Éducation nationale : vous avez dit changement ?

Ancien recteur des académies de Clermont-Ferrand, Amiens et Lyon, et professeur émérite à la Sorbonne Nouvelle (Paris 3), Alain Morvan apporte un regard critique sur la politique de l'éducation nationale menée par Jean-Michel Blanquer. Avec ses "annonces-qui-ne-coûtent-rien-et-qui-rassurent-les-parents", l'ancien président du directoire des PUF estime que le ministre serait dans la continuité de ce qu'avait entrepris Najat Vallaud-Belkacem, sous l'ère Hollande.

Le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer est devenu en quelques mois le chouchou des médias et la coqueluche de la classe politique, des socialistes repentis jusqu'à l'extrême-droite. Sa plus récente groupie est Nadine Morano, spécialiste bien connue de la chose éducative. Belle prise pour l'ancien recteur, ancien directeur adjoint du cabinet de l'illustre Gilles de Robien, ancien directeur général de l'enseignement scolaire, ancien directeur général du groupe ESSEC. Pareille unanimité devrait inciter à la méfiance.

Après le désastre que fut le règne de Najat Vallaud-Belkacem, n'importe qui aurait fait figure de messie au 110, rue de Grenelle.

"Hymne au respect"

Les annonces-qui-ne-coûtent-rien-et-qui-rassurent-les-parents surgissent tels des escargots un jour de pluie : possibilité pour les établissements de rétablir l'uniforme, interdiction du portable à la rentrée 2018, création de chorales, j'en passe. Sans doute conseillera-t-on aux professeurs de ne pas dire que 2 + 2 font 5.

Peut-être nous dira-t-on que les neurosciences prouvent que certaines méthodes de lecture rendent communiste. Gilles de Robien et la petite camarilla de champignons d'antichambre qui lui tenait lieu de think-tank n'auraient pas trouvé mieux. Préparons-nous à entendre le poussiéreux hymne au respect si souvent entonné du temps de Ferry, Fillon ou Darcos.

Les actes concrets, nous dit-on, vont tout changer.  Parlons-en !

"Rien ne va changer"

Après la tentative (quasi réussie) d'éradication des langues anciennes par la ministre précédente, on annonce un retour en force du latin et du grec. Résultat : en lettres classiques, une diminution considérable des places mises au concours à l'agrégation (18,39 %) et au CAPES (20,43 %). Les germanistes, découragés et persécutés par la ministre d'hier et ses affidés (d'ailleurs toujours en place), croyaient à un renouveau de leur discipline. Résultat : diminution de 18,75 % des postes offerts à l'agrégation d'allemand, de 20,29 % au CAPES. Sans commentaires.

La réforme du baccalauréat ? Il faudrait y consacrer des pages. La réduction du nombre des épreuves (qui sera fatale à la structure du lycée) et la part considérable dévolue au contrôle continu répondent à une logique qui n'a rien de pédagogique.

Sections européennes, classes bi-langues ? La logique - si l'on ose dire - est la même. On laisse le soin de rétablir éventuellement ces filières aux chefs d'établissement, au nom du principe d'autonomie cher à la droite et à l'extrême-droite. Mais il faudra agir à moyens constants. On sait ce que cela veut dire.

Bien des professeurs comprennent que rien ne va changer. Certains n'en persistent pas moins à tomber en pâmoison devant celui qui ne fait que continuer l'œuvre du quinquennat Hollande.

L'ambitieux Blanquer

Quant à la laïcité, jamais ministre ne fut si mal placé pour en parler. J'ai tenté de rappeler, au printemps, de quelle façon Blanquer avait traité la laïcité en 2006-2007, quand le candidat Sarkozy misait sur le communautarisme. Se souvient-on du triste feuilleton que fut l'ouverture d'un établissement ultra-confessionnel à proximité d'une grande ville ? Face à la propagande, je tente depuis mai de rappeler ce que fut en cette affaire le rôle de Blanquer, qui vient d'ailleurs d'adopter une position chèvre-chou au sujet des femmes voilées accompagnant les sorties scolaires.

Comment faire confiance à celui qui, tout en mouvements de menton, paraît surtout soucieux de soigner sa publicité personnelle - ce à quoi il réussit fort bien ? Cet ambitieux ne compte sûrement s'arrêter rue de Grenelle.

Jean-Michel Blanquer cultivait de longue date sa propre "ministrabilité", et se faisait passer pour incontournable.  Sans doute eût-il été le ministre de Juppé, de Lemaire ou de Fillon. Comme il l'aurait été de Sarkozy bis. Les retournements d'une campagne électorale sans rime ni raison ont voulu qu'il devînt le ministre d'Emmanuel Macron. Je n'ose tenter d'imaginer de qui il aurait pu l'être si le second tour des présidentielles avait tourné autrement.

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Commentaire 1
à écrit le 16/12/2017 à 10:36
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Aucun "regard critique" sur le désastre absolu que représente la politique de l'EN durant ces dernières décennies, désastre que sanctionnent toutes le études internationales ? N'y a t'il pris aucune part...ou bien au contraire en a t'il été un des ém...

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