Le Brexit, une décision qui doit conduire à mieux entrer dans l’Europe

Le Brexit est une chance pour les Etats membres de l'Union européenne. Ils peuvent aujourd'hui respecter la volonté des pères fondateurs et donner un nouveau souffle au Vieux Continent. Par Bernard-Devert, président-fondateur d'Habitat et humanisme.
Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat et humanisme.
Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat et humanisme. (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Au lendemain du Brexit, les marchés ont parlé avec la chute brutale des cours de bourse. Les politiques ont exprimé leur désarroi face à la décision du Royaume-Uni de sortir de l'Europe, au risque désormais d'être confronté à une déchirure intérieure.

Un des leaders de la sortie de l'Union Européenne, Nigel Farage, a reconnu, quelques heures après la publication du vote, que les économies annoncées pour quitter Bruxelles ne seraient pas tenues pour être des promesses de campagne.

Quels mépris et désinvolture de l'électorat !

"L'Angleterre est une île" disait De Gaulle

La prouesse des promesses, c'est qu'elles demeurent croyables sans disqualifier des porteurs du mensonge.

Le Royaume-Uni avait au sein de l'Europe un statut spécifique dont la monnaie était le signe. David Cameron en organisant le référendum précisa, non sans indélicatesse à l'égard des Etats-membres, que tout ce qui avait pu être obtenu de l'Europe l'avait été.

Se servir sans servir. Quelle idée de la construction européenne !

Les commentateurs au matin du vote se sont rappelés de la formule du général de Gaulle ; "l'Angleterre est une île."

Lire aussi : Brexit : l'heure n'est plus au débat mais à l'action

L'image du couple a été largement reprise ; si le divorce est aujourd'hui prononcé, l'Angleterre n'éprouve aucune urgence à se séparer. Mieux, plus de 3 millions de signatures seraient parvenues au Parlement pour demander un nouveau référendum, d'aucuns considérant qu'ils avaient choisi le Brexit, pensant que le "in" l'emporterait.

Une curieuse expression du vote qui n'honore pas le Royaume-Uni, un des berceaux du parlementarisme.

L'Europe présentée comme la cause de bien des difficultés

L'Angleterre est une île, comment ne pas observer que les Etats membres sont des îlots où chacun bâtit l'Europe comme on construit des lotissements, en mettant des barrières pour refuser l'harmonisation des réglementations fiscales et sociales.

Ne nous étonnons pas que les instances européennes soient perçues comme une technostructure formulant des "directives" ; ne sont-elles pas entendues comme des injonctions empiétant sur la souveraineté des Etats membres.

L'opinion publique bâtit progressivement un "leave" larvé, alimenté par le fait que l'Europe est présentée comme la cause de bien des difficultés. Qui n'a pas le souvenir de propos tenus par des personnalités éminentes sur le plan politique : c'est la faute à l'Europe.

Revenir aux valeurs des pères fondateurs de l'Europe

Et maintenant ? That is the question, pour reprendre la formule de Shakespeare.

L'heure est de faire mémoire de Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gaspéri, les pères fondateurs qui ont pensé l'Europe - les Nations étant en guerre - comme une chance pour la paix en la bâtissant non sur l'équilibre des puissances mais dans une volonté de réconciliation des Nations européennes.

Quel est le souci de cette réconciliation quand, exception faite de l'Allemagne, l'Europe est indifférente au drame humanitaire des réfugiés ; indifférente à la pauvreté touchant 28 % des enfants en Europe du Nord et près de 34 % en Europe du Sud ; indifférente à un chômage massif concernant actuellement plus de 22 millions de personnes ?

Les conséquences financières et économiques du Brexit sont largement évoquées. Il y aurait lieu de s'interroger plus encore sur l'Europe que nous voulons construire pour ne point la réduire à un libre-marché.

Observons que l'Europe ne s'invite pas dans les programmes des élections présidentielles ; cette absence ne suscite aucune interpellation des politiques, ce qui en dit long sur l'intérêt que nous lui témoignons.

Un électrochoc pour construire l'Europe

L'Europe a besoin de tisserands pour lier, relier, telle l'opération Erasmus, une réussite, mais limitée pour ne toucher que les populations convaincues que l'apprivoisement des  différences est créateur de liberté et d'avenir.

Et si le Brexit s'avérait un électrochoc pour que se lèvent des bâtisseurs de liens : une exigeante et passionnante aventure pour construire une Europe qui, prenant enfin en compte les grandes fractures sociétales, susciterait l'enthousiasme des peuples, comprenant qu'être ensemble est une des clés pour sortir des iniquités et injustices, altérant la paix.

Notre vieux continent a besoin d'un souffle. La construction de l'Europe nous l'offre ; ne la désertons point.

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