Pascal Picq : "La définition de l’Animal est à repenser"

Acteurs de l'économie-La Tribune, en collaboration avec Boehringer Ingelheim, a organisé mercredi 5 décembre le deuxième volet du cycle de conférences « Homo Animalis ». Après Gilles Bœuf et la bio-inspiration, le paléoanthropologue et maître de conférences au Collège de France Pascal Picq a remis en cause les certitudes humaines sur sa prétendue supériorité intellectuelle vis-à-vis des animaux.
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Pascal Picq (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

« Il n'y a pas d'intelligence animale. Il y a DES intelligences animales. » La nuance est fondamentale pour Pascal Picq, spécialiste des grands singes. L'Homme doit laisser son arrogance de côté et prendre en compte la complexité des écosystèmes afin de rentrer dans un processus de coévolution :

« Chaque espèce rend inconsciemment et gratuitement service à l'autre tout en veillant à son intégrité. Cela amène un système plus innovant dans lequel chacun est acteur du système. »

Faire évoluer les relations entre Hommes et animaux

Selon le paléoanthropologue, l'Homme, jusqu'à présent, n'a pas voulu voir les intelligences animales, « comme si on ne pouvait pas comprendre les animaux, comme s'ils faisaient partie d'un autre monde. » Et nous invite à changer notre regard :

« En France, on confond erreur et faute. C'est un vrai handicap, dans tous les domaines, que ce soit dans le monde de l'entreprise, dans l'éducation ou dans nos relations avec nos animaux. »

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Pascal Picq (crédits : Laurent Cerino/ADE)

Avec les animaux domestiques, « c'est soit la punition, soit la récompense », poursuit-il. Il faut changer d'approche, ne plus parler de dressage mais d'éducation :

« Il faut encourager les interrelations entre l'humain et l'animal, féliciter plutôt que fustiger, apprendre à se connaître, à se faire confiance, rentrer dans une complicité. Avec nos chiens, nos chats, nos chevaux, nous interagissons et inventons des comportements de mieux vivre ensemble », souligne le spécialiste de l'évolution de l'Homme.

« La coévolution, c'est comprendre le comportement des autres. Admettre que l'on vit dans un monde où il y a plusieurs formes d'intelligence n'enlève rien à notre propre intelligence », renchérit Pascal Picq.

Vers l'intelligence augmentée

« Lorsque nous essayons de comprendre les intelligences animales, nous progressons, nous nous préparons au monde qui vient, fait de nouvelles formes d'intelligence, les intelligences artificielles. Certaines machines communiquent d'ailleurs déjà entre elles et nous dépassent dans certains domaines ! »

Le paléoanthropologue, qui célèbre les préceptes de Darwin, voit dans l'émergence de l'IA une étape nécessaire de l'évolution de la lignée humaine : « Il ne faut pas s'inquiéter de l'émergence de l'IA et des robots collaboratifs, c'est ça, l'évolution ! »

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(crédits : Laurent Cerino)

Il est temps selon lui de bâtir un nouvel humanisme :

« L'humanisme est devenu une entreprise d'exclusion, dominée par l'homme blanc. La définition même de ce qu'est l'animal est à repenser. Pensez au code Napoléon, à l'esclavage, à la parité femmes-hommes... On n'a pas encore évolué vers un vrai humanisme laissant leur place à toutes les formes d'intelligence. »

Pour Pascal Picq, la civilisation se dirige vers le post-humanisme, un monde où l'homme se débarrassera de ses défauts, un monde dans lequel les performances humaines seront augmentées grâce aux machines et au transhumanisme. Selon lui, il faudrait profiter de cette opportunité :

« Les IA vont nous aider à rattraper le retard que nous avons pris avec les intelligences animales : c'est une véritable révolution humaniste et intellectuelle qui nous attend ! »

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