Les Français sont fâchés avec l’économie, pas avec l’entrepreneuriat

Poser la question de la culture de l’entrepreneuriat en France est justifié. En fait, la question se pose en deux temps. Les Français sont-ils "culturellement" fâchés avec l’entrepreneuriat ? Si c’est le cas, comment les arracher à ce mauvais substrat culturel ? Si ce n’est pas le cas, avec quoi sont-ils fâchés ? Par Nicolas Bouzou, essayiste, fondateur d’Asterès et directeur d’études au sein du MBA Law & Management de l’université Paris II Assas.
Pour Nicolas Bouzou, "ce n'est pas un problème de réticence face à l'entrepreneuriat qui pose problème, mais l'inadaptation de nos politiques publiques."

Les cultures existent. Pour quelqu'un comme moi dont la fibre antinationaliste traverse tout le corps, cette réalité culturelle, de prime abord, dérange : un individu est un individu et peu importe où il est né. La seule culture devrait être celle de l'humanisme. Mais en y réfléchissant en profondeur, la notion de culture ne peut être disqualifiée. Parce que factuellement les cultures se voient, c'est donc que, sans doute, elles existent. Mais aussi parce qu'on peut accepter leur existence, y compris philosophiquement dans la mesure où les cultures sont une mise en situation et non une détermination.

Avec quoi les Français sont fâchés?

Autrement dit, on peut s'en détacher. Poser la question de la culture de l'entrepreneuriat en France est donc justifié. En fait, la question se pose en deux temps. Les Français sont-ils "culturellement" fâchés avec l'entrepreneuriat ? Si c'est le cas, comment les arracher à ce mauvais substrat culturel ? Si ce n'est pas le cas, avec quoi sont-ils fâchés ?

Que n'a-t-on entendu sur les Français et l'entrepreneuriat ! La musique d'ambiance du débat public en France nous chante que les Anglo-Saxons sont des entrepreneurs et pas les Européens, encore moins les Français. Souci : ce n'est pas ce que nous disent les chiffres. Les Français entreprennent beaucoup et pas avec moins de succès que les autres s'ils y sont incités ou point trop découragés.

Depuis les Lois Dutreil de 2003 qui ont considérablement simplifié la création d'entreprises, les Français entreprennent beaucoup. L'autoentrepreunariat a renforcé ce phénomène, mais ne lui a pas donné naissance. Le taux de création d'entreprises dans notre pays tourne autour de 10 % à 11 % selon les années (source Insee). C'est plus qu'en Allemagne, qu'en Espagne et qu'en Italie et c'est proche des chiffres britanniques.

Inadaptations de nos politiques publiques

Cet esprit d'entreprise, il n'est pas difficile de le voir aussi à l'œil nu. Ainsi, dans cette immense révolution industrielle qui s'est amorcée, celle des NBIC (Nanotechologies, Biotechnologies, Information et sciences cognitives), les startups françaises fleurissent, sur le plateau de Saclay, entre Lyon et Grenoble ou dans le quartier Euromediterranée à Marseille. Ce qui est vrai, c'est que ces startups sont minuscules et ne grandissent pas en France, mais ailleurs, et notamment aux États-Unis.

Le problème économique français n'est donc pas l'entrepreneuriat, mais le fait que nos entreprises sont lilliputiennes. Ainsi, les créations d'entreprises avec au moins un salarié sont à, population comparable, deux fois plus faibles en France qu'en Allemagne et huit fois plus faibles qu'au Royaume-Uni (source Eurostat). Cette pauvreté en emplois est parfaitement documentée et est liée à une surfiscalisation des entreprises, une surréglementation (notamment un droit du travail qui est un frein colossal à l'emploi) et un sous-financement en fonds propres.

Pas un problème de réticence

Ce n'est donc pas un problème de réticence face à l'entrepreneuriat qui pose problème, mais l'inadaptation de nos politiques publiques elle-même liée au désordre démocratique qui affecte notre pays : le primat des passions sur la raison. De la fiscalité aux OGM en passant par AirBnB ou Uber, nos débats sont dominés par la peur et la jalousie, là où il faudrait parler compétitivité ou emploi.

Mais cette mauvaise passe démocratique est contingente et non culturelle. Au contraire même puisque notre tradition, celle que nous avons non pas perdue, mais simplement perdu de vue,  c'est celle de la rationalité, qu'elle soit cartésienne (assise sur des certitudes logiques) ou pascalienne (assise sur des preuves empiriques). Ainsi, la France ne devrait avoir aucun problème pour se réconcilier avec la croissance et l'entreprise si elle combat ses mauvais démons, notamment sa peur devant l'avenir. Elle est sur le bon chemin : elle a déjà réussi à devenir un pays d'entrepreneurs. Reste à redevenir un pays de progrès et de travail.

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Commentaire 1
à écrit le 19/01/2016 à 10:12
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Article intéressant mais titre bien trompeur car rien n'est dit sur "les" Français qui seraient fâchés avec l'économie.

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