Faut-il détruire ou réformer le capitalisme ?

D'un côté, le capitalisme est une force de transformation de la nature et des sociétés humaines, dont la source est la recherche insatiable du pouvoir de l'argent. D'un autre côté, la finitude de la planète commence à entrer dans la conscience sociale. Alors, faut-il détruire ou réformer le capitalisme, s'interroge l'économiste Michel Aglietta. Le professeur émérite de l'université Paris-Nanterre, conseiller scientifique au CEPII et à France Stratégie interviendra les 5 et 6 novembre aux Journées de l'Economie (Jéco) à Lyon, un événement dont La Tribune est partenaire.
(Crédits : CEPII)

Cette question révèle l'angoisse de notre temps. Le capitalisme financiarisé, qui s'est généralisé en occident depuis quarante ans sous le régime politique néo-libéral, est critiqué pour l'énorme concentration de la richesse et du pouvoir et pour les maux qu'elle a engendrés : fléchissement de l'investissement productif et des progrès de productivité, accroissement intolérable des inégalités, prolifération de la pauvreté, éclatement du contrat de travail, détérioration des ressources naturelles et aggravation de la dérive climatique. La qualité de la croissance est mise en cause par la fragmentation de la société, par les obstacles à la mobilité sociale et par les inquiétudes écologiques.

C'est pourquoi il est question de ruptures. Il s'agit des mutations à entreprendre pour pouvoir fonder l'évolution des sociétés au cours de ce siècle sur une croissance inclusive et soutenable. C'est une forme de développement incorporant les contraintes écologiques et poursuivant l'équité sociale.

Elle pose donc le problème du choix social parce que le bien-être social n'est pas l'agrégation des préférences individuelles. Il implique un principe éthique de justice sociale dont le fondement est la disposition par tous les citoyens de ressources matérielles, éducatives et institutionnelles (au premier chef les services de santé) dans un environnement sain. La privation de ces biens communs conduit aux inégalités inacceptables, parce qu'elle est privation de liberté réelle.

Il s'ensuit qu'un régime de croissance soutenable et autoentretenu englobe quatre propositions formant un cercle vertueux.

Il ne peut y avoir de transition écologique sans justice sociale réelle et perçue.

Celle-ci implique le plein emploi, des salaires décents et une protection sociale préservée. Ces objectifs de politique économique requièrent la transformation des structures de production dans le sens d'une économie circulaire rétablissant une complémentarité urbaine rurale sur les territoires. Une économie circulaire ne peut être atteinte sans transition écologique.

La difficulté de cette transformation est qu'elle doit être à la fois comportementale, technologique et spatiale. Cette mutation multidimensionnelle exige des États stratèges avec des vues de long terme pour conduire les politiques d'infrastructures, remodeler la fiscalité, encadrer les marchés immobiliers, réorganiser la recherche et la formation, valoriser les complémentarités territoriales. Ces États stratèges ne pourront réussir sans décentraliser les pouvoirs aux collectivités locales et à des collectifs citoyens pour promouvoir une démocratie participative.

Se pose alors le problème de la régulation de cette croissance inclusive et soutenable qui fait retour sur la question initiale.

Le mode de régulation que nous cherchons à définir appartient-il encore au capitalisme ?

Posée autrement, la question devient : le capitalisme est-il compatible avec les limites écologiques ? Les conséquences sociales dans le monde entier peuvent être très lourdes si la survie des générations futures dépend d'une révolution sociale et politique qui fasse "table rase".

On peut avoir une autre perspective. Certes le capitalisme financiarisé doit disparaître en tant que régime de croissance. Mais en est-il de même du capitalisme en général ? Le capitalisme a connu dans l'histoire des régimes de croissance séparés par des époques de rupture, où les sociétés se transforment pour inventer de nouvelles institutions capables d'organiser de nouveaux modes de régulation socio-économique.

Ne pourrait-on pas voir émerger un mode de régulation socio-écologique ?

