Abus de droit : un éclairage nécessaire

L'abus de droit change de définition avec la loi de finances 2014.
Philippe Charton, directeur de l'Ingénierie Financière et Patrimoniale CIC Banque privée

Lors de la loi de finances pour 2014, les parlementaires ont adopté contre l'avis du gouvernement une nouvelle définition de l'abus de droit. Jusqu'à présent l'administration fiscale est en droit d'écarter les actes constitutifs d'un abus de droit dans deux hypothèses : en cas de simulation (acte fictif) ou en cas de fraude à la loi (but exclusivement fiscal et méconnaissance des intentions du législateur). L'abus de droit est lourdement sanctionné (pénalité égale à 80 % de l'impôt éludé). Avec la nouvelle définition de l'abus de droit, devenaient désormais constitutifs d'un abus de droit les actes ayant pour motif principal, et non plus exclusif, d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales. Ainsi, on passait d'une question de droit précise : le but fiscal est-il ou non exclusif ? à une question de fait : le but est-il ou non principal ? L'appréciation devenait pure appréciation de fait et donc discutable… La loi doit être précise, ce n'est pas aux juges d'apprécier le caractère principal ou non du but fiscal.

Caractère punitif

Il ne faut pas confondre fraude fiscale et optimisation fiscale. Le contribuable a le droit de choisir la solution fiscale la moins onéreuse dans les limites de ce qu'admet la loi. Dans toute opération de restructuration patrimoniale, coexistent un objectif familial et le souci de payer le moins d'impôt possible. Comment fera-t-on pour savoir si une personne recherche à titre « principal » un avantage fiscal? La pénalité d'abus de droit présente bien un caractère punitif…
Le Conseil constitutionnel a censuré la mesure en relevant que, compte tenu des sanctions attachées à l'abus de droit, le législateur ne pouvait retenir une nouvelle définition aussi large de cette notion. Elle est contraire à la Constitution car elle porte atteinte au principe de légalité des peines : une infraction, pour être sanctionnée, doit être suffisamment définie. Dans le même esprit, le Conseil a également censuré une autre mesure de la loi de finances qui  instituait une obligation de déclaration à l'administration des « schémas d'optimisation fiscale ». Le Conseil a estimé que ces dispositions retenaient une définition trop générale et imprécise, alors qu'elles apportaient des restrictions à la liberté d'entreprendre et étaient lourdement sanctionnées.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.