Ecosse : Vers une nation meilleure ?

Par Par David Leishman, maître de conférence en anglais à l'Université Grenoble Alpes.  |   |  563  mots
L'Ecosse est une vieille nation européenne dont l'identité nationale n'a pas disparu au moment de son union politique de 1707 avec l'Angleterre. Depuis trois cents ans, elle n'est plus un Etat mais elle n'en demeure pas moins une nation.

Les Écossais ont voté jeudi pour maintenir ce paradoxe apparent. Bien qu'on chante "Flower of Scotland" à tue-tête à Murrayfield, hymne qui incite le pays à « se redresser et redevenir la nation » qui avait gagné son indépendance il y a sept cents ans, une majorité du pays a préféré garder la sécurité du giron britannique.

Une identité nationale ouverte

L'expression de l'identité écossaise ces dernières décennies ne se résumait pas à des questions de culture folklorique, de victoires militaires ou d'histoire ancestrale. Pendant la campagne référendaire, on a souligné l'absence de problématiques identitaires, ce qui était en grande partie due à la conception très ouverte de l'identité nationale promue par le SNP ( Scottish National Party, initiateur du référendum, NDRL) qui rejette toute forme de xénophobie. Les débats, passionnés, affichaient d'autres préoccupations : la santé, le pétrole, l'emploi, la monnaie. Les arguments du SNP n'ont pas convaincu. Cependant, la légitimité même du débat était fondée sur une prérogative de représentation nationale et l'acceptation unanime de l'existence d'une identité nationale écossaise.

Rejet du néolibéralisme

Dans les publicités pour les single malts, l'Ecosse est une terre de landes et de brume alors que 80% de la population écossaise vit dans la zone très urbanisée située entre Glasgow et Edimbourg. C'est ici que la politique de désindustrialisation menée à pas de charge par Margaret Thatcher a provoqué la fermeture à tour de bras de chantiers navals, aciéries et mines de charbon.

Entre 1979 et 1997, les Ecossais ont voté contre les conservateurs à chaque élection, mais, du fait du poids démographique de l'Angleterre, dix fois plus grande, ils ont été dirigés par un gouvernement britannique conservateur. Ainsi, bon nombre d'Écossais articulaient leur spécificité nationale en termes d'un rejet du néolibéralisme et rattachaient la défense d'une Ecosse qu'ils espéraient plus égalitaire à la nécessité de réforme constitutionnelle.

Un gouffre entre Edimbourg et Londres

Un parlement semi-autonome vit le jour en 1999, mais des gouvernements britanniques successifs ont creusé le gouffre entre Edimbourg et Londres : la guerre en Iraq et la poursuite du projet thatchérien ont décrédibilisé le parti néo-travailliste ; la promesse d'un référendum sur la sortie éventuelle du Royaume-Uni de l'UE et la politique d'austérité menée par la coalition actuelle ont exacerbé le sentiment que l'avenir de l'Ecosse ne devait plus dépendre d'un gouvernement britannique qu'elle n'a pas choisi.

Pris de panique à l'idée que l'Union vivait ses derniers jours, la semaine dernière, les leaders des trois partis principaux ont promis, sans l'aval du Parlement de Westminster, de vagues nouveaux pouvoirs pour l'Ecosse. Cette annonce à la veille du scrutin d'une réécriture hâtive de la constitution britannique rencontre déjà l'hostilité des députés conservateurs.

Par frilosité autant que par conviction, les Écossais ont fait leur choix. Dans les années quatre-vingt l'écrivain écossais Alasdair Gray exhortait ses compatriotes à « œuvrer comme s'ils vivaient les premiers jours d'une nation meilleure ». Aujourd'hui, l'avènement de cette nation meilleure dépend encore de la volonté de l'Etat britannique à se réformer.

David Leishman est maître conférence en anglais à l'Université Grenoble Alpes. Il dirige la revue Etudes Ecossaise et prépare un livre sur l'identité nationale écossaise.