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Commentaires 15
à écrit le 02/11/2019 à 15:45
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Une ouverture se fait jour avec la finance solidaire; quelle place lui est-elle réservée lors de ces deux journées de L’economie?

à écrit le 02/11/2019 à 6:53
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Disserter: les mutations sociales liées au développement du capitalisme.

à écrit le 30/10/2019 à 15:26
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On n'avance pas beaucoup mais on avance, il y a 50 ans c'était faut il le communisme ou le capitalisme, maintenant c'est faut il la réforme du capitalisme, allez encore 50 ans et on sera peut-être bon pour avancer enfin... Il y a un texte sublime...

à écrit le 30/10/2019 à 14:11
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Ce discours sur le capitalisme laisse entendre que le capital drive le monde, et qu'il faut donc réguler voire juguler. On remarquera que les plus grosses fortunes de notre temps ont été créées par des gens qui n'avaient pas d'argent, et que les fina...

le 30/10/2019 à 15:00
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Il semblerait que vous ayez limité votre éducation à des poncifs. Gates et JOB (aucun des 2 n'a jamais "inventé" n'importe quoi; ni Zuckerberg d'ailleurs) des pauvres !!! Ce qu'ils ont su faire c'est mettre en action la quintessence du capitalisme: p...

à écrit le 30/10/2019 à 12:25
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Je vous laisse regarder ce séminaire pour comprendre que le capitalisme tel que nous le connaissons va droit dans le mur. Je vous laisse chercher sur le net (pas de lien direct car commentaire modéré) Conférence de Gaël Giraud, Chef économiste de ...

à écrit le 30/10/2019 à 11:19
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Le capitalisme est une forme de destruction de la nature et non de transformation, comme l'est d'ailleurs son sous produit le communisme.

à écrit le 30/10/2019 à 11:06
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La présence de taux négatifs pour le marché obligataire, rend désormais le concept même d'investissement caduque. Une telle chose était impossible sous l'Etalon Or. Est-ce un progrès ? Ou simplement le seul moyen de financer des acteurs économiques, ...

à écrit le 30/10/2019 à 9:31
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Le capitalisme ne doit être ni reformé, ni détruit, seul "la recherche de la rente" doit être bannie, ce qui impose d'éliminé "les connivences politiques" et administratives!

le 30/10/2019 à 11:52
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La rente est liée aux investissements, les investissements doivent rapporter sinon le système s'écroule. On est piégé en restant dans ce système du fric.

à écrit le 30/10/2019 à 8:24
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aglieta est un economiste repute cela dit, la premiere phrase indique clairement que malheureusement il n'a pas bien compris le pb c'est pas le capitalisme qui recherche le pouvoir et l'argent, c'est l'homme il suffit de regarder ce qui s'est pass...

le 30/10/2019 à 11:54
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"c'est pas le capitalisme qui recherche le pouvoir et l'argent, c'est l'homme" Il semblerait quand même que lorsqu'un homme est dans un système monétaire, sa survie passe par avoir de l'argent et le pouvoir que son utilisation impose. Non ?

à écrit le 30/10/2019 à 6:53
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Le capitalisme, c'est toujours plus de croissance et de consommation pour le pouvoir de quelques uns. Ce dont a urgemment besoin la planète aujourd'hui, c'est d'une décroissance rapide et massive de la population humaine

à écrit le 29/10/2019 à 18:13
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Et où commence le "capitalisme" ? Lorsque j'ai une pièce d'un seul euro (ou franc ou dollar, etc) dans ma poche, est-ce que je n'ai pas le "pouvoir" de faire vivre un fournisseur (de pain par exemple) en consommant chez lui, et le "pouvoir" de détru...

le 30/10/2019 à 14:25
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"Lorsque j'ai une pièce d'un seul euro (ou franc ou dollar, etc) dans ma poche, est-ce que je n'ai pas le "pouvoir" de faire vivre un fournisseur" C'est pour cela que certains veulent la fin de l'argent liquide.La généralisation du "sans contact"...

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