction de sa future usine, attendue d’ici 2022 en France pour adresser les marchés européens.
Linda Han rappelle que la France demeure un pays stratégique plus qu'un marché stratégique pour Huawei, qui emploie 1.000 salariés sur le sol français et compte 6 centres de R&D ainsi que 300 partenaires bleu-blanc-rouge.
Linda Han rappelle que la France demeure "un pays stratégique plus qu'un marché stratégique" pour Huawei, qui emploie 1.000 salariés sur le sol français et compte 6 centres de R&D ainsi que 300 partenaires bleu-blanc-rouge. (Crédits : DR)

Ce jeudi, c'est bien la vice-présidente monde des affaires publiques de Huawei, Linda Han, qui a fait le déplacement au H7 de Lyon pour remettre les deux prix de l'étape locale de son concours Digital In Pulse Lyon. 
Organisé par Huawei (en partenariat avec Business France, la French Tech et le Comité Richelieu), ce programme, destiné à accompagner les startups françaises dans leur développement à l'international, n'aura pas été ralenti par la crise sanitaire. 
En marge de la remise des deux prix Digital In Pulse Lyon au H7, la Tribune Auvergne Rhône-Alpes s'est entretenu la veille avec Linda Han, en vue de détailler la stratégie du groupe en matière d'innovation.

La Tribune Auvergne Rhône-Alpes : A travers ce programme Digital In Pulse ainsi que d'autres récentes annonces (création d'un de recherche Lagrange dans le 7e arrondissement de Paris, projet d'usine européenne en France, etc), le géant des télécoms Huawei se positionne comme un groupe qui investit fortement sur le terrain de l'innovation... Quels sont plus précisément vos objectifs sur ce terrain ?

Linda Han : « Nous investissons chaque année près de 10% de notre chiffre d'affaires en R&D, soit une enveloppe de 18 milliards de dollars l'an passé. Nous étions nous-mêmes une startup il y a tout juste 30 ans, et c'est grâce à l'innovation que nous avons pu développer nos technologies, en investissant de manière importante dans la recherche fondamentale. Parmi nos 196.000 employés, nous avons également 104.000 employés actionnaires à travers une structure coopérative, ce qui permet au groupe de se doter d'une vision et d'investir sur du long terme. »

Si l'on sait que vous employez près de 196.000 collaborateurs à travers le monde, on se doute moins que depuis plusieurs années, Huawei se déploie également à travers l'Hexagone, où votre groupe emploie près de 1.000 collaborateurs : pour quelles raisons avez-vous souhaité vous établir en France ?

« Nous avons près de 1.000 employés qui travaillent aujourd'hui en France au sein de différents domaines, notamment dans le domaine de la recherche, à travers l'implantation de plusieurs centres de R&D. Nous avons en effet installé un centre dans la région de Grenoble (Isère) depuis 2018, un à Paris (Ile-de-France) qui travaille dans le domaine des calculs, un à Sophia-Antipolis (PACA) spécialisé dans le traitement de l'image, ainsi que deux autres centres de recherche à Boulogne-Billancourt (Ile-de-France) sur les enjeux de la 5 G et des algorithmes.

"En l'espace de 17 ans de présence en France, nous avons déjà établi des partenariats avec les quatre principaux opérateurs français afin de les aider à développer leurs réseaux de télécoms."

Nous travaillons avec près de 300 fournisseurs françaises et avons réalisé plus de 1 milliard de dollars d'achats en France l'an dernier, afin de nouer des relations fortes avec les différents écosystèmes. Nous déposons en moyenne une cinquantaine de nouveaux brevets chaque année, ce qui représente une grande contribution pour le pays. »

Huawei est plus particulièrement présent en Auvergne Rhône-Alpes, à travers un centre de R&D majeur à Grenoble, mais également des partenaires stratégiques ?

« Nous avons en effet dans cette région certains partenariats clés, à commencer par notre plus grand fournisseur français, STMicroelectronics. Nous sommes également partenaires fondateurs du H7 à Lyon et avons créé le programme Digital In Pulse en 2014, afin de soutenir les innovations françaises au sein des différents territoires.

"Lyon fait partie des 5 villes (avec Paris, Lille, Bordeaux et Nice), où ce concours est déployé chaque année. Notre objectif est de faire en sorte que les start-ups continuent à imaginer des innovations et de soutenir leur développement sur les marchés internationaux."

Nous pensons plus globalement que la France demeure un pays très stratégique en matière d'innovation, à la fois en raison de la qualité de sa recherche fondamentale, mais aussi de son caractère de "nation of the startups", avec un gouvernement qui met en place beaucoup de moyens pour aider ces entreprises.»

"Pour nous, il s'agit plutôt d'un pays stratégique, où nous avons un grand nombre de partenaires académiques et industriels, que d'un marché stratégique, même si nous sommes très fiers de proposer un choix supplémentaire aux consommateurs et opérateurs français. »

En tant que l'un des acteurs majeurs du secteur des télécoms, quelles formes de partenariats cherchez-vous à instaurer avec ces jeunes pousses, accompagnées dans le cadre de vos programmes d'innovation ?

« Notre objectif n'est pas du tout de les racheter, mais plutôt de leur offrir dans un premier temps à travers le concours Digital In Pulse, un soutien avec une dotation financière ainsi qu'un accompagnement. Nous sélectionnons au sein de chacune des cinq villes deux lauréats, qui reçoivent ainsi une enveloppe de 30.000 et 20.000 euros, ainsi que la possibilité de participer à des voyages d'affaires en Chine pour les aider à développer leurs marchés ».

Les thématiques de votre concours Digital In Pulse sont-elles nécessairement alignées avec vos propres priorités au sein du groupe ?

