Laurent Berger (CFDT) : "Au boulot ! "

Gestion par ordonnances, réflexions et réformes tous azimuts (code du travail, apprentissage, formation professionnelle, assurance-chômage, SNCF, objet social des entreprises, Pacte, etc.) : le calendrier et les méthodes dictés par le Gouvernement placent les acteurs du dialogue social dans une actualité brûlante. L’un d’eux est particulièrement sollicité : Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, à qui nous consacrons un livre événement, Au boulot !, (Editions de l’Aube). Un livre « événement » parce qu’il traite en profondeur et avec hauteur d’un thème mésestimé, déprécié et même éclipsé par l’obsession de l’emploi, qui pourtant constitue le socle commun des enjeux économiques, sociaux, sociétaux, et l’une des composantes les plus fondamentales de nos identités : le travail. Dans ce face-à-face avec Denis Lafay mené sans concession, Laurent Berger accepte d’appliquer à lui-même ce qu’il considère être le ferment de l’action syndicale : la conflictualité. Et quoi de mieux que cette journée du 1er mai pour relire ce dialogue.
(Crédits : Hamilton / Rea)

LE TRAVAIL AU RÉVÉLATEUR DE LA SOCIÉTÉ

ACTEURS DE L'ECONOMIE-LA TRIBUNE : En 2016, la CFDT a produit une vaste enquête "Parlons travail" à laquelle 200 000 personnes ont répondu. Il en ressortait quelques conclusions phares : les Français « aiment leur travail », estiment « qu'ensemble, on travaille mieux », jugent que le travail « peut être dangereux pour la santé », considèrent que « trop de travail tue le travail », déplorent un substantiel « manque d'autonomie » contributeur de leur mal-être, stigmatisent le mode de management, voudraient « participer davantage à la gouvernance décisionnelle ». Nonobstant des différences sensibles selon le type d'organisation (taille, privé, fonction publique), la nature du secteur ou le statut occupé, que vous inspire cette photographie ?

LAURENT BERGER : En premier lieu, que le travail est une notion, une réalité extrêmement importante aux yeux de chacun. Le nombre et la teneur des réponses démontrent en effet que le travail est un élément d'identité fondamental. Autour du travail et grâce au travail se construisent des relations affectives fortes, des amitiés durables ; grandissent des opportunités d'épanouissement, d'accomplissement ; s'ancre une manière de se présenter et d'exister socialement ; se concentrent certains des sujets de conversation ou de débats les plus réguliers au sein de la famille... Bref, dans le travail se structure une immense partie de nous-même. Et cela quand bien même il est peu visible dans les sphères médiatiques ou publiques. Le travail est incroyablement présent dans nos vies, nos consciences, nos préoccupations individuelles ; il est pourtant étonnamment absent des discours collectifs.

La cfdt decue par une reforme pas a la hauteur

Cette enquête "Parlons travail", la plus grande jamais menée, permet de remettre en lumière le travail. Et une fois qu'on la traite comme notre époque semble l'exiger : en regardant les chiffres, elle fait apparaître des faits saillants importants. Les Français aiment leur travail, même si tout n'y est pas parfait. Ils aspirent massivement à l'autonomie, à la bienveillance, à la coopération, à l'initiative, à la reconnaissance. Et si l'on regarde ce qui peut être amélioré, il existe une intime corrélation entre, d'un côté, souffrir au travail, éprouver des troubles du sommeil ou d'addiction, et, de l'autre, peiner à s'organiser, se sentir isolé de ses collègues ou négligé, méprisé, abandonné par sa hiérarchie. Cette aspiration à l'autonomie et à la bienveillance n'est pas seulement une exigence des travailleurs ; c'est un enjeu de santé publique. Chaque fois que l'on prive les travailleurs de cet environnement propice, de la capacité à être acteurs dans leur travail, leur santé se dégrade. Changer le travail devient donc une absolue nécessité.

« À force de ne plus s'occuper que d'emplois, on ne s'occupe plus de travail », confiait Jack Ralite [1928-2017]. L'ancien sénateur-maire communiste d'Aubervilliers résumait là l'un des « problèmes » du travail : à s'en désintéresser et à l'enfermer dans les statistiques, on lui a substitué l'enjeu de l'emploi. Ce dernier est essentiel, mais à phagocyter l'espace public - politique et médiatique - de manière aussi omnipotente, il détourne notre attention du travail...

C'est vrai. Nous sommes obnubilés par le sujet de l'emploi, et nous en avons oublié le travail. On parle des statistiques de l'emploi et on en oublie la vie réelle des femmes et des hommes. Celle des demandeurs d'emploi, qui ne sont pas des chiffres, mais des personnes. Et celle des personnes en emploi, qui ont un vécu au travail, un métier, une vie. Or lorsqu'« on » ne s'occupe plus de la « vie réelle » des gens, c'est-à-dire lorsque l'individu ne se sent plus et ne se sait plus considéré dans son travail par la sphère publique, alors il « décroche ». En premier lieu, des mécanismes démocratiques et citoyens. Il est grand temps de regarder à hauteur de femme et d'homme, il est grand temps de remettre le travail dans la lumière, et pour cela, il est grand temps de replacer le travail au centre du débat public afin que chacun puisse exprimer son rapport au travail.

C'est d'autant plus essentiel que l'enseignement à la fois le plus étonnant et le plus précieux de cette enquête que nous avons menée tord le cou à nombre de préjugés. Certes, l'espace du travail est ambivalent, il concentre des situations antagoniques - on peut aimer son travail et souffrir de son travail, travailler avant tout pour l'argent et apprécier ses collègues, on peut aimer son métier et ne pas être fier des conditions dans lesquelles on l'exerce... Cet espace où l'on vit son travail est par nature vivant, donc perfectible. Mais les travailleurs n'ont aucunement une conception doloriste, misérabiliste, avilissante du travail, cette conception sombre voire mortifère si communément placardée dans la sphère publique.

Crise d'amour, crise de reconnaissance, crise de sens, crise de perspective... Le travail est « toujours » en crise - laquelle signifie non une disparition, mais une perpétuelle transformation. La crise contemporaine du travail, qu'a-t-elle de singulier ?

Mouvement d'externalisation croissant des risques vers les sous-traitants et les travailleurs - le temps où l'entreprise maîtrisait sa chaîne de valeur de la matière première jusqu'à la distribution du produit fini est révolu - ; intensification du travail pour tenir les cadences et les délais ; transformation profonde et rapide des métiers sous l'effet des bouleversements technologiques, et notamment de la révolution numérique ; fidélisation du client, qui conduit au travail à la demande et néglige la situation du travailleur ; réduction tendancielle du nombre de strates hiérarchiques : voilà certaines des transformations du travail avec lesquelles la réflexion doit composer. Mais le propre du travail est d'être en permanence en transformation. Et ne mythifions pas le passé.

Les Trente Glorieuses virent certes le plein emploi et la conquête d'importants acquis sociaux, mais cette époque fut celle, aussi, d'un accommodement spécieux avec la colonisation, d'un autoritarisme masculin qui sévissait partout, en entreprise comme dans les foyers, elle fut celle d'une atteinte grave à l'environnement, etc. Et les conditions de travail étaient très dures. Le souvenir de mon père rentrant des chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, fatigué par l'effort physique, les chaussettes trouées par les éclats de soudure, reste vivace. Ce qui est nouveau, et qui a pour supports les révolutions technologiques et numériques, c'est l'accélération phénoménale de ce processus de transformation du contenu du travail et des métiers. Les signes de cette transformation surgissent de partout, concomitamment. Doit-on se résigner et les subir ? Non, bien sûr. Les tâches sont amenées à muter en profondeur, la robotique est une réalité, pour autant le travail n'est pas promis à la disparition ! Les pays les plus robotisés, comme la Corée du Sud ou l'Allemagne, sont aussi ceux qui créent de l'emploi dans l'industrie.

