Et si demain les villes disparaissaient...

La société pourrait-elle demain se passer des villes ? Il est plus que probable qu'elle les réinventerait. Les villes sont de "formidables" adaptateurs des activités humaines dans l'espace et le temps, elles sont l'une des meilleures expressions de l'intelligence collective territoriale. Mais si demain, elles disparaissaient, quelles en seraient les conséquences ? Denise Pumain, professeur émérite à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne y répond.

Les villes sont le lieu privilégié pour l'apparition des innovations, ces inventions socialement acceptées, qui naissent des interactions sociales, facilitées par la proximité géographique que permet la grande densité urbaine. La proximité, qu'on la mesure en moindre distance à franchir sur le terrain ou en meilleure capacité de connexion dans des réseaux, n'est en effet pas seulement un réducteur de coût des communications et des transactions, elle est aussi un amplificateur considérable pour toutes les activités de création et de production qui se réalisent par les communications face à face, les échanges et les hybridations de "savoir tacite". Les villes ont construit une division du travail et des institutions qui soutiennent et enrichissent ces rencontres.

Lieu symbolique et immatériel

Mieux encore, les villes assurent la propagation des innovations dans toutes les parties d'un territoire, du fait de leur organisation plus ou moins spontanée en "systèmes de villes" qui sont des ensembles de villes devenues interdépendantes dans leurs évolutions du fait de la haute fréquence et de la longue durée de leurs connexions. Le changement intervient rapidement dans toutes les villes d'un système de villes, dans un processus entretenu par la concurrence des acteurs urbains pour la valorisation de leurs richesses, acquises autrefois par la prédation, désormais davantage par l'émulation créative.

Les villes sont en effet des lieux de richesse, de concentration et d'accumulation, d'expressions du capital sous toutes ses formes, qu'il soit immobilier, patrimonial, "humain" (au sens de la qualification du travail et de la diversité sociale). Mais aussi symbolique et immatériel tel qu'il se construit par accumulation et révision dans des images collectives ou des mémoires individuelles. Nos sociétés de mobilité et de fluidité ne peuvent se passer de ces points d'ancrage, de ces nœuds synaptiques dans leurs multiples réseaux.

L'homme a bien vécu sans les villes

La question de leur disparition n'est bien entendu pas à prendre au pied de la lettre : l'homme (au sens biologique d'homo sapiens) a bien vécu sans les villes, pendant quelque 300 000 ans ! Si elles disparaissaient, les habitudes nomades des chasseurs cueilleurs pourraient peut-être permettre à l'espèce de survivre, si tant est que l'accident destructeur des villes ait laissé assez de ressources sur la planète. En fait, les villes n'existent que depuis 8 000 ans environ, et il n'y a guère qu'une décennie que plus de la moitié de la population du monde vit à l'intérieur.

Mais c'est une bien plus grande proportion de l'humanité qui vit de la ville, qui en utilise les productions, qui rêve en fonction des images produites dans les villes, et qui, souvent, s'inspire dans ses comportements de ceux des urbains. À cet égard, le monde actuel est à peu près totalement "urbanisé". Sa survie dépendra de notre capacité à soutenir l'adaptation des villes aux nouvelles conditions de l'environnement technologique, environnemental et social qu'elles recréent continuellement.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.