Startups : les dessous des levées de fonds

La levée de fonds est une étape essentielle au développement des startups. Aventure commune entre investisseurs et jeunes entrepreneurs, leurs motivations et intérêts peuvent parfois converger, bien que certaines particularités subsistent. Comment s'opère ce grand saut ? Quelle est la clé du succès ?

Dans le monde merveilleux des startups, une poignée d'élus deviendront une licorne, cette jeune pousse du web au développement fulgurant et à l'estimation capitalistique qui explose. Mais pour la majorité des jeunes entrepreneurs de divers secteurs, avant de rêver plus grand, il faut d'abord passer le cap de la première levée de fonds, celle de l'amorçage. Pour eux comme pour les investisseurs aux profils multiples, c'est une aventure dans laquelle les motivations, les attentes et les intérêts de chacun sont multiples. L'éventail des sources de financement est large et les capitaux sont en augmentation. En 2013 en Rhône-Alpes, 657 millions d'euros ont été investis dans 149 entreprises toutes opérations confondues en capital-investissements. Entre 2006 et 2013, cette somme s'élevait à 4,2 milliards d'euros.

Concilier stratégie et émotion

La question du capital est donc au cœur de la réflexion des startups. "C'est une étape obligatoire pour grandir et assurer notre développement. Mais il faut trouver le bon moment afin de faire grossir au mieux le gâteau", souligne Vincent Tricard, co-fondateur de Pretik, une jeune pousse proposant une plateforme pour le prêt d'objets. Certains entrepreneurs sont dans une logique de croissance éclair. C'est le cas d'Hugues Brin-Michel, fondateur de Let's dress. Pour lui, il s'agit avant tout de valoriser au maximum son entreprise, afin de la revendre dans les meilleures conditions : "Dans mon cas, cette activité est avant tout un tremplin pour développer d'autres projets."

Le ressenti émotionnel de cette opération varie selon les initiatives. Pour Manuel Ausserre, fondateur de Watch in live, une startup qu'il a lancé avec son père, le dilemme est à la fois sentimental et stratégique. "J'ai un énorme besoin de financement en R&D. Cela nécessite l'entrée de nouveaux actionnaires. En même temps, je n'ai pas envie d'être dépossédé de notre création familiale", avance-t-il. Mais il s'agit aussi de défendre ses gains envisageables : "Ma société a un potentiel important. Perdre le contrôle serait problématique. Mais sans aide extérieure, je n'irai nulle part", confie Manuel Ausserre. Et à ce titre, l'enjeu n'est pas uniquement  financier : "Les investisseurs doivent apporter une expertise, des conseils", poursuit-t-il.

L'engagement des business angels

Et pour assurer cette bonne équation, les business angels (BA) jouent un rôle important. Le montant identifié de leur contribution était de 3,7 millions d'euros en 2014 sur le territoire de la métropole de Lyon, pour environ 12 millions d'euros levés grâce à l'effet de levier. Pour ces patrons aguerris et à la fibre altruiste, mettre la main au portefeuille est d'abord une question d'histoire : "Nous avons un passé avec l'entrepreneuriat. Nous aimons profondément l'entreprise, explique Pierre Briglia, BA et président du fonds ADHOC Invest. "Cela va au-delà de la participation financière", assure-t-il.

C'est surtout une question d'engagement : "on s'investit réellement dans l'aventure. Nous avons une sorte de posture informelle de coach, afin de transmettre notre expérience", poursuit Pierre Briglia. "C'est une question de citoyenneté", estime même Gilles Assolant, président de Lyon Métropole Angels. Ainsi, le taux de rentabilité espéré n'est pas très élevé : entre 0,8 et 1,2 %, sans obligations temporelles de sortie.

Les fonds à la recherche de l'avantage concurrentiel

Cependant, d'un type d'investisseurs à un autre, les intérêts varient. Pour le fond Pertinence Invest, lié au monde universitaire via l'Insa (Insavalor) et spécialisé dans la technologie, il s'agit de transformer des projets scientifiques en réussite entrepreneuriale et commerciale.

"Nous renforçons les fonds propres des sociétés issues de l'univers de la recherche. Elles ont des innovations de rupture, mais pas toujours la mentalité et les moyens de les transformer en produit à vendre", analyse Nicolas Penet, président de Pertinence Invest. "C'est un travail de suivi des travaux d'études, mais surtout d'évangélisation", précise-t-il.