L'enjeu n'est donc pas de nous préparer à la disparition du travail, mais de réussir les transitions, de veiller à l'apprentissage des nouvelles compétences et de rediscuter les organisations du travail. Ces dernières, si longtemps pyramidales, s'horizontalisent, doivent faire « sauter des verrous » et se caler sur ces aspirations individuelles à l'autonomie, à l'initiative, à la coopération. Or, que constate-t-on ? La prééminence toujours vive des logiques tayloristes, y compris à travers le travail offert par certaines plates-formes comme le Mechanical Turk d'Amazon, où de nouvelles formes, modernisées, de taylorisme s'imposent.

Les travailleurs sont parfaitement disposés à et capables de répondre aux enjeux de l'administration ou de l'entreprise - sans cesse plus agile, plus productive, plus performante. Mais pas à n'importe quelles conditions. Tout employeur ignorant l'acuité des usures physiques et psychiques, négligeant les aspirations au télétravail ou le droit à la déconnexion, méprisant les aspirations nouvelles des salariés à être écoutés, s'expose à de très importants problèmes managériaux. La créativité, la réponse rapide et pertinente au client, le sur-mesure, la qualité, ça s'organise. Les vieux réflexes autoritaires génèrent le risque d'une performance économique insuffisante.

Ce que les Français expriment sur leur relation au travail constitue une grille de lecture de l'« état » de la société. « État » signifiant diagnostic, aspirations, etc.

C'est indéniable. Le désir, non seulement d'autonomie, de bienveillance et de fierté, mais aussi de reconnaissance et de respect, de relations apaisées voire pacifiées, est commun à ce que nous voulons dans la vie personnelle et dans la vie professionnelle. Être considéré pleinement et entièrement dans son travail comme dans son quartier, son association, ses sphères familiale et amicale, n'est-ce pas une aspiration légitime ? Mais aussi la manière de répondre à une question fondamentale : "A quoi sers-je ?"

On ne change pas en profondeur la société si on nie l'absolue nécessité de changer le travail. Ces deux transformations, indissociables, sollicitent des ambitions concrètes. Par exemple, on ne peut pas espérer transformer la démocratie dans la société si l'entreprise ne prend pas sa « part » dans la réflexion. Et les maux dont souffre la démocratie représentative ne sont pas imperméables à ceux qui affectent le fonctionnement du travail dans l'entreprise. Comment peut-on « tirer vers le haut » une telle consubstantialité ?

Incontestablement, ces situations sont imbriquées, et même « se répondent ». La démocratie ne s'arrête pas à la porte des administrations et des entreprises. Ne faisons pas comme si ces mondes étaient étanches. L'état inquiétant de notre démocratie impacte le monde du travail. Chaque fois que sont délivrées des paroles nauséabondes dressant les gens les uns contre les autres, elles fragilisent les consciences non seulement dans la société, mais aussi au travail. Le doute sur les décideurs peut contaminer le monde du travail. Et en sens inverse, le monde du travail irrigue la démocratie. L'incertitude économique, le ressentiment sur sa situation professionnelle, produisent des effets politiques. Heureusement, la solidarité propre au monde du travail permet de trouver des solutions « ensemble ».

Ce qui m'inquiète le plus, ce sont les inégalités. Inégalités sociales, bien sûr, mais aussi de revenus, qui prennent des proportions extrêmement inquiétantes une fois superposées sur les fractures territoriales, aujourd'hui considérables. Or sans une double cohésion territoriale et sociale - que l'exercice du travail doit incarner -, sans l'objectif d'assurer du « mieux » pour tous, l'avenir de la démocratie sera très sombre.

Et c'est d'ailleurs sur l'existence de cette fracture que prospère la rhétorique populiste, démagogique, europhobe et identitaire...

Qu'elle porte sur la société ou le travail, une vision misérabiliste alimente les populismes de tous ordres. La réalité du travail est tout sauf binaire, et le rapport qu'on entretient à l'exercice de son travail est, là encore, multi-forme voire contrasté. Qui n'a pas en même temps éprouvé des déconvenues et cultivé des satisfactions sur son lieu de travail ? Nous nous focalisons excessivement - syndicats compris, évidemment, et nous devons faire, dans ce domaine, notre autocritique - sur le mal-être au travail ; ne doit-on pas également prospecter ce qui nourrit le bien-être au travail ? Les travailleurs aspirent à faire du « bon boulot ». Cette aspiration convoque la responsabilité de tous. Médias compris. Ces derniers doivent cesser de se polariser presque exclusivement sur ce qui « va mal » - conflits, burn out, suicides, etc. -, censé mieux capter les attentions. L'enjeu est de revenir à une exposition objective, plutôt que partielle et partiale, de la réalité du travail. Restituer la fierté du travail « bien fait » contribue à faire progresser les conditions d'exercice du travail.

Ce que la société est, devient, se prépare à, vous inquiète-t-il pour l'avenir du travail ?

L'administration ou l'entreprise ne forment pas un « monde à part » hermétique à ce qui l'environne. Heureusement ! La radicalisation des attitudes, la culture des boucs émissaires, la stratégie de stigmatisation ou d'exclusion, affectent nécessairement l'espace du travail. C'est la raison pour laquelle l'entreprise a plus que jamais le devoir de considérer les aspirations des salariés, de tendre vers des conditions de travail décentes, respectueuses, harmonieuses, responsabilisantes, non seulement pour résister à ces poisons, mais surtout pour y apporter les antidotes. L'entreprise n'est pas un « problème de la société » ; elle est au contraire « une partie de ses solutions ». Y développer la diversité, la démocratie, l'anticipation, la solidarité, la bienveillance, l'émancipation, c'est nourrir la société elle-même de ces valeurs.

Le rapport au travail n'est, bien sûr, pas identique selon les typologies d'organisations. Dans la fonction publique, de quoi le travail souffre-t-il particulièrement ? Est-ce lié à un dépérissement supposé d'une partie de la société pour la notion d'« intérêt général » et donc de « service public » ?

Imaginez le quotidien d'un agent du service public. Depuis de nombreuses années et de plus en plus intensément, à quoi entend-il sa condition résumée dans la bouche de beaucoup de dirigeants politiques et du patronat, relayé par les médias ? À un coût. « La fonction publique pèse beaucoup trop sur les finances publiques et donc sur la santé de l'économie »... « Comment réduire le corps social des fonctionnaires »... : trop souvent, la réalité de l'action publique n'est traitée que par le prisme - au demeurant très culpabilisant - des économies à réaliser. Les agents publics ont, chevillés au corps, le sens du service public et la conscience de leur mission ; or personne ne les reconnaît, personne ne semble réfléchir aux moyens de leur permettre de mieux exercer leur rôle en faveur de la cohésion sociale. Voilà le terreau de cette crise du travail si particulière dans le secteur public, et en premier lieu dans les fonctions publique, d'État et hospitalière, où les coups de rabot, la désorganisation chronique, le management déresponsabilisant et l'absence presque totale de dialogue social accentuent le mal-être. Et le constat est d'autant plus inconcevable que les plus virulents contempteurs sont souvent les premiers à se féliciter et à profiter pleinement de la qualité des services publics de santé, de sécurité, d'infrastructures, etc.

Or connaît-on des entreprises privées qui s'installent ou demeurent là où l'offre d'écoles, d'hôpitaux, de réseaux routiers ou ferroviaires est inexistante ou défaillante, bref, là où la cohésion sociale est en panne ? Dans un tel contexte de négation de la richesse que constituent les agents de la fonction publique, dans un tel contexte de gestion purement budgétaire des ressources humaines, il est parfois bien difficile pour ce personnel d'éprouver la fierté du travail « bien fait », de se sentir utile et considéré.

Où et quels sont les ennemis de ce travail émancipateur et fondateur ?

Les tentations autoritaires doivent être condamnées, et avec elles les logiques descendantes et obsolètes d'obéissance, l'injonction au silence, et, bien sûr, la tyrannie du court terme.

