"Les entreprises doivent performer en 2017 pour ne pas perdre la confiance des investisseurs"

A l'occasion de l'Oddo Forum, l'un des grands rendez-vous européens des entreprises cotées et des investisseurs (Lyon, 5-6 janvier), Matthias Desmarais, directeur de la recherche chez Oddo Securities, livre son analyse boursière pour l'année 2016 concernant les moyennes et petites valorisations, notamment celles des biotechnologies. Et pour 2017, il estime que les entreprises doivent "délivrer impérativement leurs bons résultats à défaut de perdre la confiance des investisseurs."

Acteurs de l'économie - La Tribune. En 20 ans, l'Oddo Forum est devenu l'un des plus importants rendez-vous européens des entreprises cotées et des investisseurs institutionnels. Quel est l'objectif et le positionnement de ce rendez-vous ?

Matthias Desmarais. Historiquement, l'Oddo forum se focalisait sur les petites et moyennes valeurs boursières, mais notre positionnement en termes de capitalisation s'est élargi. Pour l'édition 2017, la plus grande entreprise représentée, Safran, atteint 29 milliards d'euros. Cela s'explique par plusieurs facteurs. Alors que les petites et moyennes valeurs attiraient jusqu'alors les investisseurs "specialises", les mid caps, ont, depuis 2010, surperformées (sauf en 2011) attirant donc de nouveau investisseurs.

Par ailleurs, il existe des distinctions entre investisseurs sur la classification "midcap", les anglosaxons en ayant une compréhension plus large en termes de taille. Le niveau de capitalisation des participants, poussé par le prisme anglo-saxons a donc suivi l'élargissement géographique des investisseurs présents sur le forum.

Quelle est la plus-value de cet événement pour les participants ?

La grande force de l'Oddo forum est de proposer une capacité d'interactions entre les membres : il se base sur un format "speed-dating". Les 263 entreprises représentées et les 474 investisseurs institutionnels vont multiplier les rencontres, en changeant d'interlocuteurs toutes les 45 minutes. Au total, 5 400 rendez-vous sont prévus.  Avec 10 à 15 meetings quotidiens pour les entreprises et 10 à 20 pour les investisseurs, les participants y trouvent un profond attrait en termes de communication financière.

Enfin, autre facteur non-négligeable pour la qualité de notre forum, il est le premier grand rendez-vous de l'année, ce qui permettra aux investisseurs de capter les premières tendances de 2017 et investir en conséquence.

Le bureau lyonnais est notamment spécialisé sur la Recherche Actions Mid Caps, un positionnement sur lequel se trouvent nombre d'entreprises d'Auvergne Rhône-Alpes. Quel est votre regard sur ce tissu économique régional ?

Notre bureau lyonnais regroupe sept analystes : quatre sont focalisés sur les valeurs moyennes et trois sur les small caps. Au regard des introductions en bourse accompagnées ces dernières années, le tissu régionale d'entreprises fait preuve d'un grand dynamisme. Il se caractérise par de nombreuses PME à la fois en forte croissance, mais également sur des secteurs économiques variés, ce qui démontre l'attractivité du territoire.

De nombreuses entreprises innovent, soutenues par une politique régionale ambitieuse. Dans ces secteurs innovants, la forte présence des sociétés régionales à forte valeur technologique au sein de l'indice Tech40 démontre ce dynamisme. Mais si les valeurs cotées sont les plus visibles, cette effervescence est également réelle dans le tissu d'entreprises non cotées.

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L'Oddo forum tente justement de convaincre des entreprises encore non-cotées mais éligibles à une introduction en bourse, à travers des modules de work-shops ou de rencontres lancées il y a maintenant trois ans. Mais aujourd'hui, certaines entreprises hésitent, voire se détournent de ce mode de financement. La Bourse est-elle toujours la vitrine et le mode de financement idéal ?

L'année 2016 a été marquée par une raréfaction des introductions en Bourse, conséquence de plusieurs phénomènes. D'une part, le nombre de croissances externes (OPA sur les entreprises cotées) a augmenté, ce qui a réduit mécaniquement les capacités d'investissement des gestionnaires sur de nouvelles valeurs. Par ailleurs, dans un contexte 2016 marqué par une forte volatilité des valeurs, les investisseurs ont privilégié des paris sécurisés plutôt que de nouvelles introductions en Bourse.

La variété des modes de financement alternatifs disponibles et attractifs pour les entreprises, notamment les startups, est également une donnée à prendre en compte pour comprendre la baisse des introductions en Bourse.

Enfin, il peut en résulter aussi d'un manque de potentiel de certaines entreprises, avec une capitalisation boursière envisageable pas assez forte pour les investisseurs. Un gérant de portefeuille a des besoins importants de liquidité. L'entreprise, pour trouver ses investisseurs, a besoin de proposer des résultats performants. En ce sens, toutes les entreprises jeunes et dynamiques ne remplissent pas les critères qualitatifs pour s'introduire.

