"La finalité des soins n'est pas le maintien de la vie" (Axel Kahn)

C'est par une masterclass du scientifique, médecin généticien et essayiste Axel Kahn que s'est refermée la première édition du forum Santé Innovation Lyon, organisé par La Tribune en partenariat avec Boehringer Ingelheim, la Métropole de Lyon et Roche. Avec une interrogation au centre des débats : "Jusqu'où peut-on aller au nom de la vie". Une question qui relève évidemment de l'éthique, le thème moteur du dernier ouvrage d'Axel Kahn, "L'éthique dans tous ses états", un dialogue avec Denis Lafay publié aux éditions L'aube.
Axel Kahn
Axel Kahn (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

La question, complexe, "jusqu'où peut-on aller au nom de la vie" interpelle évidemment la notion d'éthique. Une interrogation "sur la vie bonne et les valeurs qui la fondent" selon les mots du scientifique, médecin généticien et essayiste Axel Kahn :

"Est-ce que le chemin est bon ? Si je me convoque au tribunal de la conscience, est-ce que je le trouverais correct ? Cette interrogation, c'est précisément le niveau de l'éthique. Quand on prend une décision, il y a toujours au premier plan, ou de façon sous-jacente, l'interrogation sur l'éthique. Dans le domaine de la médecine, cela est souvent conjoint avec le respect des droits de l'Homme."

Considérant cette éthique, "la finalité des soins n'est pas, en soi, le maintien de la vie", mais ce qu'Axel Kahn nomme la "vie humaine, sociale".

Axel Kahn

Axel Kahn (photo : Laurent Cerino/LT)

"Le rôle du médecin n'est pas de combattre pour maintenir une personne en vie. Si ce malade ou ce blessé est incapable de retrouver ensuite son état physique ou mental, ce qui provoque chez lui une impossibilité de vivre dans la société, alors la poursuite des soins devient de l'acharnement thérapeutique. La question ce n'est pas simplement 'jusqu'où aller pour la vie', mais 'jusqu'à quel niveau ?'. Selon moi, cela veut dire une vie compatible avec le relationnel, où la personne peut se féliciter de vivre sa vie'.

La question des grands prématurés

Ainsi, la question de savoir ce qui est éthique, ou pas, ne se situe pas au niveau de l'artificialité des méthodes pour maintenir la vie, mais la prise en compte de leurs finalités. "La question, c'est est-on capable de ramener cette vie humaine dans un état où elle est capable d'aimer, de haïr, de faire des choix...", précise-t-il.

Puis Axel Kahn de prendre un cas concret : celui des grands prématurés. "Une vraie question éthique", affirme-t-il.

"Il y a 30 ans, un bébé de moins de 1,5 kg qui naissait avait peu de chance de survivre. Aujourd'hui, les progrès de la médecine en réanimation néo-natale font que ce bébé peut naître sans problème. La question qui se pose désormais, c'est jusqu'à quel niveau entreprendre la réanimation. C'est une question terrible, épouvantable. La loi a fixé le seuil à 400 grammes pour que le nouveau-né ait une chance de parvenir à une vie mentale 'normale'. Alors oui, il faut donner toutes ses chances à la vie. Mais, si la réanimation réussit, que le bébé tète et que l'examen montre une énorme cavité dans le cerveau qui montre que cet enfant restera dans un état végétatif ?'

Ce qui amène, selon lui, une nouvelle interrogation :

'Cela pose la question de 'jusqu'où cette vie ?', mais aussi de qui décide ? Peut-on demander aux parents de porter un arrêt de mort sur leur enfant ? Non, on ne peut pas. Confier cela aux professionnels ? Dans ce cas, on parle d'arrêt de la vie, d'euthanasie assistée. Mais cela ne va-t-il pas amener à faire n'importe quoi ?'

Axel Kahn

Axel Kahn (photo : Laurent Cerino/LT)

La loi pour cadrer l'IA

Selon Axel Kahn, le combat éthique est également menacé par l'arrivée de l'intelligence artificielle dans la médecine.

'L'intelligence artificielle commence à être réellement 'intelligente' depuis les années 2010. Avant, l'informatique amenait juste une plus grande rapidité ou capacité de stockage. Aujourd'hui, on constate que les plus fortes capitalisations boursières au monde s'engagent dans l'IA, à l'image des investissements massifs de Google dans le transhumanisme", fait-il remarquer.

Et, devant cette menace, une seule réponse pour le généticien : "La norme législative".

"Dans une démocratie, personne n'est supérieur aux citoyens pour indiquer ce qui est bien ou mal. Même si l'objet de loi peut être, dans certains cas, non-éthique."

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L'éthique dans tous ses états (photo : Laurent Cerino/LT)

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Commentaire 1
à écrit le 20/03/2019 à 18:31
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Merci aux journalistes de ne pas trahir les propos d’Axel Kahn par des fautes d’orthographe tellement navrantes. : «  Mais si la réanimation reussiT, que le bébé tÈte ... »

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