Quelles pistes concrètes voulez-vous mettre en lumière, qui incarnent la concrétisation efficace de ce projet, de ce collectif voire de ce « bien commun » qu'est l'entreprise ? Car ne nous méprenons pas : le degré de compétence des représentants est faible, le dogmatisme idéologique est aigu, et leur médiocre représentativité obère leur légitimité. La France n'est pas l'Allemagne ou les pays scandinaves. Cette insuffisance rend-elle crédible la participation des élus aux instances décisionnelles de l'entreprise ? Comment, dans de telles conditions, mettre en œuvre votre « codétermination à la française » ?

La compétence des représentants du personnel constitue un débat fallacieux. Stigmatiser les syndicats et leur supposée incompétence, c'est discréditer les salariés eux-mêmes. Un syndicaliste n'est pas un expert, mais un salarié qui, dans une administration ou une entreprise, accepte de représenter et de défendre ses collègues. Opposer subrepticement travailleurs et syndicalistes comme si ces derniers étaient extérieurs au monde du travail, c'est instiller l'idée, double, qu'aucun salarié ne possède le niveau pour « comprendre » et pour « décider », et qu'il est donc préférable de « décider à sa place ».

L'entreprise ne peut pas être le terrain de l'arbitraire. Une entreprise, c'est un projet collectif qui réunit du capital et du travail. Donc, une gouvernance équilibrée ne peut être que celle qui donne une voix au travail en rapport avec son rôle dans la création de valeur. Et l'intérêt du travailleur est, en certains points, le même que celui de l'entreprise : sa permanence dans le temps, sa robustesse et sa résilience face aux chocs. L'axe cardinal, c'est donc la participation des représentants des salariés au conseil d'administration. La composition de ce dernier doit refléter une diversité de vécus et de compétences. L'une d'entre elles consiste à « comprendre » le corps social, à connaître intimement le travail au sein de l'entreprise, formant là une des conditions de l'efficacité des conseils d'administration au bénéfice de l'ensemble des acteurs - actionnaires compris, bien entendu.

Ce que des dirigeants d'entreprise confient sur les bienfaits de cette participation est d'ailleurs sans équivoque : elle assure une meilleure connaissance des métiers, des potentialités, des personnalités, et un dialogue social densifié qui profitent à la stratégie d'ensemble décidée en conseil. Tout cela nécessite, effectivement, que les représentants du personnel soient « à la hauteur » de l'enjeu. Nous y travaillons. Et surtout, ils y travaillent ! (...)

L'enjeu de la gouvernance cristallise collatéralement deux problématiques fondamentales : la propriété et le partage de la valeur. L'entreprise appartient-elle exclusivement aux actionnaires ? Chaque salarié possède-t-il « un petit peu » d'elle au vu de son implication ? La valeur marchande de l'entreprise et celle des dirigeants ne sont-elles pas conditionnées au travail d'une chaîne de contributions qui mobilise jusqu'à l'ouvrier ? Bref, ce qui est sous-jacent à la gouvernance convoque des thèmes aussi passionnants que volcaniques, qui sont le reflet de certains principes de la société dans l'entreprise...

Effectivement. Sont souvent distinguées l'entreprise, assimilée à son capital, et les parties dites « prenantes » : salariés, clients, sous-traitants, territoires, environnement, etc. Cette vision permet d'éviter soigneusement de penser la place particulière du travail et du travailleur, qui est considéré comme une simple partie prenante au même titre que n'importe quelle association ayant un lien vague avec l'activité de l'entreprise. Je m'insurge contre cette vision. Les salariés sont des parties constitutives de l'entreprise. Bien sûr, une entreprise moderne doit aussi reconnaître la place des parties prenantes. La CFDT croit à et défend la RSE.

Si l'on veut des entreprises durables, il faut miser sur des modèles productifs soutenables qui font attention aux partenaires de l'entreprise. Négliger les remontées des associations de consommateurs ou environnementales, ne pas vérifier que les sous-traitants bénéficient d'un partage équilibré de la valeur leur permettant d'assurer dans la durée innovation et qualité, serait suicidaire. Mais cela ne suffit pas et ne peut tenir lieu de dialogue social avec les travailleurs, qui aspirent à s'exprimer sur leur travail, à participer davantage aux décisions. La population n'accepte plus de ses élus qu'ils rendent compte de leur action seulement à l'issue de leur mandat ; pourquoi les salariés devraient-ils raisonner autrement à l'égard de leur direction ? (...)

L'ACTION SYNDICALE À L'ÉPREUVE DES JEUNES GÉNÉRATIONS

Les générations dites Y [nées dans les années1980 et1990] et Z [décennie postérieure] sont déterminées à conditionner leur orientation professionnelle à l'accomplissement de sens. Il s'agit là d'un défi pour l'organisation et le management des entreprises, mais également d'une formidable opportunité. Les rapports de force, sinon s'inversent, du moins se rééquilibrent...

Sens et fierté que l'on éprouve dans son activité quotidienne : les jeunes générations questionnent cet enjeu comme aucune autre. Et c'est tant mieux ! Car ainsi les employeurs sont confrontés au devoir de fidéliser leurs salariés, de capitaliser sur les savoir-faire collectifs, d'écouter et faire de la place au travailleur. Donc de mettre en pratique les valeurs rédigées sur les plaquettes institutionnelles ou dans les rapports d'activité. L'incarnation des belles promesses dans le vécu quotidien est déterminante. On ne peut pas proclamer la confiance et faire régner la peur. Et c'est ainsi que la logique de coopération se prend peu à peu à dominer celle de compétition. De tout cela, ne faut-il pas se réjouir ? Et n'est-il pas temps, pour les entreprises, d'adapter leurs logiques, leurs organisations, leur appréhension du travail à cette réalité ? Celles qui le négligeront le paieront cher.

Reste un implacable constat : la jeunesse n'est pas homogène. « Toute » la jeunesse n'est pas formée, accompagnée, sécurisée au point d'être suffisamment autonome pour être « vraiment » libre de faire des choix difficiles. C'est d'ailleurs là l'une des plus insupportables inégalités.

L'une des caractéristiques du travail contemporain, dans le contexte de mondialisation et des révolutions numérique et technologique, est que le fruit du travail est de moins en moins palpable. Le salarié est le maillon d'une chaîne de contributions elle-même imperceptible, la matérialisation de son travail et sa participation à la chaîne de valeurs sont invisibles. Est-il possible de lutter contre ce phénomène ?

La comparaison du travail moderne avec celui de l'artisan est un sous-jacent ancien de la sociologie du travail. L'aliénation, chez de nombreux théoriciens, a été pensée autour de cela : une fois que je suis rendu étranger au produit de mon travail, je perds le sens, et pas uniquement, d'ailleurs, je perds une fraction de la valeur que s'arroge mon employeur en échange de mon travail. Se sentir étranger au produit de son travail provoque des dégâts, à commencer par une certaine indifférence à son travail. La plupart des travailleurs aspirent à être fiers de ce qu'ils accomplissent. Les situations d'épuisement professionnel ou de risques psychosociaux questionnent la maîtrise réelle que le travailleur exerce sur son activité.

Si la demande est impossible à réaliser, si les reproches formulés sont en réalité liés à la défaillance de l'organisation du travail, si aucune aide n'est apportée, comment s'étonner que des travailleurs craquent ? Les responsables de l'organisation ont-ils placé chacun en situation de réussir ? (...) Toute méthode systémique de déshumanisation étrangle le goût du travail ; l'inverse - qui passe notamment par des collectifs favorisant la parole et l'expression individuelles sur la réalité et l'amélioration du travail - vaut bien sûr aussi.

Et cela, qu'on l'applique à une poissonnerie de quartier, à une ETI industrielle, à une biotech en croissance exponentielle ou à une administration. Pour cette raison, les espaces d'expression des travailleurs - réclamés par la CFDT - sont importants. Il faut pouvoir exprimer ce qui dysfonctionne et trouver collectivement des solutions pour reconstruire une forme de maîtrise sur son
travail et sur sa vie.

