Grèce : nouveau départ ou chronique d'une déception annoncée ?

Par Corinne Lepage, présidente de LRC - CAP21  |   |  827  mots
L'arrivée au pouvoir de Syriza doit permettre de trouver un nouvel équilibre entre la rigueur financière et la croissance, les attentes des milieux financiers et les souhaits de la population européenne. Mais l'alliance politique nouée par Tsipras avec les conservateurs pourrait conduire à une crispation plutôt qu'à une recherche de solution consensuelle entre l'UE et la Grèce.

La victoire historique de Syriza s'explique assez facilement au regard des conséquences dramatiques de la politique de « purge » infligée à la Grèce, qui a largement dépassé les bornes de ce que pourrait être une politique d'austérité. Elle s'explique aussi par une corruption massive, qui touche la classe politique grecque avec comme ramification un système fiscal parfaitement inique qui exclut de l'impôt le monde des armateurs comme celui de la cléricature d'une part, une fraude généralisée qui a permis l'entrée du drachme dans l'euro, fraude organisée grâce à des relais bancaires jamais poursuivis et qui ont été ensuite les premiers à exiger le remboursement de la dette...

C'est ce système parfaitement injuste et malhonnête qui explique aussi le vote massif en faveur d'un mouvement jeune qui a pris l'engagement de réduire le fardeau de la classe moyenne et des plus modestes et de s'attaquer à des privilèges injustifiables. Cette situation à elle seule suffit à expliquer que la France n'est pas la Grèce et que la situation économique et sociale de nos deux pays n'est pas comparable.

Echec des institutions européennes

Pour autant, un certain sens de conclusions peuvent et doivent être tirées. Tout d'abord celle d'un échec des institutions communautaires et surtout de leur politique à prendre en considération les besoins et les désirs élémentaires des peuples pour préférer une Europe imposée d'en haut, qui a fait le choix de la rigueur financière au détriment de la croissance et du progrès à minima humain à défaut d'être social. La BCE comme la commission ont senti le vent du boulet et commencé une autre politique.

Qu'il s'agisse du plan Juncker en faveur de l'investissement ou de la nouvelle politique financière et budgétaire lancée par la BCE la semaine dernière, il est clair que l'Europe de la croissance et du bien-être des peuples est de nouveau audible. Des lors, un aspect positif des élections grecques est probablement de trouver un nouvel équilibre entre la rigueur financière et la croissance, les attentes des milieux financiers et les souhaits de la population européenne. Ce nouvel équilibre ne peut être que favorable à la perception de l'union européenne par les Européens et le fait que le nouveau premier ministre grec ait en fin de campagne manifesté sa volonté de rester dans l'Europe et dans l'euro est un signe prometteur comme le sont les sondages réalisés en France ces derniers jours qui montrent un réel attachement de nos concitoyens à l'Europe.

Une alliance politique préoccupante

Cependant, l'accord passé avec un mouvement de droite souverainiste pour exercer le pouvoir créer un sentiment très ambigu. Il explique parfaitement les raisons pour lesquelles en France, Marine Le Pen comme Jean-Luc Mélenchon n'ont cessé d'occuper les tréteaux médiatiques du week-end et de ce début de semaine pour se targuer de ce résultat qu'ils avaient appelé de leurs vœux. Cette rencontre entre l'extrême droite et l'extrême gauche qui se fait sur le dos de l'Europe n'est pas nouvelle mais elle est très préoccupante. En effet, le clivage qui en résulte n'a plus rien à voir avec les clivages traditionnels, ce qui ne serait pas en soi-même un souci s'il n'était pas porteur d'une forme de régression et de repli sur soi. De plus, cette combinaison risque de conduire à une crispation plutôt qu'à une recherche de solution consensuelle entre l'union européenne et la Grèce. Or, les discussions avec la Grèce sont très importantes seulement pour que la Grèce puisse sortir de la situation insoutenable dans laquelle elle est, mais encore pour l'unité de l'Europe et le retour à une véritable dynamique économique et politique.

Reprise en main par les citoyens

En définitive, derrière les discussions entre les gouvernements, l'évolution des opinions publiques européennes est essentielle. Les élections grecques ne peuvent que convaincre quiconque qu'on ne peut impunément gouverner contre la société et au mépris des principes élémentaires d'éthique. Reste à passer des paroles à la pratique ; la reprise en main par les citoyens grecs de leur destin qui ne signifie pas que l'entrée en lice des citoyens se traduise nécessairement par des élections à l'extrême gauche. Le succès du gouvernement grec passe évidemment par des compromis avec la troïka et les institutions européennes. L'échec que personne ne peut souhaiter mais qui n'est pas exclu traduirait cette incapacité de l'extrême gauche à trouver des solutions compatibles avec un système mondialisé auquel tout pays appartient aujourd'hui et ne pourrait que plonger les Grecs dans un malheur encore plus grand sans parler des conséquences qu'une telle situation pourrait avoir sur l'Europe dans son ensemble. C'est une gageure. Souhaitons qu'elle soit réussie