« Les sujets sont différents chaque année, nous choisissons des thèmes comme le mobile, la connectivité... Pour cette édition, nous sommes revenus sur des sujets liés à la "tech for good", c'est-à-dire à toutes les applications qui visent le bien commun.

Notre engagement pour les applications qui visent au bien commun n'est d'ailleurs pas nouveau. Nous avons par exemple développé l'application StorySign en interne pour le marché européen, qui vise à aider les enfants sourds à lire des livres avec des technologies issues de l'intelligence artificielle et qui est disponible sur Huawei App Gallery notre magasin d'applications mobiles ».

Allez-vous ensuite jusqu'à proposer des contrats aux startups lauréates, en vue d'intégrer leurs innovations ?

« Tous les participants à nos concours, et pas uniquement les lauréats, peuvent avoir accès à notre système afin de développer leurs applications au sein de notre plateforme. Cela leur permet d'avoir un accès à notre écosystème et de développer leurs marques sur le marché international. C'est déjà le cas pour des entreprises françaises comme Qwant, le moteur de recherche français, qui est désormais intégré au sein de notre modèle smartphone P40.

Il faut rappeler que le programme Digital In Pulse constitue également une porte d'entrée sur notre écosystème, en leur offrant la possibilité d'accéder à un large vivier de 300 partenaires français ainsi que 3.000 partenaires européens de Huawei.»

"Nous avons l'exemple d'un lauréat, Azhot Systems, qui a ensuite profité de ces voyages d'affaires pour développer un bureau à Shanghai, ou une autre startup lyonnaise, Cosmo Connected, qui participe à nos grands événements comme Viva Tech pour présenter leur plateforme aux acteurs européens."

Face à un marché mondial du smartphone que l'on annonce désormais saturé, quels sont les axes sur lesquels vous comptez miser pour vous différencier et poursuivre votre développement ? Et ce, alors que Huawei se voit poser un certain nombre de barrières pour l'accès au marché de la 5G, en France comme en Suède...

« Nous sommes bien entendu fournisseur de smartphones, mais nous avons trois grandes activités, à commencer par notre métier de base, qui est de fournir des solutions de connectivité aux opérateurs des réseaux de télécoms. C'est à travers ce métier que nous sommes entrés en France il y a 17 ans, et c'est un domaine que nous aimerions continuer à opérer.

Notre second grand pôle regroupe en effet les objets connectés au sens large, qu'il s'agisse de smartphones, terminaux intelligents tels que des ordinateurs, tablettes, montres ou lunettes intelligentes. Nous opérons enfin un troisième cœur d'activité sur le Cloud, et où nous aimerions fournir une partie de la solution aux acteurs européens.

L'idée n'étant pas d'établir un Cloud Huawei en Europe, mais de chercher des partenaires français qui ont la volonté de développer un Cloud européen pour leur apporter un soutien technique.

Vous aviez notamment annoncé, d'ici à deux ans, l'ouverture d'une usine de fabrication en France, comme un signe fort envoyé au gouvernement français...

 « En tant qu'entreprise basée en France, nous souhaitons devenir un acteur à part entière de la French Tech. Nous avons déjà annoncé au printemps dernier notre volonté de faire du Made in France, avec la construction à venir d'une usine de production en France qui servira l'ensemble de l'Europe.

Il s'agit d'un investissement de 200 millions d'euros pour une création de 500 emplois directs. Son implantation n'a pas encore été précisée pour l'instant, et sa construction s'échelonnera probablement sur plusieurs années, mais elle permettra de construire de nouvelles formes de connectivité et de stations, destinées aux technologies sans fil, allant de la 2 à la 5G. »

Le contexte sanitaire et la perspective, de plus en plus réelle, d'une seconde vague liée au Covid-19 a-t-elle un impact sur les activités d'un groupe mondial comme le vôtre ? Cette crise a-t-il remis en cause certains éléments de votre stratégie ?

« Comme toutes les entreprises, les choses ont été un peu plus difficiles durant le confinement. Mais nous avons tout de même pu accompagner nos clients, y compris en France, où nous avons mobilisé plus de 200 ingénieurs durant la crise afin de garantir la bonne qualité du réseau aux côtés des opérateurs français. Car durant le confinement, l'essor du télétravail a pu générer par endroits d'importantes charges sur le réseau. Nous étions donc présents pour assurer une communication satisfaisante.

C'est également après une telle crise que l'on peut soutenir, à travers le maintien de notre programme Digital In Pulse, la relance économique au sein des territoires. Lyon est ainsi la 4e étape de ce concours cette année. Il reste encore une date à venir à Nice, d'ici la fin 2020.

Nous avons ainsi conservé le même budget, la même stratégie, et la même volonté de poursuivre notre politique d'innovation. Huawei a en effet un certain nombre de projets très concrets à venir ou en cours : pour preuve, nous venons d'ailleurs d'inaugurer notre centre de recherche fondamentale Lagrange en mathématiques en octobre dernier à Paris, qui se pose comme le 6e centre de R&D établi en France.»

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Commentaires 3
à écrit le 23/10/2020 à 15:24
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J'ai trouvé une idée pouyr pouvoir entamer un dialogue constructif avec Huawei et plus particulièrement Linda Han que l'on voit sur cette photo: Amélie de Montchalin ! Vous trouvez pas une ressemblance frappante ? Ya un coup à jouer de ce côté là...

à écrit le 22/10/2020 à 19:22
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espionnage et pillage rien df' autre à attendre..des conglomérats chinois à la botte de leur gouvernement.

à écrit le 22/10/2020 à 19:22
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espionnage et pillage rien df' autre à attendre..des conglomérats chinois à la botte de leur gouvernement.

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