Cette révolution numérique, dont les conséquences - sur le travail, l'emploi, la formation, le statut, la mobilité - ne sont encore que très partiellement connues, semble-t-elle être davantage synonyme de peur que d'espérance au sein des corps sociaux « radiographiés » par les représentants du personnel ?

Indéniablement, elle fait peur. Elle fait peur parce que des emplois sont détruits dans certaines branches et qu'il faut accompagner les salariés vers d'autres opportunités. Elle fait peur aussi parce qu'elle transforme en profondeur les métiers, qu'elle bouscule, au-delà des tâches et des contenus concrets des postes, les identités professionnelles. Et le travail d'une organisation syndicale comme la nôtre est non seulement d'œuvrer à faire rempart aux menaces, mais tout autant de mettre en lumière les opportunités et de favoriser leur concrétisation. (...) Il existe bien sûr aussi des « perdants » de la révolution numérique, notamment ceux qui sont licenciés ; ceux-là, il est impératif de les accompagner dans leur mutation professionnelle, via le dialogue social. Mais nous ne devons pas perdre de vue non plus que les administrations et les entreprises ont besoin de se moderniser, et que l'absence de modernisation est mortifère. À nous de convaincre l'employeur de faire sa révolution digitale, en capitalisant sur les savoir-faire collectifs, en pariant sur les travailleurs et sur le dialogue. Cette révolution sollicite aussi une réalité abondamment négligée par les directions : l'enjeu est totalement « ressources humaines ». (...)

numérique

Qu'elles soient sociales ou managériales, les attentes de ces nouvelles générations bouleversent les paradigmes. Cette agilité, cette mobilité, cette impatience, cette quête de sens, cette infidélité, cette manière d'associer intérêt personnel et collectif, enfin ce rapport aux nouvelles technologies peuvent-ils être « entendus » par des organisations rivées encore sur les « vieux métiers », les « vieilles entreprises », les « vieilles revendications » ? Quelles révolutions la CFDT doit-elle engager pour être un capteur et un diffuseur crédible de ces nouveaux comportements ?

Aux yeux de ces nouvelles générations, ce qui compte le plus n'est pas la nature juridique du contrat qui les lie au donneur d'ordres, mais le projet collectif auquel elles croient, leur place dans ledit projet et l'envie de se fédérer pour changer la société. Ces nouvelles générations ne souhaitent pas être « indépendantes », elles veulent être entendues, participer, croire au projet, quelle qu'en soit la forme juridique. Le travail est interrogé par le numérique, le syndicalisme l'est lui aussi. Dès lors, nous devons nous questionner sur ce que nous représentons, afin de nous adresser aux travailleurs et non aux salariés. Entre l'individu, le marché et l'État, le mouvement ouvrier a toujours fait le pari de l'auto-organisation des travailleurs pour peser collectivement, avec, historiquement, le mouvement coopératif ou mutualiste aux côtés du syndicalisme. Nous devons repartir de ce sens profond de l'auto-organisation pour inventer des formes d'organisation nouvelles. Pour cela, nous devons revenir aux sources, ne pas avoir peur d'innover, et transformer la « communauté de valeurs » CFDT en véritable « communauté d'actions ».

Je n'ai pas l'impression que le syndicalisme CFDT soit, de ce point de vue-là, discrédité. Nous syndiquons les chauffeurs VTC de chez Uber, notre fédération communication-conseil-culture a lancé une plate-forme numérique, Union, à destination des free-lances du numérique. Nous multiplions les initiatives en direction des jeunes. L'usine du futur, l'intelligence artificielle, la transition écologique, la digitalisation des métiers et de l'économie, l'impact des réseaux sociaux, font l'objet en interne d'ateliers et d'études prospectifs. La CFDT n'est donc pas déconnectée de ces réalités.

Ce préalable effectué, ne nous leurrons pas : le syndicalisme est mortel et doit se réinventer s'il veut échapper au péril. Notre action doit d'abord s'enraciner dans le vécu et les attentes des travailleurs, s'appuyer sur des espaces de parole et de réflexion adaptés d'où germera une « offre syndicale » cohérente. C'est un vrai défi. Saurons-nous le relever ? Seul l'avenir l'indiquera. En tout cas, même encore modestement et trop lentement, nous nous y employons. Et, par exemple, avoir rompu avec le « statut », soi-disant irréductible, comme porte d'entrée dans l'entreprise, militer « offensivement » pour l'initiative, la responsabilité, l'engagement plutôt que « défensivement » au profit de certains prés carrés dépassés, rendent, je crois, notre discours davantage audible.

Mais peut-on être « audible » auprès de jeunes encore qualifiés de « travailleurs » ? Cet anachronisme sémantique n'incarne-t-il pas l'obsolescence de la rhétorique et de la stratégie syndicales ?

Mais quel « beau mot » ! La CFDT l'a, par le passé, abandonné aux trotskistes, et se l'est, depuis, réapproprié. Et particulièrement auprès d'une jeunesse sensible à l'indépendance, à l'entrepreneuriat, et moins réceptive que les générations ascendantes au salariat, ce substantif prend toute sa valeur. Au niveau européen, le qualificatif commun n'est-il pas worker ? Il permet de décrire un pan de la vie sociale important, une implication dans la création de valeurs - qui dépasse le champ économique, puisque le travail produit aussi de la cohésion sociale.

Bref, quand on exerce un travail, on est un travailleur, et nommer « simplement les choses » est pertinent. Le danger auquel nous devons veiller, en revanche, est de ne pas uniformiser derrière ce vocable des situations et des aspirations en réalité formidablement hétérogènes. Les besoins du jeune manutentionnaire d'une grande surface d'ameublement, du jeune ingénieur de bureau d'études aéronautique, du jeune infirmier hospitalier, du jeune développeur informatique, du jeune mécanicien automobile ont peu en commun : cela, nous devons impérativement l'intégrer dans notre démarche auprès d'eux. Sous peine, sinon, d'être disqualifiés. Écoutons les jeunes, donnons-leur le pouvoir, mais pour autant ne faisons pas de jeunisme.

Coopérer avec les « corps intermédiaires », desquels d'ailleurs vous-même, organisation syndicale, faites partie : une gageure, dans un contexte politique et institutionnel qui, depuis le quinquennat Sarkozy, s'escrime à écarter voire à discréditer lesdites intermédiations au profit d'une démocratie et d'une communication directes...

Démocratie directe entre le peuple et le sommet : je n'y crois pas. Et pour une raison simple : chaque personne, chaque citoyen est pluriel. Je suis à la fois un habitant, un citoyen, un consommateur, un travailleur, un père, et je n'ai pas à choisir entre ces rôles sociaux, car je suis chacun d'entre eux, la personne humaine est un tout. La société est elle-même plurielle, elle rassemble des intérêts, des groupes différents qui méritent tous le respect. La démocratie suppose donc la reconnaissance de la diversité de la société, non pour mener à l'inertie - nous attendons tous du pouvoir politique des décisions -, mais pour assurer la qualité de la délibération et des choix. Pour éviter les décisions qui produisent des dégâts, qui font violence, il faut travailler avec les corps intermédiaires qui incarnent ces différentes facettes, ces différents groupes, ces différents intérêts, il faut identifier les consensus et les points de désaccord, il faut associer les citoyens eux-mêmes à et par des démarches participatives.

Je me méfie donc de la relation soi-disant directe, de l'appel au peuple ou à l'opinion publique, qui prétend écarter les corps intermédiaires et qui peut masquer une tentation autoritaire. Qui peut penser que la relation directe n'est pas déresponsabilisante et infantilisante ? Qu'elle se substitue avec efficacité à l'intervention de structures relais qui repèrent, enregistrent, décortiquent, interprètent, et « font remonter » tout ce qui est et fait mouvement et transformation dans la société ?

