CC-IN2P3 : un acteur de la recherche mondiale aussi puissant que discret

Méconnu du plus grand nombre, le Centre de calcul de l'Institut national de physique nucléaire et de physique de particules (CC-IN2P3) du CNRS a célébré le 7 octobre dernier ses 30 ans d'implantation à Lyon. Historiquement au cœur d'expérience de physique d'envergure mondiale (Boson de Higgs), il est aussi fortement impliqué au niveau local, par exemple pour l'hébergement des points d'interconnexion des opérateurs réseaux.

Saviez-vous que le premier site web français* a été réalisé dans un centre de recherche bien particulier, aux initiales très techniques, près de Lyon ? Il y a presque 25 ans, au sein du Centre de calcul de l'Institut national de physique nucléaire et de physique de particules (CC-IN2P3), les deux ingénieurs Wojcik Wojciech et Daniel Charnay étaient à la fondation du 4e site web mondial. C'était en 1993. A l'époque, pas grand monde, dans l'Hexagone, pariaient sur cette révolution.

Infiniment grand et infiniment petit

30 ans après sa création, le CC-IN2P3 a gardé sa discrétion. En revanche, le centre est toujours aussi révolutionnaire et hautement technologique. "Nous participons à la recherche internationale dans les domaines des deux infinis", explique Pierre-Etienne Macchi, directeur du CC-IN2P3.

Dans celui de l'infiniment petit, il s'agit par exemple de l'observation de collisions de particules à la recherche du boson de Higgs. Ces collisions, qui se qualifient en "pétaoctets" (Po)", sont provoquées dans de grands appareils qui coûtent des millions d'euros et sont nécessairement mutualisés entre les pays. "C'est typiquement le cas du LHC, l'accélérateur de particules du CERN à Genève, qui a pour objectif de comprendre le fondement de la matière", illustre-t-il, se réjouissant que l'existence de ce boson ait en partie été confirmée grâce aux moyens du Centre de calcul de l'IN2P3, lequel a été impliqué aux côtés de 12 autres centres.

Dans le domaine de l'infiniment grand, citons l'observation de particules qui proviennent de l'Univers. "On a réussi à détecter les ondes gravitationnelles grâce à la collision des trous noirs", rapporte M. Macchi. Ceci est l'œuvre de l'expérience VIRGO menée en Italie sur l'antimatière. Le télescope LSST vise lui à réaliser un catalogue du ciel chaque nuit, dans l'objectif d'en savoir un peu plus sur la matière et l'énergie noire. Autant d'expériences grandioses qui font appel à des puissances de calcul faramineuses.

De l'Univers aux réseaux

Le CC-IN2P3, centre de traitement de données français des plus grandes expériences de physique depuis des décennies, est aussi un lieu stratégique d'hébergement de nombreux services.

A commencer par les points d'interconnexion (nœuds) d'opérateurs réseau, et prochainement le réseau haut débit du Grand Lyon, qui bénéficiera dans un premier temps aux PME (début des travaux mi-octobre). Toujours  au niveau local, le CC-IN2P3 est partie prenante dans le projet CIDRA, financé dans le cadre de l'actuel Contrat de plan Etat-Région, qui vise à doter la région Auvergne-Rhône-Alpes d'une infrastructure intégrée de calcul haute performance et de stockage de données unique en France.

+25 % de capacité par an

Et pour les années à venir, le CC-IN2P3 compte bien rester performant. "La capacité de calcul a été multipliée par un facteur 3 entre 2009 et 2016, et celle de stockage par 5" rappelle M. Macchi, annonçant que le CC-IN2P3 s'était engagé à fournir un stockage de 67 Po d'ici 2030 pour le satellite Euclid en construction, et offrira une capacité de 375 Po à terme pour le télescope LSST... ce qui représente un taux d'accroissement des capacités de 25% par an.

Les autres sciences occupent une part très mineure (3%) des capacités du centre de calcul, mais sont appelées à se développer, à l'instar du projet HumaNum dédié au transfert de technologies en sciences humaines, ou de l'Institut de Recherche Technologique (IRT) BioAster qui utilise le service pour le stockage des données "multi-omiques" (génomiques, protéomiques, etc.) liées à la microbiologie des maladies infectieuses. "Le CC-IN2P3 est un point névralgique pour la communication réseau de tout le monde économique" conclut son directeur.


*Le 1er site internet français fondé au IN2P3
Wojcik Wojciech et Daniel Charnay étaient présents à la célébration des 30 ans du CC-IN2P3. Ces deux ingénieurs ont été à la base de la fondation du 1er site web français, en 1993. Après avoir ramené le logiciel de base du web (aujourd'hui un serveur) d'une réunion du CERN, ils ont ainsi réalisé le 4ème site web au monde après celui du CERN à Genève, du SLAC à Standford et du DESY à Hamburg.
"C'était alors une page rudimentaire avec une photo du centre de calcul, les coordonnées et l'annuaire de tous les laboratoires de l'IN2P3, qui pouvaient communiquer entre eux", s'amuse Daniel Charnay.
Ce dernier rappel tout de même que, malgré la confusion, le web est un service - un espace libre et gratuit - du système de réseau qu'est Internet, et que le web de "l'époque" (il y a moins de 25 ans), est en train de mourir au profit des applications qui utilisent Internet mais plus le web.
"Si le CERN prélevait 1 euro à la création de chaque site web, il y aurait de quoi financer l'intégralité de la recherche en physique des particules ...et probablement davantage", observe t-il.

Wojcik WOJCIECH & Daniel CHARNAY

Wojcik Wojciech et Daniel Charnay/ Crédits : Nathaly Mermet/ADE

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.