La liberté d'entreprendre : jusqu'où ?

Quand on interroge un entrepreneur sur ses motivations, la notion de liberté est souvent en pôle position. Mais jusqu'où va sa liberté ? Est-elle réellement sans limite ? La solitude en est-elle forcément le prix ? Entreprendre, est-ce vraiment la liberté ? Christian Barqui, multi-entrepreneur et François-Xavier Bellamy, professeur de philosophie, ont dialogué autour de cette question lors de la 11e conférence du cycle "Philosophie & Management", organisé par Acteurs de l'économie-La Tribune en partenariat avec l'iaelyon school of managment. Extraits.
(Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Choisir son emploi du temps, ses collaborateurs, mettre en œuvre sa propre stratégie, développer ses projets, faire ce que l'on veut... il y a autant de définitions de la liberté qu'il y a d'entrepreneurs.

"Pour moi, la liberté entrepreneuriale n'existe pas. Sauf pour les grands patrons des GAFA, des anarchistes de droite qui veulent passer au-dessus de toutes les lois. Quand on est patron, on ne peut pas s'affranchir des règles et de certains devoirs envers la société, affirme Christian Barqui.

Fondamentalement, nous ne sommes pas libres. Nous sommes dépendants des consommateurs, des actionnaires, des banquiers... Ce qui me motive, c'est la gestion de mon emploi du temps. L'autre liberté de l'entrepreneur, c'est pouvoir choisir avec qui on travaille".

Pour François-Xavier Bellamy : "La définition la plus consensuelle de la liberté, c'est d'avoir le choix. Nous sommes les héritiers d'une conception moderne de la vérité, qui n'a rien d'une évidence, formulée par René Descartes. Pour lui, plus je suis indifférent, indéterminé, plus je suis libre. La liberté, c'est avoir le choix face aux contraintes qui se présentent. Ainsi, le plus grand ennemi de la liberté, c'est notre propre choix, car il engage. Le risque, c'est de se retenir de choisir, d'éviter de se lier à une communauté. La véritable expérience de la liberté, c'est de vouloir vraiment ce que l'on choisit et de l'assumer, même avec ses contraintes".

Conquérir sa liberté

Dans ce contexte, cette "liberté sous condition" peut sembler un fardeau. Pourquoi entreprendre dans de telles conditions ?

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Christian Barqui (crédits : Laurent Cérino/ADE)

"Bien sûr, entreprendre relève d'une volonté d'autonomie, d'indépendance, de l'idée de laisser une trace. Mais un entrepreneur n'est pas totalement libre. Contrairement aux salariés, il ne peut pas quitter son entreprise quand il veut, il doit la vendre sous certaines conditions. La liberté, c'est s'affranchir du pouvoir des autres pour être mieux aligné avec ses propres valeurs.

Cependant, il faut être conscient du risque : il est élevé quand on a 40 ans et une famille avec 4 enfants, il l'est moins quand on sort de l'école. j'encourage les jeunes à le faire à ce moment là, quand on a rien à perdre...", avance Christian Barqui

"On pense souvent la liberté comme acquise, quelque chose qui appartient à quelqu'un par nature. Or, la liberté se conquiert. Elle a un coût : celui du risque et de l'engagement personnel. Il ne s'agit pas d'une affaire de moyens, mais du pouvoir intérieur que l'on se donne pour la garder, développer et conquérir sa propre liberté, quitte à se retirer plutôt que de trahir ses engagements.

Il faut se donner les moyens de la faire vivre. Chacun est responsable de sa propre liberté. L'entrepreneur, le salarié, le sportif, l'enseignant vit avec ses contraintes mais il est satisfait. La contrainte n'enlève rien à la liberté car vouloir vraiment ce que l'on fait, résulte d'un grand travail intérieur", poursuit François-Xavier Bellamy

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François-Xavier Bellamy (crédits : Laurent Cérino/ADE)

Exercer sa liberté ensemble, c'est la démocratie

Dès lors, on imagine aisément que cette liberté est synonyme de solitude. Mais pas pour Christian Barqui, dont le parcours est émaillé de succès mais aussi de quelques échecs.

Lire aussi : Prix Rebondir : Christian Barqui, l'indestructible

"Toute ma vie, j'ai lutté contre la solitude, je ne supporte pas d'être seul. C'est à la fois quelque chose de très positif et de très négatif. Pour ma part, j'estime que décider seul, c'est décider mal.

Je prône un modèle de co-direction générale où toutes les décisions importantes doivent être prises à deux. Chaque décision engage l'entreprise et l'ensemble des salariés. J'estime que le progrès individuel se réalise au contact des autres.

Autre apport supplémentaire : mes échecs. Dans les succès, on apprend rien. Les échecs font grandir", poursuit Christian Barqui

"On a besoin du regard des autres. Pas du regard social, il convient s'en affranchir, mais de celui de l'amitié. Elle peut nous protéger de nous-même. Conquérir sa liberté ne peut pas être une aventure solitaire.

Certes, il arrive que certains hommes luttent seuls contre tous. Mais c'est uniquement parce qu'ils fondent leur jugement sur un grand travail personnel. Penser collectif, c'est le propre de la démocratie : quand on travaille ensemble, on a plus de chance d'aboutir à la vérité", conclut François-Xavier Bellamy.

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