Or, effectivement, que nous offre le paysage politique ? Une logique de verticalité descendante qui guette l'actuel président de la République ; une stratégie d'omniscience et de fatuité volontiers brutales incarnée par le nouveau président des Républicains ; une France insoumise prompte à l'anathème, nostalgique de la loi Le Chapelier [édictée le 14 juin 1791, elle faisait la chasse aux regroupements ouvriers, paysans, et aux corporations de métiers] et vent debout contre l'indépendance des syndicats vis-à-vis du politique ; un Front national qui promeut une vision autoritariste et violente de la politique pour les minorités et pour tous ceux qui pensent autrement que son idéologie...

Tous font fausse route, car tous négligent ou méprisent une indiscutable réalité : la performance et le progrès (économiques, financiers, sociaux, à toutes les échelles) sont conditionnés à la vitalité du dialogue social, au dialogue qui part d'en bas, qui structure et associe toutes les parties prenantes, et donc les corps intermédiaires.

RTT ET SÉCURISATION, VRAIMENT AU SERVICE DU TRAVAIL ?

Voilà plus de vingt ans qu'a été mise en œuvre la réforme Aubry des 35 heures. Est-il bien contestable que la tirade martelant les vertus de la réduction du temps de travail a ensemencé dans la conscience collective une logique de contestation et même de dépérissement de la valeur travail ? Le travail est un mal, il est source de dégâts humains, il abrutit, il entrave l'épanouissement, etc. : cette réalité n'est certes pas la réalité, mais elle est une réalité que la logique hégémonique de réduction du temps consacré au travail a mise en lumière. Le travail est pour partie désennobli.

Historiquement, les gains de productivité ont toujours été absorbés par une baisse du temps de travail. Les 35 heures ont constitué une revendication phare et une grande conquête sociale de la CFDT. Un compromis social puissant entre réduction du temps de travail et nouvelles organisations du travail plus efficientes, qui a permis des gains de productivité et de compétitivité dans de nombreux secteurs. Leur mise en œuvre a donc été un progrès évident pour de nombreuses catégories de salariés, même si je n'ignore pas que d'autres salariés n'ont pas privilégié la RTT, et que certains d'entre eux attendent d'abord d'accéder à un volume horaire suffisant pour vivre dignement. La RTT a été et demeure donc une vraie avancée pour de nombreux salariés, notamment ceux au forfait jour, qui ont pu accéder au repos et aux loisirs. Mais je mesure que suite à la loi Aubry 2, l'intensification du travail a été également rude pour certains salariés, quand les organisations du travail n'ont pas pu être adaptées.

Résultat, des salariés à 32 heures sont en grande souffrance, d'autres à 40 heures sont épanouis, grâce souvent à une négociation collective « intelligente » qui a dégagé d'importantes marges de manœuvre (management respectueux et reconnaissant, espaces de « respiration » et de coopération). Mais ce qui impressionne le plus, vingt ans plus tard, c'est la violence de la guerre idéologique menée par le patronat. Quant au bilan en matière d'emploi, il est bon. Toutes les études ont démontré que la mesure avait généré de l'emploi. Elle a aussi contribué à faire émerger dans le débat public la conciliation vie professionnelle-vie privée.

Mais de 1997 à 2017, le taux de chômage est passé de 7,5 % à 9,5 % ! « Travailler moins pour travailler tous », principe fondateur en faveur duquel vous militez, n'a-t-il pas fait la preuve de son inefficacité ?

Le problème de l'emploi a d'autres explications : insuffisance des investissements, des actions de formation, croissance durablement molle, problème de positionnement concurrentiel de notre offre dans la compétition internationale faute de faire le choix de la qualité : bien des raisons expliquent le taux de chômage élevé. Et les 35 heures forment un fallacieux bouc émissaire. D'autant qu'elles ont, depuis lors, été bien des fois assouplies.

En revanche, la question du partage du travail n'a pas disparu. La répartition du travail est le marqueur d'un choix de société. Le volume d'heures travaillées dans une société est très stable dans le temps, même s'il a tendance à reculer grâce aux gains de productivité permis par la technologie. La manière dont on le partage devrait être une question politique importante. Et quand on ne le traite pas officiellement par un débat public, les choix existent quand même. (...)

Des pans entiers de notre organisation collective sont aliénés aux mécanismes marchands. La renaissance d'un ferment clé de la société, aujourd'hui desséché - les solidarités - exige de s'en affranchir. Est-ce bien réaliste ?

Mais, de toute façon, avons-nous le choix de continuer de résister à cette absolue nécessité d'organiser les solidarités ? L'état de la société et même de la planète l'autorise-t-il ? Contrairement à ce que certains discours diffusent, une société ne s'appréhende pas et ne se gère pas comme une entreprise. Car l'une et l'autre ne poursuivent pas le même dessein. Quelle est la finalité d'une société ? Voilà la question de fond que nous devons mettre en débat et à laquelle nous devons répondre si nous voulons « progresser ». À titre personnel, comment pourrais-je me sentir totalement heureux dans un pays qui dénombre 5 millions de pauvres dont plus d'un tiers sont âgés de moins de 10 ans ? Qui accepte d'insupportables inégalités ? Est-ce ça une société en progrès ? Recréer des solidarités, notamment par des attentions en faveur des plus fragiles, doit être un « but pour tous », des solidarités qui ne doivent pas se penser uniquement comme l'extension des assurances et des aides sociales, mais aussi comme de nouvelles solidarités horizontales, de l'entraide, du lien civique... Cela impose de regarder autrement le rôle des aidants - souvent des aidantes -, de celles et de ceux qui, à l'instar des syndicalistes, donnent du temps aux autres et ainsi permettent de « faire société ».

« L'état » de la société fait-il espérer la revitalisation de ces solidarités ? Je ne suis pas pessimiste. Nouvelles générations ayant soif de mobilisation ou anciens qui animent la vie associative et font vivre les collectifs, le réservoir d'entraide ne faiblit pas. La société française ne peut désormais réussir à faire vivre durablement des systèmes de solidarité collectifs qu'à condition de prendre davantage en compte le libre choix des individus - notamment de piloter leurs parcours professionnels, de maîtriser les possibilités de rebond, de réorientation, d'être acteurs, de disposer d'un accompagnement personnalisé selon leurs spécificités dans un système de protection sociale performant.

L'articulation entre les légitimes aspirations individuelles et la nécessité de protection collective concentre d'ailleurs l'un des sujets les plus sensibles et les plus névralgiques de la stratégie syndicale.

C'est exact. Et en l'occurrence il faut toujours rappeler les vertus, souvent négligées voire contestées, du système collectif de protection. Ce qui arrive à tout « autre » peut un jour m'arriver à « moi ». Et c'est ce qui justifie que « je » ne laisse pas « l'autre » dans la solitude de son drame (professionnel, familial, de santé) et à l'abandon, que l'on construise ensemble un système pour protéger celui que de tels accidents frapperaient. Simplement, ce modèle collectif doit être réinventé pour que la situation personnelle des individus, de plus en plus éclairés et mobiles, puisse être écoutée et que l'on personnalise les réponses.

Libérer les conditions d'exercice du travail, affranchir cet exercice du travail de certaines normes, contraintes, punitions - qui par ailleurs alimentent la suspicion et entravent la dynamique d'embauche -, n'est-il pas une condition à la revitalisation de la « valeur travail », au « goût du travail » ?

Si c'était le cas, nous le saurions déjà ! Et puis, la flexibilité n'est-elle pas déjà extrêmement présente ? Mesures pour faciliter les licenciements, assouplissement des obstacles, contrats précaires : n'est-ce pas au nom de la flexibilité que les entreprises peuvent profiter de cet éventail de mesures ? La flexibilité n'est pas ennemie du travail, ni même de « qualité de vie au travail » ; en revanche, elle doit être encadrée et limitée, y compris dans l'intérêt des employeurs. Ces derniers calculent-ils en effet ce que l'accumulation de contrats précaires suscite, chez le salarié, de sentiment d'être déconsidéré, et donc de désinvestissement ? Comment ne pas voir l'ensemble des autres risques que fait naître la précarité sur la qualité du travail, sur l'innovation ?

