Esprit d'entreprendre : pourquoi l’inculquer aux moins de 18 ans

L'entrepreneuriat ne s'apprend plus que sur les bancs de l'université. Chefs d'entreprises et associations s'attachent de plus en plus à transmettre le goût d'entreprendre aux jeunes à partir de 10 ans. Décryptage.
Crédit : Graines d'entrepreneurs
Crédit : Graines d'entrepreneurs (Crédits : DR)

Stylos à la main, ils notent scrupuleusement toutes les idées qui leur passent par la tête en espérant que, dans le lot, se trouve le concept révolutionnaire qui leur fera décrocher le premier prix.

Pendant un petit peu plus de trois heures, une vingtaine de jeunes, âgés de 10 à 18 ans, ont pu se mettre dans la peau d'un entrepreneur et simuler la création de leur propre entreprise tandis que leurs parents visitaient le Salon des Entrepreneurs, organisé à Lyon le 13 juin 2018, quelques étages plus bas.

L'objectif de cet "hackaton" : inculquer aux jeunes l'esprit d'entreprendre. Une initiative portée par l'association Graines d'Entrepreneurs, qui organisait, à cette occasion, son deuxième atelier français.

"C'est un exercice qui fonctionne très bien en dessous de quinze ans. A cet âge, les jeunes ont moins de limites. Ils sont plus créatifs et ne se soucient pas du regard des autres", précise Estelle Burget, responsable France de Graines d'Entrepreneurs.

Brainstorming et étude de marché

Répartis par petits groupes, les jeunes doivent trouver une idée créative, faire une étude de marché sur les visiteurs du salon et pitcher leur projet devant un jury. Derrière cet exercice aux allures assez peu amusantes : beaucoup de brainstormings et surtout, le choix d'un enjeu qui intéresse tous les participants.

A Lyon, les jeunes devaient innover autour de deux thématiques : le handicap ou les seniors. "J'ai pensé aux personnes âgées que je connais pour penser à leurs problèmes", explique Théotime, un jeune participant. L'exercice, encadré par des coachs, formés par l'association, s'appuie sur le "Value proposition design", une méthodologie très utilisée par les entrepreneurs.

"Il s'agit de partir d'un besoin des consommateurs et d'identifier une solution innovante pour y répondre", rappelle Estelle Burget.

L'objectif premier est de ne pas créer un gadget. L'équipe de Théotime a donc pensé à une application qui permettrait de faire des réglages sur smartphone en fonction du handicap de l'utilisateur.

"L'application pourrait aussi de mettre en relation des jeunes avec des personnes âgées qui ont du mal avec la technologie pour les aider. En retour, elles pourraient leur apprendre à coudre par exemple", propose Paul, un autre membre du groupe. Petit à petit, le projet prend forme avec l'aide de leur coach.

Tout au long de cette démarche, les enfants sont incités à s'appuyer sur leurs connaissances scolaire dans un cadre plus ludique, moins restrictif. Tout cela pour redonner confiance aux plus timides d'entre eux et les inciter à se lancer.

Une initiative suisse

Certains projets, plus aboutis que d'autres, parviennent à voir le jour. L'association a accompagné des jeunes pour se lancer dans l'organiser un tournoi de football avec de jeunes réfugiés syriens pour favoriser leur intégration.

Une initiative soutenue par la branche suisse de l'association - cette dernière étant née là-bas après que Laurence Halifi, mère d'un enfant à haut potentiel, ait élaboré un programme pédagogique adapté avec des enseignants de HEC Lausanne et de l'école Polytechnique.

Après plusieurs expérimentations, elle se rend compte que le programme ne fonctionne pas seulement sur les enfants surdoués mais sur chacun d'entre eux et décide de lancer sa propre association qui oeuvre désormais dans de nombreuses écoles du pays.

Bien que l'objectif de Graines d'Entrepreneurs France soit, à terme, de développer sa pédagogie dans le milieu périscolaire, le programme reste pour l'instant réservée aux enfants des visiteurs du Salon des Entrepreneurs.

Pour 30% d'entre eux, il s'agit de directeurs généraux d'entreprises ou des cadres supérieurs, ce qui favorise peu l'entrepreneuriat chez les jeunes des milieux défavorisés. Mais ils ne sont pas pour autant laissée de côté. En Auvergne-Rhône-Alpes, l'association 100 000 entrepreneurs prend le relais pour les sensibiliser à cette cause.

Priorité aux quartiers défavorisés

Elle fête ses dix ans cette année et espère continuer à faire évoluer les mentalités. L'association 100 000 entrepreneurs, lancée par Philippe Hayat et Mario Normand dans la région en 2008, commence à œuvrer alors que l'entrepreneuriat chez les jeunes était encore un sujet peu abordé.

 "Au moment de choisir leur orientation, la moitié des jeunes disaient qu'ils voulaient travailler dans le secteur public. Notre but, c'est d'intervenir à ce moment pour leur faire rencontrer des entrepreneurs qui parlent de leur vie professionnelle, ses avantages et ses inconvénients", résume Béatrice Viannay-Galvani, déléguée générale de 100 000 entrepreneurs.

Plus de 600 interventions ont été organisées en Auvergne-Rhône-Alpes sur l'année scolaire 2017/2018 dont 30% dans les quartiers défavorisés. Sous forme d'échanges ou de forums, lors desquels les jeunes rencontrent plusieurs chefs d'entreprises par petits groupes, l'association privilégie la discussion et l'échange.

La majeure partie de ces interventions a lieu dans les école, mais les structures en zones d'éducation prioritaire y sont parfois plus réfractaires. "Les freins viennent des professeurs qui craignent souvent de manquer de temps pour boucler leur programme. Ils ont également peur que les intervenants n'arrivent pas à gérer les élèves", explique Martine Dubertrand, responsable communication et partenariats chez 100 000 entrepreneurs.

Malgré tout, l'association parvient a atteindre son objectif en fonctionnant en parallèle avec les missions locales et les Etablissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE). Grâce à son programme "la semaine de l'entrepreneuriat dans les quartiers" lancée l'an passé, elle est même en train de nouer une relation de confiance avec les établissements de ZEP qui deviennent de plus en plus demandeurs.

L'association est intervenue dans 175 établissements cette année, formant 20 124 jeunes dans la région avec un message assumé : "tout le monde connaît des échecs, mais vous ne connaîtrez pas de réussite si vous en travaillez pas".

Et les retours semblent assez positifs. Sur des post-it, les élèvent sont invités à noter le message qu'ils ont retenu de l'échange et souvent, ils écrivent qu'ils ont compris qu'il était possible de réussir.

Ces deux associations, Graines d'Entrepreneurs comme 100 000 entrepreneurs, sont implantées depuis peu en France. Difficile donc de constater les effets de leurs interventions à long-terme, surtout dans les quartiers prioritaires, mais elles semblent déjà se féliciter d'une première victoire : donner aux entrepreneurs le goût de transmettre.

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