Boris Cyrulnik : "Abandonner son statut de victime permet de rebondir"

Neuropsychiatre, psychanalyste, Boris Cyrulnik était l'invité du dernier Seb talk organisé en partenariat avec Acteurs de l'économie-La Tribune. Devant une centaine de salariés, le directeur de recherche en éthologie à l'Université du Var a tour à tour évoqué la résilience, la capacité de l'homme à rebondir et à reprendre le pas sur les événements, de sa vie privée comme de sa vie entrepreneuriale. Extraits de cette rencontre.

De tout temps, l'Homme a été soumis à des changements permanents. Une évolution, qui, si elle s'accélère avec les nouvelles technologies, est toujours arrivée par l'intermédiaire d'outils.

"L'homme de Néandertal a, par l'introduction de l'outil, changé sa condition et son rapport au monde et à la culture. De même que les Mongols, petit peuple lointain, ont longtemps gagné leurs guerres contre des puissants grâce à un petit objet très bête : l'étrier", rappelle Boris Cyrulnik.

En somme, le neuropsychiatre invite l'homme à considérer autrement la technologie capable de fondamentalement changer les choses.

Boris Cyrulnik

(Crédits : Emmanuel Foudrot)

"Des petits riens aux conséquences révolutionnaires planétaires ont engendré divers degrés de liberté et d'autonomies sociales", résume le neuropsychiatre.

Résilience

Car l'homme est ainsi fait.

"Il y a des gens qui sont amoureux du changement, de l'incertitude et du doute. Ils aiment résoudre de nouveaux problèmes et apprendre de nouvelles cultures. Et d'autres qui sont angoissés à cette idée", poursuit-il.

Néanmoins, et c'est l'essence même de la vie, place aux doutes et aux incertitudes.

"Notre psychisme commence à se structurer dans les derniers mois de la gestation. Nous sommes déjà soumis aux pressions du contexte dès les derniers mois de la grossesse. Qu'ils soient psychologiques, sociaux ou dans un contexte de précarité ou de guerre, c'est la cascade de causes qui provoquent un effet, le répare ou l'aggrave", explique-t-il.

Boris Cyrulnik

(Crédits : Emmanuel Foudrot)

Ainsi, pour s'adapter aux soubresauts du monde - mais on pourrait tout aussi bien évoquer les changements permanents inhérents au quotidien de l'entreprise - l'homme a développé sa faculté de résilience. "La reprise d'un nouveau développement après un fracas, physique, psychique ou social", définit-il.

Une épreuve, de multiples réactions

Car face au fracas, les réactions divergent. "Il n'y pas plus surprenant que les réactions face à un évènement : certains s'effondrent à la moindre difficulté quand d'autres sont capables de traverser une succession d'épreuves avec le sourire", renchérit Boris Cyrulnik.

Comment explique-t-on cette inégalité de réactions ?

"Avant l'épreuve, cela relève de notre 'attachementsecure', notre confiance en soi et celle que l'on a développé étant enfant. Pendant la crise, tout dépend du degré du lien avec l'agression. Plus elle vient de loin, moins on est touché. Plus l'agression est proche, plus il y a de la souffrance. Par exemple, en Haïti, un typhon qui a fait 250 000 morts est moins traumatisant que les effets de la dictature de Duvalier. On pardonne à la nature, on pardonne moins à un être humain qui fait du mal", ajoute-t-il.

D'une carrière de victime à celle de vainqueur

Pour gérer la crise, il faut du soutien. Etre entouré, mais pas trop. "On ne peut pas se sauver tout seul. Des études ont montré qu'un militaire qui part au combat soutenu par un collègue resté à la base présentaient moins de syndromes traumatiques que celui parti seul affronter la guerre".

Boris Cyrulnik

(Crédits : Emmanuel Foudrot)

Et du recul, des sas de décompression pour verbaliser l'épreuve, la guerre, la mort. "A l'hôpital, après le stress des urgences, il y a souvent un sas, la tisanerie, un lieu où l'on s'explique autour d'un café, une lieu de parole et d'explications, qui permet de verbaliser les crises", souligne-t-il. Une pratique qui pourrait facilement s'étendre à des salariés d'une entreprise qui traverse des épreuves. "L'encadrement, en lien avec la RH, peut favoriser un climat de résilience, en imaginant, après le "combat", un lieu neutre qui permettrait de dériver, en toute sécurité".

Mais surtout, il faut rester acteur de sa détresse. Et de sa survie. "Les victimes trop entourées sont tout autant traumatisées que celles laissées seules. Les victimes prisent en charge, mais à qui on demande de faire quelque chose, moins dominé, qui ont gardé dignité et fierté rebondissent mieux. Elles auront tendance à se prendre en main plus vite pour abandonner leur statut de victime et ainsi reprendre un nouveau développement ", souligne le psychanalyste.

Une question de travail personnel sur la confiance, et le rêve d'avenir.

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