La bataille pour un nouveau modèle de développement passe par la qualité, donc suppose de maîtriser les effets de la flexibilité sur les personnes, pour les sécuriser et leur permettre de prendre des risques, mais aussi pour les entreprises qui doivent maîtriser les risques associés au recours irresponsable à la flexibilité ou à la sous-traitance. Politiques et patronat sont en recherche incessante d'une « martingale », qui n'existe bien sûr pas. Qu'ils s'emploient plutôt à mettre en place une organisation qui profite équitablement aux intérêts économique - de l'entreprise - et humain - des salariés -, une organisation qui assure écoute, coopération, autonomie et créativité, une organisation qui exhorte le management à être « autre chose » que le rouage de décisions prises de façon opaque par sa direction, une organisation qui se nourrisse du dialogue, dont le corps social se sente responsabilisé et comprenne le sens du travail. Cela vaudrait, pour l'entreprise, bien plus que les dispositifs de flexibilité extrêmes !

Quant aux normes, chaque fois que l'inventivité humaine crée une manière plus efficace de remplir le même objectif, bien sûr les règles doivent être changées, dans une démarche d'amélioration continue. Mais ce qui gêne le patronat, c'est, dit-il, que les normes ont pour objet d'empêcher et de punir. Eh oui, elles sont contraignantes, mais c'est leur nécessité et leur utilité mêmes ! Et c'est ce qui leur permet de protéger.

Mais d'autres principes nourrissent le « goût du travail » : l'audace, le risque, l'instabilité et même, donc, la précarité. Notamment au sein de la CFDT, le terme de « sécurisation » - des emplois, des parcours professionnels - est au cœur des revendications. Et cela interpelle : toute précarité du travail est-elle condamnable ? Ce dogme n'incite--t-il pas à « figer » alors que le monde contemporain et nombre d'aspirations individuelles sollicitent la mobilité ? Ne contribue-t-il pas à la chasse, délétère, au « risque », qui pourtant peut être noble et est inhérent au « plaisir » du travail ?

(...) Mais n'est-ce pas lorsqu'on est en sécurité qu'on se met le plus volontiers en risque ? Cette règle ne vaut-elle pas pour beaucoup ? La sécurisation permet de prendre le risque d'être mobile puisque dans le même temps elle assure de pouvoir se reconvertir ou de se réorienter en cas d'échec. Les citoyens ne sont pas égaux, ils ne disposent pas des mêmes chances (dès la naissance) ni des mêmes ressorts (intrinsèques, familiaux, sociaux, éducationnels, culturels, financiers) pour affronter et franchir chaque écueil de l'existence.

Et la réalité du travail n'y échappe pas - ce qui explique d'ailleurs que deux individus placés dans les mêmes conditions professionnelles n'éprouvent pas la même perception de bien ou de mal-être. Cette immense variété, la société doit absolument en tenir compte dans ses « choix ». Elle n'est pas uniquement composée de gagnants et de loups, heureusement. Elle doit être bienveillante avec ceux qui ne le sont pas.

Or la réalité est tout autre : ligotée aux règles de compétitivité et de conquête, d'adversité et de réussite, enivrée dans la spirale de l'« ultra » - concurrence, efficacité, réactivité, immédiateté, rendement, etc. -, cette société semble de moins en moins disposée à considérer les faibles, c'est-à-dire à les reconnaître dans leurs défaillances comme à mettre en lumière leurs singularités. Y compris en entreprise...

De la négligence au rejet, ce que la société des vainqueurs réserve aux plus fragiles est extrêmement inquiétant. Les formes que prend cette stigmatisation sont multiples, d'ordre à la fois individuel et collectif ; elles débutent par l'ignorance pour les mendiants auxquels le quidam ne prête ni un bonjour ni un regard lorsqu'ils font l'aumône. Elle se poursuit au sommet de l'État, défaillant même sur la pauvreté des enfants. Comment la société peut-elle laisser condamner à l'exclusion une femme, un homme, un enfant, une famille, au motif qu'ils ne se sont pas montrés suffisamment « forts » dans le monde marchand ? Et dans le même temps, ce qui est cohérent, elle sacralise les patrons multimilliardaires, qu'elle espère même voir occuper les plus hautes fonctions politiques. Nous sommes confrontés aux plus folles dérives...

La France est aujourd'hui gouvernée par un Président brillant, énergique, en réussite, et qui incarne « les forts » ; je lui demande publiquement d'être « aussi » le Président des plus fragiles. L'équilibre et l'avenir même de la nation sont à cette condition.

DIALOGUE SOCIAL : TOUT LE MONDE COUPABLE ?

À l'aune des conditions de la négociation collective, de la représentativité et de l'audibilité faibles des partenaires sociaux, des tentatives d'arraisonnement par le pouvoir politique, de la pauvreté des dispositifs et des lois qui ont pu en résulter, situez-vous le « moment contemporain » dans l'histoire du dialogue social comme l'un des plus sombres ?

Cette dernière décade, à plusieurs reprises, de l'espace a été laissé à la négociation. Il est ressorti beaucoup de positif, de droits nouveaux pour les travailleurs. Et parfois des blocages, souvent dus au comportement inadmissible du patronat - et non des chefs d'entreprise, pour lesquels j'ai du respect -, qui n'a pas fait preuve de responsabilité sur des sujets aussi fondamentaux que l'intérêt des entreprises, les enjeux sociétaux, les progrès managériaux et organisationnels, le bien-être au travail, la formation, l'égalité femmes-hommes, etc.

Nous nous sommes engagés en faveur du pacte de responsabilité parce qu'il était nécessaire que l'emploi des marges nouvellement restaurées fasse l'objet de concertation entre les partenaires sociaux. La Nation consentait un sacrifice justifié parce que les entreprises souffraient, et attendait en échange que patronat et syndicats utilisent cet effort financier pour préparer l'avenir. Qu'il s'agisse d'investissement, d'embauche des jeunes, d'apprentissage, de conditions de travail, très peu de branches se sont mobilisées, très peu d'idées ont été émises par un interlocuteur patronal hostile au compromis, confiné dans une double posture de « pleureur » et de « lobbyiste ».

En étant ainsi responsable d'occasions manquées, en se repliant sur ses réflexes traditionnels et en adoptant une stratégie populiste, en cultivant son obsession pour un monde aux ordres de la seule rentabilité - ce en quoi, d'ailleurs, une partie de ses adhérents ne se reconnaît plus -, il a fait la démonstration de son mépris pour le dialogue social et la démocratie sociale, et n'a pas été à la hauteur de l'histoire.

Ce comportement stimule chez certaines organisations syndicales de salariés le recours à une radicalité et à une lutte des classes que je soupçonne nombre de dirigeants du Medef d'espérer secrètement, et qui est perdante d'une part pour les travailleurs, d'autre part pour la démocratie elle-même. Que le patronat n'entende pas que le syndicalisme réformiste prend la main en France et ne se saisisse pas de cette opportunité est consternant.

Mais les responsabilités ne sont-elles pas bien davantage partagées ? Le Medef serait-il seul à rejeter la recherche du compromis, d'un dialogue constructif et innovant ? Comment nier que l'orthodoxie, parfois même le sectarisme idéologique de courants syndicalistes, contribuent à ankyloser la dynamique patronale de négociation ?

