Entrepreneuriat en journalisme : Médiacités, la solidité du modèle récompensée

La deuxième édition des Têtes Chercheuses, organisée par le Club de la presse de Lyon, a récompensé le futur pure-player Mediacités. Un projet éditorial innovant et un business plan solide ont permis à la jeune pousse de remporter cette distinction. Une compétition salutaire pour rappeler combien l'indépendance éditoriale des médias passe avant tout par une indépendance économique. Un lien qu'a rappelé avec force Éric Fottorino, prix d'honneur de cette édition, pour son aventure dans le 1.
L'un des co-fondateur de Médiacités, qui reçoit le prix des Têtes chercheuses.

"Faire émerger des projets d'entreprises journalistiques francophones aux positionnements et modèles d'affaires innovants et durables". Voilà l'objectif du concours des Têtes chercheuses, organisé depuis deux ans par le club de la presse de Lyon. A de nombreuses reprises, ce mardi soir à l'Institut Lumière, le jury n'a pas hésité à challenger en profondeur le cœur économique des six projets en lice. Et à ce petit jeu, c'est finalement le site d'enquêtes dans les grandes villes françaises, Mediacités, qui a remporté le prix. Ce nouveau média prône "l'investigation sans concession". Porté par sept journalistes d'expérience, il doit voir le jour le 1er décembre à Lille, avant un déploiement à Nantes, Lyon et Toulouse puis à terme, dans les 10 grandes métropoles françaises.

Si l'ADN éditorial a séduit le jury, le modèle économique l'a définitivement convaincu.

"Notre business model se veut vertueux. Il repose certes sur un abonnement mensuel de 6 euros. Mais en multipliant nos éditions dans différentes villes, on augmente notre potentiel d'abonnés tout en faisant baisser nos frais de structure", soulignait Jacques Trentesaux, l'un des sept confondateurs, lors de son pitch présentant le média.

Une philosophie qui s'est répercutée avec sérieux dans les prévisions et dans la solidité du business model, a estimé le jury.

Business models matures

Mais aussi, les jurés ont souhaité récompenser l'un des six prétendants pour qui le timing était idéal pour accélérer sa croissance : ni trop jeune, ni surtout, déjà trop mature. A l'instar de Live magazine, un média qui propose des contenus uniquement en live et sur scène, qui devrait déjà réaliser un chiffre d'affaires de 180 000 euros en 2016 et dont le business model semble solide (prestation, sponsoring et billetterie).

Ou à l'image du média suisse Sept info, tenant d'une production circulaire, où le pure-player doit alimenter un beau magazine papier, ce dernier renvoyant sur l'application ou le site grâce à la réalité augmentée. Un journal dont les innovations technologiques et éditoriales n'ont pas suffi, pour le jury, à compenser un modèle d'affaires soutenu par un puissant mécène suisse, qui assure la viabilité du titre pour "cinq années après sa fondation", précisait Patrick Vallélian, à l'origine du projet.

D'autres initiatives intéressantes ont interpellé les décideurs, comme la revue Far Ouest, qui veut raconter le Sud Ouest en feuilletons. A côté des abonnements, la jeune pousse travaille sur la réinvention du modèle de distribution, notamment en tissant des liens avec des librairies, auxquelles le média veut proposer des "abonnements par achat de cartes afin de générer l'acte d'achat immédiatement," détaillait Flo Laval, fondateur de la revue.

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Enfin, deux autres médias en compétition se focalisaient davantage sur un modèle économique fondé sur les subventions. Le journal Minimal, un pure-player qui "milite pour le retour à l'essentiel en se basant sur la philosophie less is more", assume complètement son choix d'être financé en grande partie par les pouvoirs publics (région IDF, Ville de Paris, etc). "Que se passe-t-il en cas d'alternance politique  et de refléchage de vos subventions ?", a souligné un membre du jury, perplexe quant à la pérennité de ce modèle. Autre exemple, 99.media, monté par des journalistes titulaires ou pigistes d'Euronews, plateforme vidéo à but non-lucratif qui diffuse des documentaires en six langues - a semble-t-il défini son business model au lendemain de contacts très avancés avec "de généreuses fondations américaines prêtes à nous suivre dans des sommes très importantes".

Passage de témoins

"Le modèle économique est certes une question importante. Mais elle n'est pas la seule. Le business modèle doit être viable mais aussi vertueux, positif pour le plus grand nombre sur la chaîne de création de l'information", a souligné de son côté Charles-Henry Groult, co-fondateur du Quatre heures, média lauréat de la première édition.

Un propos qui pourrait s'illustrer par une réalisation concrète : le prix d'honneur remis à Eric Fottorino, cofondateur de l'hebdomadaire le 1, et ancien directeur du Monde. Une récompense qui apparaît comme un lien entre les différentes générations de journalistes qui se côtoient dans les rédactions, mais aussi et surtout entre ceux qui  tentent d'inventer de nouveaux modèles face à un secteur en pleine disruption.

L'hebdo, après avoir été accompagné financièrement par le mécène Henry Hermand - séduit par l'innovation que représentait cet "objet de presse" et son format façon poster- est désormais bénéficiaire et peut compter sur un vivier d'abonnés et un modèle économique diversifié qui assure sa viabilité. Un modèle à suivre pour toutes les jeunes pousses média ?

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