Haro sur les élites ! par Pascal Perrineau

Par Pascal Perrineau  |   |  515  mots
(Crédits : Laurent Cérino/ADE)
Les liens étroits entre les sommets de l'État et les élites politiques sont l'un des facteurs du malaise dans la démocratie représentative analyse le politologue Pascal Perrineau. Il participera le 7 octobre prochain au Forum Une époque Formidable organisé par La Tribune au Théâtre des célestins. En amont de son intervention, nous vous proposons de commenter cette tribune. Certaines de ces remarques et interrogations seront reprises lors du débat : "Elites : vraiment la crise ?".

Les élites administratives sont le plus petit commun dénominateur de la politique française et il existe une forme de vaste consensus politique pour les utiliser comme bouc émissaire de tous les maux de l'Hexagone. Le mouvement des gilets jaunes a usé et abusé de ce sentiment anti-élitaire et joué de cette culture révolutionnaire qui rêve de couper les têtes des puissants. Les élites sont naturellement "parisiennes", "déconnectées" et technocrates...

Deux écoles incarnent tout à la fois ces élites tant décriées et la pépinière de la haute administration française : Sciences Po et l'École nationale d'administration. Cette dernière, en particulier, a fait l'objet de tous les rejets poussant même certains hommes politiques issus de ses rangs à appeler à sa suppression (Bruno Le Maire). Le président de la République, lui-même originaire de cette école, en a demandé, à l'issue de la crise des gilets jaunes, la suppression.

Une dénonciation récurrente

La dénonciation des élites n'est pas nouvelle en France. À la fin de la IVe République, le mouvement poujadiste conspuait les fonctionnaires et les élites en les opposant au "peuple" voire aux "vrais gens".

Tout au long de la Vème République la critique fut récurrente et peu à peu la dénonciation de "l'Énarchie" devint une figure de style obligée. Cette opposition du peuple et des élites a pu s'incarner en politique jusqu'à devenir une forme de clivage politique entre les partisans de ces élites et ceux qui veulent les remettre en cause. Les élites administratives formeraient ainsi un "système" contre qui, en 2017, tous sans exception d'Emmanuel Macron à Marine Le Pen en passant par Jean-Luc Mélenchon et François Asselineau, se sont érigés.

Ces critiques ne sont pas l'apanage de la France. Un peu partout dans le monde, les forces populistes s'érigent contre les élites politiques de la capitale. Ce qui fait la spécificité de la France, c'est le lien intrinsèque entre les élites politiques et les élites administratives. Il apparaît, aux yeux des Français, qu'il existerait une forme de lien de cause à effet entre la haute administration et la carrière politique. Leur donner tort serait extrêmement périlleux. Trois des sept Présidents de la République ont fait l'ENA, sur 11 candidats à l'élection présidentielle de 2017, quatre sont passés par cette école. Cette intimité des sommets de l'État et des élites politiques est un des facteurs du malaise dans la démocratie représentative.

Au cours des mois qui viennent de s'écouler la contestation de ce système a été rude. On n'imagine pas que le pouvoir politique n'y réponde pas : la suppression de l'ENA, la lutte contre le cumul des mandats ou encore la réduction du nombre d'élus ne sont que des demi-mesures. Une des portes de sortie de la crise démocratique est d'insérer davantage le peuple à la fois dans les processus de décision et dans le monde de la représentation politique.