Je ne suis pas un adepte de la lutte des classes, mais il existe toujours - et heureusement ! - un conflit de logiques et d'intérêts, et c'est au dialogue social de lui donner une issue fructueuse. Un dialogue social qui exige des parties prenantes qu'elles soient courageuses et responsables pour qu'à la stratégie si confortable des boucs émissaires et du statu quo s'impose celle, progressiste, de l'accord. Alors, oui, c'est plus difficile, oui, cela exige de préférer l'ouverture au repli, le risque à l'immobilisme, oui, cela implique de regarder avec objectivité la réalité des situations plutôt qu'avec dogmatisme le rêve d'un idéal inatteignable. Mais c'est à cette condition que l'on « solutionne le présent », que l'on « anticipe l'avenir ». Et que l'on fait prospérer une culture du compromis qui, effectivement, n'est pas naturelle chez la plupart des organisations syndicales de salariés.

Il est incontestable que les deux acteurs traditionnels du dialogue social sont aujourd'hui questionnés. La loyauté de l'employeur à l'égard des salariés, sa volonté réelle de remplir son rôle, la crédibilité de sa stratégie, sont auscultées en permanence. La sincérité de son intention lorsqu'il interroge les salariés est vue avec suspicion et nombreux sont les cas où les salariés refusent de se saisir des réseaux sociaux d'entreprise. Cette dernière ne semble considérée « que » comme un lieu de passage capable d'offrir une mission intéressante, elle n'est plus le lieu d'un apprentissage ou d'une carrière. Bien sûr, les syndicats sont eux aussi questionnés. La tentation de court-circuiter le dialogue social ou de le vider est permanente. Certains patrons imaginent qu'un dialogue direct, un sondage en ligne, valent davantage qu'un processus de concertation avec les organisations syndicales. Il s'agit là d'une erreur profonde, d'une confusion des temporalités contre lesquelles représentants du patronat et des syndicats doivent se dresser. Car le jour où l'administration et l'entreprise vacilleront ou seulement suffoqueront, ce n'est pas du sondage en ligne que naîtra la confiance pour reconnaître les difficultés et trouver des solutions.

Qu'attendez-vous du successeur de Pierre Gattaz à la présidence du Medef ?

Une vision et une méthode très différentes, en faveur notamment d'une conception du travail qui ne soit plus seulement « coût », mais richesse, épanouissement, responsabilisation, partage. Le travail, cruellement absent du débat social autant que public, pourrait être un excellent sujet « d'entrée » dans une nouvelle ère de négociation et de construction entre patronat et syndicats. J'attends aussi qu'il ou elle énonce une vision moderne du dialogue social en tenant compte de l'évolution du syndicalisme.

La reforme du code du travail redonne confiance, dit gattaz

Vous êtes sensible à distinguer les « patrons » du « patronat ». D'aucuns parmi les premiers prennent leurs distances avec des instances dites représentatives dont ils se lassent des turpitudes politiciennes et de l'insuffisante « épaisseur », et en lesquelles leurs problématiques, leurs aspirations, leurs confrontations à la réalité et leur idéal d'entreprise ne trouvent pas toujours de réceptacle. Des entreprises développent des politiques RSE ambitieuses, prennent des engagements sociétaux significatifs, pratiquent une philanthropie audacieuse ou favorisent le mécénat de compétences. N'est-il pas temps « aussi » pour les syndicats salariés de les reconnaître ?

Toute caricature est affreusement réductrice, et il est en effet incontestable que partout en France entreprennent, risquent des chefs d'entreprise qui méritent le respect. Respect parce qu'ils s'engagent personnellement et engagent leur société, minuscule ou immense, de proximité ou internationale, sur la voie du progrès. Ces patrons modernes sont conscients que l'environnement et le climat comptent, que la cause du travail et des salariés compte, que les transformations phénoménales issues du numérique comptent, que la qualité de l'organisation compte... et, pour tirer profit de ce contexte, qu'une gouvernance, qu'un management et qu'un dialogue respectueux et participatifs doivent être mis en œuvre. Ces patrons, chaque semaine, lorsque je vais à la rencontre des militants CFDT, je discute avec eux. Et c'est avec eux que les représentants des salariés peuvent bâtir des relations et des projets d'entreprise fructueux. Quelle part représentent-ils dans la famille patronale ? Je l'ignore.

Pour qu'il y ait dialogue social, l'enjeu du travail doit être considéré dans l'exhaustivité de ses parties prenantes. Un syndicat est focalisé sur la cause des salariés, mais celle des chefs d'entreprise est elle-même essentielle s'il est espéré que la qualité du travail progresse « pour tous », équitablement. Ces chefs d'entreprise composent une mosaïque bigarrée, et « leur » réalité est « aussi » celle de la fragilité, d'horaires de travail considérables, de revenus modestes, d'une grande précarité, d'une déconsidération étouffante au sein de la société, de cas, nombreux, de mal-être, de burn out et de suicides. Leur situation est absente des réflexions que poursuivent vos travaux et votre stratégie programmatique. N'est-il pas possible de dépasser cette dichotomie ?

Au sein de la CFDT, nous savons que beaucoup d'entrepreneurs osent, investissent, innovent, essaiment, créent de l'emploi. Il n'y a là aucune ambiguïté. En revanche, qu'on ne fasse pas aux organisations syndicales de salariés un procès qui concerne leurs alter ego du patronat ! Tout comme nous-mêmes devons adapter le mieux possible notre « offre » aux demandes des travailleurs, le patronat doit radicalement changer d'attitude s'il veut appréhender les besoins de ses adhérents. Si ceux-ci se sentent seuls, insuffisamment compris, otages de revendications (fiscales, politiques) si éloignées de leurs véritables problématiques, en manque de services concrets, qu'ils le fassent savoir à leur organisation ! À ainsi mépriser les sujets si centraux du travail ou de l'objet social de l'entreprise, qui questionnent « aussi » les conditions de vie professionnelle et personnelle des chefs d'entreprise, à ainsi pronostiquer que seule la rentabilité financière motive ses ressortissants, le patronat se met concrètement en marge des réalités. Et en faute.

Le salarié apparaît comme étant toujours la victime de l'employeur, donc de l'entreprise et donc du travail. Tant que les organisations syndicales ne reconnaîtront pas que les employeurs, notamment des TPE-PME, peuvent « aussi » être victimes du manque d'intégrité et d'éthique des salariés, le dialogue social ne sortira pas de ses errements idéologiques, de cette lutte binaire employeur/employé, coupable/victime...

Jamais, au sein de la CFDT, nous avons considéré le salarié comme une victime par nature. En revanche, nous affirmons que l'ensemble des intérêts de l'entreprise et des salariés ne sont pas convergents, et que reconnaître de manière dépassionnée mais réaliste l'existence d'intérêts divergents voire contradictoires nourrit la démocratie sociale. L'enjeu de rentabilité de l'investisseur ou du dirigeant n'est a priori pas le même que l'enjeu d'épanouissement du salarié ; tous trois doivent-ils pour autant se mettre en lutte ? Ne peuvent-ils pas plutôt écouter les motivations respectives, confronter utilement leurs approches et négocier pour que de ces tensions émerge une source sinon de progrès au moins d'efficacité « pour tous » ?

Laurent berger s'en prend a la cgt sur la loi travail

Un salarié cherche à améliorer sa situation sociale mais sait que si l'entreprise est en difficulté, il risque d'être au chômage. Un chef d'entreprise qui vise le profit sait que s'il dédaigne le social, il ne fidélisera pas ses salariés, ne construira pas un projet durable et performant, ne saura pas surmonter les obstacles. Il existe donc bien un espace pour discuter. Si la rentabilité ne doit pas être un tabou pour les salariés, l'épanouissement et la reconnaissance ne doivent pas être un « gros mot » pour les patrons et actionnaires. Travailler à mettre en concordance ces deux items peut être profitable pour tous.

L'équilibre des droits et des devoirs est cardinal si, à propos du travail, on veut éclairer le dialogue entre les parties prenantes. Les droits des uns questionnent ou conditionnent les devoirs des autres. Bien sûr, les salariés doivent avoir des droits, et faire progresser ces droits relève de la « responsabilité syndicale ». Mais cette dernière, y compris pour solidifier la légitimité de ses revendications, n'est-elle pas aussi de rappeler les salariés à leurs devoirs vis-à-vis de l'entreprise ?

