Revenu universel : la proposition d'Hamon est-elle viable ?

Par Renaud Chartoire  |   |  568  mots
750 euros par mois d’ici à la fin du prochain mandat présidentiel, étendu progressivement à tous, pour un coût estimé total de 450 milliards d’euros : la proposition de revenu universel telle que défendue par Benoît Hamon est-elle viable ? Une question posée par Renaud Chartoire, professeur agrégé en sciences économiques et sociales.

Le revenu universel est une utopie peut-être en passe de devenir réalité. Expérimenté depuis peu en Finlande, il transcende en partie les oppositions politiques puisqu'on le trouve défendu aussi bien par des théoriciens libéraux que par des auteurs marqués à gauche. L'idée est, en effet, au départ séduisante : donner à chaque être humain un revenu universel, identique pour tous, qui soit la contrepartie d'un droit à vivre, et qui permette à chacun de survivre sans avoir besoin pour cela de revenus du travail.

Dans ce cadre, le travail deviendrait un choix et non plus une contrainte. Ceux qui souhaiteraient gagner plus pourraient toujours travailler, d'autant que des emplois se seraient libérés à la suite de la décision de certains de profiter seulement de ce revenu universel. Et ceux qui choisiraient de se retirer du marché du travail ne seraient plus stigmatisés comme des assistés, puisque la norme qui s'imposerait progressivement dans cette nouvelle société serait celle du libre choix.

Quel financement ?

L'idée est certes séduisante, mais comment la financer ? Le revenu universel étant un revenu de transfert distribué par la puissance publique, il implique un financement opéré par des prélèvements obligatoires. Celui-ci peu prendre plusieurs formes : hausse de la TVA, augmentation des taux progressifs de l'impôt sur le revenu ou sur le patrimoine... Ou alors, une autre possibilité existe : le financement par création monétaire.

Le problème, évidemment, est que quelle que soit la solution retenue, des effets pervers sont à craindre. Dans le cas d'une hausse de la TVA ou d'une création monétaire, la mise en place d'un tel revenu devrait se traduire par une hausse des prix. Or, cette inflation peut réduire la compétitivité de nos entreprises, et donc à terme la capacité de notre économie à créer de la richesse et de l'emploi.

Dans le cadre d'une hausse des taux progressifs, voir de la création de nouveaux impôts uniquement acquittés par les plus riches à des fins de redistribution, se pose la limite d'une fuite à l'étranger d'une partie de la population concernée, voire même de délocalisations d'entreprises si jamais elles-mêmes étaient amenées à contribuer au financement de ce revenu.

Enfin, dernière limite : le travail serait une valeur morale structurante de nos sociétés et remettre en question son poids central risquerait d'engendrer des phénomènes désincitatifs qui seraient à terme négatifs pour la compétitivité de notre économie.

La possibilité d'un revenu sous condition

Pour autant, il est aussi possible d'imaginer, comme le fait par exemple un collectif d'économistes sous la férule de Thomas Piketty dans une tribune publiée cette semaine dans Le Monde, que ce revenu universel, pour devenir viable, soit versé sous condition.

Par exemple, quel sens y aurait-il à donner 750 euros par mois à un rentier vivant des revenus tirés d'un patrimoine conséquent ? Ce revenu pourrait être réservé à la partie de la population pour qui ces 750 euros représenteraient réellement une alternative à la contrainte posée par le travail, par exemple les jeunes ou les travailleurs précaires. De même, il pourrait être associé à la disparition d'un ensemble d'aides sociales (minimum-vieillesse, APL...) qui auraient ainsi perdu de leur raison d'être, rendant par là même le coût total inférieur à celui annoncé.