Sarkozy, un ersatz d'homme providentiel

Par Par Eric de Montgolfier, ancien procureur de la République  |   |  685  mots
(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)
Traînant ses chaînes, un ancien président de la République s'efforce de persuader qu'une maturité tardive lui aurait permis de s'en libérer; sans s'égarer dans des projets qui pourraient enfin rassurer, il tente seulement de se dépouiller de son linceul.

A l'évidence ses anciens habits lui manquent et, pour les récupérer, Nicolas Sarkozy semble prêt à se renier, allant jusqu'à soutenir qu'il n'a jamais menti. Pas même quand il avait affirmé, après l'élection de 2012, qu'il quittait définitivement la politique ?

Mais le moment de lancer l'assaut est sans doute opportun quand le pouvoir en place, empêtré dans des difficultés qui paraissent inextricables, semble ne chercher une nouvelle légitimité qu'à l'extérieur de nos frontières, dans des opérations militaires qui laissent redouter de nouveaux enlisements. Si justifiées qu'elles paraissent par la cruauté de ceux qui les ont inspirées, elles pourraient aussi accentuer la division du monde entre dominants et dominés, les religions servant de prétexte à secouer le joug des États.

Un pas en avant, deux pas en arrière

On finirait par en oublier celle qui fracture notre nation, la réduisant en atomes d'égoïsme incapables de se rassembler dans une conjoncture qui cependant l'exige. Encore faudrait-il que le pouvoir politique puisse y contribuer. Il ne le peut quand ceux qui le détiennent ont perdu l'essentiel de la confiance qui les y avait portés, reculant plus qu'ils n'avancent, subissant plus qu'ils ne décident.

Ainsi, quand l'avenir menace de toutes part, imposant moins de calculs que de détermination, ouvrent-ils à ceux qui guignent leur place, la tentation de contrecarrer chacune de leurs tentatives sans trop se préoccuper de leur utilité pour le pays. Sans doute ces derniers ont-ils tort de jouer ainsi à l'apprenti-sorcier car ils sapent les bases de la démocratie ; elle ne peut en effet se réduire à une lutte de clans. Quand gronde l'incendie et qu'on espère des pompiers, une opposition adonnée à la destruction systématique ne saurait fonder une majorité éprise de renouveau au service des besoins collectifs.

Une hypocrisie ambiante

Alors, éclectiques, les intérêts s'emballent, massacrant allégrement ce qui les contrarie, jusqu'à faire descendre sur le pavé ceux qui en tiennent bien souvent le haut, mieux nantis que la plupart de ceux auxquels ils offrent le spectacle de revendications parfois indécentes. Il ne s'agit que de conserver des avantages ou de s'en assurer de nouveaux, laissant croupir ceux qui souffrent dans le marais d'une indifférence coupable. Bien entendu, chaque fois les exigences se parent de la vertu : ainsi les professions réglementées du droit concernées par des projets de réforme, comme les pilotes, excipent-elles de nobles mobiles pour défendre leurs revenus, se faisant un rempart des intérêts du service public auxquels ils contribuent.

La médiocrité des appétits vers le pouvoir

Le principal syndicat patronal ne se distingue pas quand, profitant de ce que la situation économique conduit à privilégier les entreprises, il tente de faire avancer ses pions, notamment au détriment des moins pourvus des salariés, oubliant ponts d'or, stock-options et retraites-chapeaux . D'autres suivront car le Pouvoir, faute d'un crédit suffisant dans l'opinion, est privé de la capacité qui lui serait nécessaire pour réduire les fronts intérieurs et se consacrer à des aspirations légitimes. Mais, pour y prétendre, il ne suffit pas de se poser en recours, d'autant moins quand on incarne des échecs dont nul ne peut avoir perdu la mémoire. Surtout quand la débâcle que l'on prétend combattre parait découler de celle qui l'a précédée...

La médiocrité des appétits qui se déclarent, tournés vers le pouvoir plus que vers l'action qui le féconde, laisse redouter que la République, engluée dans des combats personnels, n'en pâtisse à nouveau. Certes, même en le suggérant par la posture, chacun s'accorde à nier le besoin d'un homme providentiel. On voudrait le croire tant la démocratie répugne à cette sorte d'expédients. Mais peut-être, faute de mieux, notre pays pourrait-il s'en accommoder au regard de la tempête qu'il traverse. Il reste à en trouver un qui ne soit pas un ersatz, ni un revenant.