Les entreprises spécialisées dans les biotechs ont, quant à elles, particulièrement séduits les investisseurs ces dernières années. Mais 2016 a été marquée par le recul de certaines valeurs prisées, à l'instar d'Erytech Pharma qui a perdu plus de 40 %. Existe-t-il un risque de bulle dans ce secteur ?

Au regard du marché français ou européen, il existe des vraies pépites au potentiel de croissance fort. Cependant, en 2016, en termes de capitalisation moyenne, c'est le secteur des biotechs qui a été le plus pénalisé en Bourse. C'est un secteur fortement volatile, notamment à cause des craintes des investisseurs américains, mais aussi à cause des contraintes importantes de réglementations, qui peuvent faire prendre du retard au développement de la technologie ou du produit. C'est par exemple ce qu'il s'est passé en 2016 avec Erytech (la société biopharmaceutique lyonnaise avait annoncé le retrait de sa demande d'autorisation de mise sur le marché européen pour le Graspa, son traitement contre la leucémie aiguë lymphoblastique (LAL), ou encore l'entreprise AAA qui s'est vu contester ses essais par la FDA, NDLR).

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Malgré cette volatilité à court terme, les investisseurs sont persuadés du potentiel de ces placements à moyen et long terme, d'où le fait qu'ils maintiennent leur confiance. Une confiance qui s'est forgée également par des succès importants dans ce secteur, à l'instar d'Actelion, biotech qui fait aujourd'hui l'objet des plus folles rumeurs : Johnson & Johnson était prêt à débourser 27 milliards de dollars. Sanofi serait désormais sur les rangs. D'autres success-stories confortent les investisseurs, comme celle de DBV Technologies.

Les investisseurs ne remettent absolument pas en cause leurs participations dans les biotechs, malgré cette forte volatilité. Par ailleurs, à l'heure du French Bashing, l'excellence des biotechs françaises est à mettre en avant.

Le secteur bancaire fait face à l'irruption de nombreux acteurs qui bouleversent le métier.  Comment voyez-vous les prochaines années ? Vos cœurs de métier (assets management, gestion de patrimoine, etc)  peuvent-ils, à leur tour, être perturbés par ces nouveaux protagonistes ?

Le secteur bancaire, à mon sens, n'a pas encore réellement fait sa mutation digitale. De nouveaux acteurs se sont certes introduits, mais ils n'ont bouleversé les codes que dans une certaine limite, visant particulièrement les activités de retail. Les réussites de Compte Nickel ou d'autres fintechs démontrent effectivement la disruption sur ce segment. Si les activités de détails sont davantage impactées, c'est que la valeur ajoutée traditionnelle de cette activité peut être disrupté par des progrès technologiques.

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Mais à mon sens, cette rupture ne pourra pas intervenir - du moins pas dans la même mesure - dans les activités de banque d'investissement. Des nouveaux process technologiques pourront certes émerger, mais le rôle du l'humain sera toujours central et ne pourra pas être remplacé. Le choix des investisseurs se fait sur des critères quantitatifs et des perspectifs de rendements objectifs, mais également sur une perception humaine de la qualité de l'entrepreneur et de son potentiel de leadership.

Un autre élément limite selon moi le risque de bouleversement de nos activités traditionnelles : pour assurer de grands investissements, il faut un potentiel financier important. Ces fintechs ont-elles ces capacités ? Je n'en suis pas convaincu.

Enfin, si on pousse le raisonnement à l'absurde, le jour où il n'y aura plus besoin d'Hommes dans ces activités soulignera le fait que le financement sera illimité et sans risque, et qu'il n'existera plus de contrainte bancaire. Tous les projets seront alors financés. Mais cet eldorado financier se fracassera sur la réalité des performances et de la viabilité de l'entreprise.

Quelles sont vos perspectives pour l'année 2017 ?

En dépit du retour des marges des entreprises, les résultats 2016 devraient être en dessous des espérances des investisseurs, avec des résultats sur les deux agrégats qualitatifs (chiffre d'affaires ; résultat opérationnel courant) en hausse de 1%, alors qu'il y a un an, les estimations tournaient autour de 10 à 12 %. Elles étaient portées notamment par la baisse du prix du pétrole et les leviers actionnés par la Banque centrale européenne.

Pour l'année 2017, nous visons une augmentation de 5 % du chiffre d'affaires et de 12 à 13 % du résultat opérationnel courant des valeurs. Nous sommes donc optimistes, mais également relativement prudents. Cette année sera charnière, car les valorisations actuelles - 10 à 15 % supérieurs par rapport à la fourchette 2002 - 2007 - sont relativement élevées. Les entreprises doivent donc délivrer impérativement cette année leurs bons résultats à défaut d'une perte de confiance des investisseurs. D'autant plus que de nombreuses incertitudes existent : l'entrée en application du Brexit ainsi que les échéances politiques - notamment en France et en Allemagne - qui font peser des risques boursiers et économiques.

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