Grèce : la solidarité doit jouer !

Par Alain Reguillon, président de l’Union des fédéralistes européens France  |   |  695  mots
La mise en oeuvre du programme de Syriza, notamment la renégociation de la dette de la Grèce, est le moment idéal pour renforcer l'intégration de la zone euro. Mais c'est surtout le tempo propice pour faire le saut du fédéralisme.

Les résultats électoraux de la Grèce ne peuvent surprendre. Ils étaient attendus. Certes, Alexis Tsipras tient un discours qui tranche avec la pratique actuelle et la mise en œuvre de son programme nécessitera un assouplissement sérieux des politiques d'austérité. Ceci étant, force est de constater que ces politiques sont fortement remises en question, tant par le FMI que par les institutions européennes. Le plan Juncker* de 315 milliards d'euros et le plan Draghi* à plus de 1 000 milliards sont là pour souligner la volonté de passer d'une politique d'austérité à une politique de relance par l'investissement. Cela est bien, mais encore insuffisant.

Des mesures pour les citoyens

Quelques chiffres pour illustrer la situation de la Grèce : une dette de 320 milliards d'euros soit 177 % de son PIB, un chômage touchant près de 26 % de la population active dont près de 50 % de jeunes de moins de 25 ans, une perte de richesse de 35 % du revenu des ménages, 244 000 fonctionnaires de moins, 25 % des entreprises qui ont déposé le bilan et un taux de pauvreté à plus de 23 % ; voilà de quoi comprendre la détresse d'une population qui a été sensible à un discours lui annonçant des lendemains plus heureux.

La volonté du leader de Syriza est d'améliorer le sort de ses concitoyens, sans remettre en cause l'appartenance de son pays à l'Union européenne et à la zone euro. Il respectera un certain nombre d'engagements, mais entend bien renégocier les modalités de remboursement de la dette, voire obtenir l'annulation d'une partie de celle-ci. Les premières mesures qu'il entend prendre sont : relever le salaire minimum de 586 à 750 euros : qui peut s'y opposer ? Repousser le seuil d'imposition de 5 000 à 12 000 euros : qui peut s'en offusquer ? Améliorer les retraites et la dispense des soins : qui peut le contester ?

Mutualiser une partie des dettes

Ces mesures ont un coût, le fardeau qui pèse sur la Grèce doit être allégé. La politique d'austérité a produit des effets désastreux pour la population, qui ne peut être tenue pour responsable des erreurs ou fautes de ses gouvernements successifs. La solidarité qui fut à l'origine de la construction européenne doit jouer, comme elle joue, sans fanfare, dans un État fédéral. C'est d'ailleurs ce type de solidarité qui existe aux États-Unis, entre les différents États, dont certains sont dans une situation bien plus catastrophique que la Grèce. Mais voilà, les USA sont un État fédéral avec un gouvernement fort, une banque centrale couplée avec une administration du trésor qui bénéficie d'une capacité d'intervention rapide, autant de points forts dont ne dispose pas l'Union.

Une très forte réduction de la dette grecque ne paraît pas déraisonnable ; son rééchelonnement est en tous cas incontournable. Au-delà, car la Grèce n'est pas le seul pays en grande difficulté, il faudrait mutualiser une partie des dettes, y compris celle de l'Allemagne, pour la part qui dépasse les 60% de PIB que fixent les critères dit de Maastricht. Il serait naturel de remettre le compteur à zéro considérant que personne n'a respecté, en son temps, les règles de bonne gestion de la monnaie unique, à commencer par la France et l'Allemagne.

 Vers le fédéralisme

Les pays de la zone euro doivent connaître une intégration plus marquée, considérant l'improbable coopération entre les États. On ne peut continuer à gérer de manière fédérale une monnaie unique sans que le dispositif politique que requiert cette gestion soit lui-même fédéral. Tant que les gouvernements ne comprendront pas cela, nous risquons d'accentuer le malaise qui sépare l'Union européenne des Européens.

La solution pour relancer la croissance, combattre le chômage, réduire les dettes souveraines, donner à l'Union européenne le poids international qui doit être le sien et redonner confiance et espoir aux Européens, ce n'est pas moins d'Europe, mais plus d'Europe : une Europe unie, diverse et forte, que seule une fédération peut offrir.

*respectivement Président de la Commission européenne et Président de la Banque centrale européenne