L'interdiction des bâches publicitaires, un texte suicidaire

Par Acteurs de l'économie  |   |  724  mots
Julien Aguettant, directeur de la société Premium Media XL
Le vote d'un amendement pour interdire les bâches publicitaires sur les monuments classés est un texte suicidaire qui aura pour conséquence d'affaiblir les entreprises de rénovation et du bâtiment ainsi que notre patrimoine national. Par Julien Aguettant, directeur de la société Premium Media XL.

Jeudi 19 mars, dans la soirée, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture un
amendement pour interdire les bâches publicitaires sur les monuments classés, et ce dans le cadre du projet de loi sur la biodiversité. Seuls 28 députés étaient présents ce soir-là sur 577, pour un projet dont on peut se demander ce qu'il vient faire dans un texte relatif à la biodiversité ; loi adoptée également en seconde lecture ce mardi 24 mars.

Les bâches, une opportunité pour les propriétaires

Ce dernier vise à interdire les bâches sur échafaudage finançant les travaux de
restauration, qui seraient positionnées sur des monuments historiques ; opérations
pourtant autorisées par un décret datant de 2007 (décret n 2007-487 du 30 mars 2007)
Rappelons ici que ce décret s'applique sur l'ensemble du territoire français, et s'impose aux communes dont la règlementation locale est plus restrictive en matière de bâche de
chantiers. En d'autres termes, même s'il est interdit ou limité dans une municipalité d'avoir
recours à cette solution de financement des travaux de ravalement, il est possible tout de
même de la réaliser via ce décret.

Une véritable opportunité pour les propriétaires ; une activité bien encadrée par l'État via
ses Directions régionales des affaires culturelles... et pourtant.

Un coup d'arrêt au financement des restaurations

Sans concertation avec les professionnels de cette activité, sans contrepartie ou possibilité
d'aménagement, Madame Laurence Abeille, députée écologiste du Val de Marne, a mis un
possible coup d'arrêt à cette solution de financement pour les propriétaires qu'ils soient
publics ou privés.

Si le Sénat venait à confirmer le texte, que cela signifierait-il ? Les propriétaires ne pourraient plus avoir recours aux bâches sur échafaudage pour financer leurs travaux et assurer la valorisation de leur patrimoine et du territoire où ils se trouvent.

Ces bâches, en fonction du lieu, du temps d'exposition, permettent de réduire de 5 à 30% le montant des travaux. Des travaux réalisés dans les règles de l'art, faisant appels aux
meilleurs intervenants, à des savoir-faire que seuls ce type de bâtiments - classés ou
inscrits j'entends - utilisent : tailleur de pierre, fabricant de jalousie et j'en passe. A moyen
terme (six mois à un an), le nombre de chantier va diminuer et la « quantité de finition »
sera moins importante ; et pour cause, l'enveloppe consacrée à la rénovation va diminuer,
les propriétaires iront au plus urgent !

92 millions d'euros de travaux réalisés

Par le biais de ces bâches publicitaires, 92 millions d'euros de travaux de restauration ont pu être réalisés générant 1,6 million d'heures de travail non délocalisables pour des compagnons spécialisés. Les entreprises, souvent locales, du bâtiment, souffriront également, elles qui se plaignent
déjà de prix bas et d'un manque de visibilité. Les municipalités ne prélèveront plus de taxe locale sur la publicité et les enseignes, soit quelques centaines de milliers d'euros chaque année... Argent qui ne sera pas réinjecté dans l'équipement et les services des communes.

Quelle solution de remplacement est proposée par cette députée ? Aucune. A-t-elle proposé des aménagements au décret initial ? Aucun.

Un texte suicidaire

Que reproche cette députée aux toiles publicitaires sur échafaudage ?

  • 1/une pollution visuelle ! Si toutes les campagnes ne peuvent plaire, la grande majorité des marques tente en général de séduire les clients et non de les repousser... Il est invraisemblable de faire voter un tel texte pour un critère si subjectif. Un échafaudage est-il plus esthétique ?
  • 2/des toiles qui ne respecteraient pas la réglementation, à savoir la répartition entre décor et publicité (50/50).Si c'est le seul point qui pose problème un simple acte d'huissier au moment de l'impression et/ou de la pose suffirait...
  • 3/ des toiles qui restent plus longtemps que le chantier. Un seul cas a été recensé. Un seul sur des dizaines de réalisations depuis 2007 ! Si cette entreprise a « marché sur la ligne » peut-on raisonnablement mettre fin à cette activité pour autant ?

Il nous semble, en tant que citoyen, que sans idées, sans compensations de redevances
versées, ce texte devient suicidaire car il va mettre un frein à la valorisation de nos édifices
et affaiblir les entreprises de rénovation et du bâtiment.