Pour Pertinence Invest, il n'y a pas d'objectifs de rentabilité ni d'obligations de sortie. Au 1er tour de table, l'investissement est compris entre 50 000 à 200 000 euros. "Cependant, nous devons assurer notre sortie du capital de l'entreprise dans les meilleures conditions afin de pouvoir réinvestir et continuer notre travail", estime-t-il.

D'autres fonds, plus puissants, ont d'autres critères prioritaires, à l'image de Rhône-Alpes création (RAC). Cette structure publique/privée, créée en 1989, possède un fonds dédié à l'amorçage des startups technologiques. "Nous investissons dans les projets qui ont un avantage concurrentiel d'au moins 6 à 12 mois. Celui-ci peut être commercial ou technique", indique Mathieu Viallard, chargé d'affaires à RAC. L'encadrement y est également plus strict. Un conseil de surveillance est intégré à la startup afin d'établir des rapports précis sur l'évolution du projet, renforcé par l'introduction d'un expert indépendant.

Crowfunding, étape intermédiaire ?

A côté des acteurs "institutionnels", un nouveau protagoniste s'immisce depuis quelques temps dans le monde du financement des startups : le crowdfunding. Celui-ci, bien que permettant de réelles levées de fonds -jusqu'à un million d'euros selon la législation en vigueur-, apparaît comme un élément "intermédiaire". "Notre processus de sélection est un gage de qualité. Notre travail en amont peut permettre à d'autres investisseurs de rentrer dans les négociations", avance Louise Chopinet, administrative de Crowd Avenue, l'antenne lyonnaise de la plateforme Weseed dédiée au financement participatif de projets entrepreneuriaux.

Du côté des porteurs de projet, ce biais est considéré par certains comme une étape de test. "C'est une étude de marché en soi. Si on n'arrive pas à lever des fonds ici, c'est qu'il y a quelque chose qui ne marche pas", analyse Manuel Ausserre. Pour d'autres, c'est "un vecteur de communication, un moyen d'augmenter notre notoriété", pense Vincent Tricard.

Le mirage du business plan

Investisseurs comme entrepreneurs s'accordent sur un point commun : la nécessité de réaliser une levée de fonds optimale.

"Il ne faut surtout pas sous-capitaliser en espérant faire quelques économies, souligne Mathieu Viallard. Il faut mettre les fonds nécessaires afin d'assurer sereinement et dans les bonnes proportions les nombreux besoins que rencontre une startup".

Pour assurer cette bonne capitalisation, le business plan pourrait apparaître comme un élément déterminant. "C'est avant tout une matérialisation du projet de l'entrepreneur. Il a une valeur indicative et doit s'inscrire dans le réalisme", note Gilles Assollant. Élevé au rang de document modèle au développement de l'entreprise, il perd de son caractère mythique à l'épreuve des faits. "C'est un document d'échange, mais ce n'est pas la chose essentielle que l'on regarde", avance pour sa part Mathieu Viallard. Pour les startuppeurs, le business plan est largement relativisé : "Nos business plans sont faux, car nous devons passer du rêve à la réalité et cela nécessite un ou plusieurs pivotements de la stratégie. Mais il montre une direction", estime Manuel Ausserre.

La personnalité de l'entrepreneur

Si le business plan est une donnée variable dans le financement des startups, c'est sur un autre élément fondamental sur lequel s'appuie les investisseurs : la personnalité du porteur de projet.

"La solidité d'une startup résulte aussi et surtout sur l'entrepreneur. Nous cherchons des personnes ayant des facultés de rebond, de réaction, d'adaptation, mais aussi une capacité d'écoute et d'assimilation des conseils", détaille le business angels Gilles Assollant.

"La moitié des projets échouent à cause des équipes dirigeantes. Il faut placer les bonnes personnes avec les bonnes compétences aux bon postes", affirme Mathieu Viallard. C'est, entre autre, l'un des conseils à suivre afin que les chevaux de course incarnés par certaines startups se transforment en réelles licornes. Enfin, avant, il y a un autre chapitre à franchir : celui de la levée de fonds en capital-risque. Encore une autre histoire.

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