Des mesures pour assouplir. Pas de mesures pour gagner

Les 18 mesures proposées par le Premier Ministre Manuel Valls, mardi vont certes simplifier la vie des entrepreneurs. Mais elles ne permettront pas d'engendrer de la croissance, ni des embauches supplémentaires. Le gouvernement a une nouvelle fois raté une occasion de franchir un cap. Par Denis Jacquet, chef d’entreprise et fondateur de l’association « Parrainer la Croissance ».

La décision courageuse du gouvernement de proposer des mesures qui font si facilement grimper aux épais rideaux de l'Assemblée Nationale, les pseudos révolutionnaires de gauche appelés « les frondeurs », est louable. Nous aurions préféré qu'elle soit audacieuse. Puisqu'ils avaient la certitude de se prendre des coups, autant les prendre pour une véritable révolution.

Prendre en compte  la réalité de la vie des entrepreneurs

Cette révolution, c'était la prise en compte, pour une fois, de la réalité de la vie des entrepreneurs. Des entrepreneurs, et non des patrons. Ceux qui créent, fondent et animent les 3 millions d'entreprises françaises. Ces entrepreneurs qui gagnent en moyenne 4000 euros par mois et qui constituent le « prolétariat » de l'entreprise en France. Loin des parachutes dorés et cadeaux patronaux que la gauche de la gauche dénonce à tout bout de champ. Ceux dont nous parlons là ressemblent à chaque citoyen français. Inquiets, déstabilisés, sans visibilité, mais toujours prêt à se battre si on leur en donne les moyens.

Pourquoi ce sont des bonnes mesures ?

Néanmoins, ce sont de bonnes mesures, individuellement, car elles reconnaissent qu'il existe une spécificité PME et TPE. Presque une exception « culturelle ». Nous sommes un des rares pays sans « classe moyenne ». Il n'y a que du petit ou du très gros, rien au milieu. On sort enfin d'une logique uniquement axée sur les grands groupes, conquérants certes, mais qui ne créent plus d'emplois nets en France depuis plus de 10 ans. Articuler, réfléchir, structurer la vision économique sur eux a étouffé la croissance des PME et les a condamné au nanisme. Prévoir des mesures PME est une première. Il faut s'en féliciter.

Pourquoi sont-elles mal reçues à gauche ?

Parce que la gauche a oublié que son histoire est libérale et qu'elle consistait à lutter contre l'ordre établi. Parce que cette gauche ne comprend rien à l'entreprise et se situe toujours dans un schéma de lutte des classes, dans lequel une mesure favorable aux entreprises est un cadeau au patronat. Posture dépassée et pitoyable. Car cette gauche-là, celle des frondeurs, est devenue conservatrice. Et bourgeoise. Au sens crasse du terme.

Pourquoi ne changeront-elles rien à l'emploi et la croissance ?

Car ce sont des demi-mesures, faites à la va-vite, à partir d'un catalogue hétéroclite, issues de discussions de comptoir et de catalogues patronaux à la Prévert. Elles ne sont nullement le fruit d'une vision et d'une stratégie du TOUT PME, qui aurait permis d'être « fou », ou tout du moins audacieux, et de tenter ce qui ne l'a jamais été avant, pour faire d'une partie de nos fourmis, des géants.

Quatre mesures pour la confiance

Une économie se met en marche par la confiance. Pour donner confiance à une PME que doit-on faire ?

Lui indiquer que le marché lui est ouvert.

Or les achats de la commande publique et privée se ferment un peu plus à elles chaque jour. Ainsi privée d'oxygène, une PME ne peut pas envisager d'investir, embaucher, de se projeter. C'est un problème qu'il faut régler urgemment.

Lui indiquer qu'elle sera payée.

Les PME dépendent des grands groupes, qui les paient mal et avec retard. Une société en croissance peut même mourir faute de trésorerie. C'est un tue-l'amour. Il faut passer les délais à 30 jours.

Lui indiquer qu'elle n'a pas à avoir peur d'embaucher.

Le contrat unique, qui sera aussi une protection pour les salariés, car ils ne seront plus divisés en 2 catégories, les précaires et les autres, est la solution. Pouvoir embaucher et ne pas se poser de question sur le dénouement si le marché se retourne. Contrairement à ce que dit la gauche, ce n'est pas la précarité pour le salarié, c'est sa garantie d'être embauché qui se joue là.

Lui indiquer qu'il ne doit pas avoir peur d'innover.

Quand dans plus de 60% des cas, ceux qui demandent le Crédit d'Impôt Recherche subissent un contrôle fiscal et social, on punit ceux qui osent.

Pas de déclarations. Des actes d'amour !

Au final, il faut qu'on lui dise qu'on l'aime, qu'on compte sur elle, que la société entière va se structurer autour de sa réussite. Pas de déclarations. Des actes d'amour ! Arrêtons les primes à l'embauche qui sont des primes à la casse. Les CDD renouvelés à la poubelle. Un contrat unique. La sanction des dépassements de délais ? Non. Supprimons les délais eux-mêmes. Paiement à 30 jours. Revoyons les codes des marchés publics et bâtissons un plan achat PME par les grands groupes. Lançons une politique massive de simplification. Etc.

Ce que le gouvernement nous propose là est bien. Mais ne créera ni emploi, ni croissance. Il facilitera la vie des entrepreneurs, mais ne crée pas de dynamique d'investissement et de croissance débridée. Il a pris à chaque fois le quart de la mesure courageuse qui elle, aurait changé la donne. Un quart de courage ne produira pas un quart de point d'emploi. Ni de croissance. Dommage. Monter de 3 crans à l'échelle du courage assurerait la France de gravir l'échelle des leaders de l'économie mondiale.

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Commentaire 1
à écrit le 12/06/2015 à 14:46
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Pour me situer je vote plutôt à gauche et j'ai été à la fois salarié de la fonction publique et gérant d'une TPE dans ma carrière, donc j'ai vécu les deux situations (salarié et patron). En lisant votre article je me suis dit enfin quelqu'un qui semb...

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