Il n'y a pas de droits sans devoirs, et le premier devoir est de respecter la loi et les personnes - ce qui est une condition de la démocratie. Reste qu'à la notion de « devoir », je préfère celle de « responsabilité »...

... et la vôtre n'est-elle pas, par exemple, de vous interroger sur la « véritable » intégrité de certains salariés de la fonction publique une fois l'examen quantitatif du « jour de carence » déchiffré ? Le « jour de carence » généra en 2012, 60,8millions d'économies dans la fonction publique d'État, 63,5millions dans la fonction publique hospitalière et 40millions dans la fonction publique territoriale. Sur une base de 100 en 2008, le niveau d'arrêts de travail d'1 jour dans les collectivités était passé à 130 en 2011 puis à... 49 deux ans plus tard [source Sofcap]. N'est-ce pas la démonstration qu'une partie de la problématique est usurpée ? Pourquoi ne manifestez-vous pas votre condamnation des abus perpétrés par les salariés eux-mêmes, sachant que la traque de ces abus pourrait profiter à une meilleure prise en charge de ceux que le travail « réellement » malmène ?

Les abus convoquent bien sûr chaque « camp ». Mais je m'élève avec force contre votre interprétation des chiffres. Ce « jour de carence » est une mesure d'autant plus inepte qu'elle jette l'opprobre sur les fonctionnaires et ne solutionne absolument rien. C'est une mesure d'économie budgétaire qui se cache derrière un discours accusateur des fonctionnaires. Car de quoi ces chiffres de l'absentéisme sont-ils très clairement le symptôme ? D'un mal-être au travail. Absence de sens, stigmatisation des agents publics : voilà l'origine de la souffrance du personnel concerné, qui de plus est exposé simultanément aux pressions de la société - qui exige des enseignants très compétents, un personnel soignant et des agents territoriaux totalement disponibles, des forces de l'ordre mobilisées pour notre sécurité, un service public omniprésent, etc. -, aux défaillances structurelles du secteur en matière d'investissements et de modernisation (digitalisation insuffisante ou mal menée, etc.) et au déclin continu des moyens.

Ce « jour de carence » induit l'idée, nauséabonde, que sans lui des salariés se mettent en arrêt au gré de leurs désirs. Pense-t-on plutôt à ceux que la réinstauration de cette mesure contraint d'aller travailler alors qu'ils sont malades ? Ce sujet est plus qu'anecdotique : il est extrêmement sensible.

Comment exiger - légitimement - un patronat, un État, des pouvoirs publics exemplaires et le soutien de la société, si soi-même on ne fait pas la démonstration de son exemplarité ? Or, j'insiste : la réalité des arrêts de travail dans la fonction publique territoriale est impressionnante. Depuis 2007, le taux d'absentéisme y a bondi de 26 %, loin des réalités du secteur privé...

La CFDT ne peut qu'être favorable à juguler les abus. Quels qu'ils soient et d'où qu'ils viennent, car de l'application universelle des règles dépend en grande partie la qualité du vivre-ensemble. On ne peut faire valoir ses droits que si l'on respecte ceux des autres. Mais quel est le sens de ce jour de carence si la seule interprétation qui en est faite est budgétaire ? La situation que subit le personnel hospitalier, quelles que soient les fonctions occupées, est dramatique. Que « pèsent » ces 63,5 millions d'euros d'économies face à la détresse de centaines de milliers de personnes, au besoin absolu de considération individuelle, de négociation et de réorganisation collectives, de réflexion sur le sens et la qualité du travail ? Pleinement « oui » à l'amélioration de la performance du service public, clairement « non » à une stratégie « antifonctionnaires ». Un leitmotiv qui vaut aussi pour le sujet, si aigu et tellement d'actualité, du contrôle des chômeurs. Bien sûr, les abus doivent être repérés et sanctionnés, mais tout contrôle doit être aussi et surtout un accompagnement. Un demandeur d'emploi en dépression ne cherche plus activement un emploi. Est-il un fraudeur ?

Vous-même êtes aux commandes d'une entreprise. Qu'il s'agisse de temps ou de conditions de travail, de revendications (salariales, organisationnelles, de pouvoir), de comportements individuels, vous vivez la réalité d'un chef d'entreprise, et savez donc combien les aspirations d'un salarié peuvent se fracasser sur la réalité de la gestion et du management. Comment vivez-vous intimement cet écartèlement ? Quel « patron » pensez-vous être  à la tête de cette PME de trois cents salariés ?

Je suis effectivement au carrefour d'intérêts divergents, et bien sûr, tout ce à quoi j'exhorte les chefs d'entreprise, je me dois de l'appliquer ! Mais c'est une situation que connaissent bien les cadres CFDT. Pour paraphraser un de leurs ouvrages, on peut tout à fait « manager sans se renier ». Je m'efforce de mettre en œuvre les principes de dialogue et de considération - y compris, évidemment, des institutions représentatives du personnel -, de confiance et d'autonomie que je crois fondamentaux pour permettre à l'organisation que je dirige d'être efficace dans sa mission de défense des travailleurs, et créer un lieu où travailler est agréable malgré les urgences.

Certaines décisions sont prises collégialement à la CFDT, et rien n'est dissimulé « sous le tapis ». Même lorsque des comportements répréhensibles réclament des mesures proportionnées. Enfin, je m'emploie à toujours faire preuve de reconnaissance, de respect et de bienveillance. Le regard et la considération qu'il porte sur l'autre, qu'il soit au sommet ou au bas de la hiérarchie, détermine pour partie ce qu'« est » un employeur et la manière dont sa politique est reçue par le corps social.

Votre identité professionnelle est tout de même singulière : l'adversaire des patrons lui-même patron... Cela dépasse la seule « confrontation d'intérêts divergents », et place les « logiciels » philosophiques, intellectuels, même moraux du « défenseur de l'intérêt des salariés » et du « défenseur de l'intérêt de l'entreprise » - même non capitaliste - dans d'indicibles situations...

Cette gestion quotidienne n'est pas toujours aisée, parce que ma nature humaniste intrinsèquement confiante en la nature humaine est mise à l'épreuve par des réalités qui m'imposent de trancher, parfois rudement. Mais le fait d'être un syndicaliste aide aussi. Car pour arbitrer équitablement, il faut dépassionner la relation, en revenir aux principes de ce que l'on peut raisonnablement attendre les uns des autres. Et je n'oublie pas ce que les salariés de la CFDT peuvent attendre de leur employeur. Être militant est une aventure, une responsabilité, un engagement passionnants, génère un rythme de travail important, mais ne doit jamais devenir un sacerdoce ou une fonction sacrificielle. Il faut donc de la mesure et de l'empathie avant de trancher. Cette difficulté, je la surmonte notamment en « partageant » beaucoup autour de moi, et accepter de m'y confronter et apprendre à la gérer a consolidé ma considération des réalités des chefs d'entreprise. Et oblige à être humble. Oui, des leçons qu'apporte la direction d'entreprise, celle de l'humilité est l'une des principales.

Pour autant, ce qui facilite la compatibilité de ces « logiciels » de syndicaliste et de dirigeant, c'est en premier lieu ma considération véritable de l'entreprise. Elle est aux yeux du dirigeant exactement la même qu'à ceux du représentant syndical : une opportunité bien davantage qu'un ennemi, un terrain d'échanges fructueux, enfin le lieu où l'on peut et on l'on doit s'épanouir par le travail.

Comment suis-je perçu ? Je l'espère comme un secrétaire général qui « ne se sert pas » de sa fonction, respecté sans être craint, juste et bienveillant. Mais il faudrait aussi le demander à ceux avec qui je travaille.

En définitive, qu'est-ce qu'un syndicat moderne dans la modernité contemporaine ?

Tout d'abord, il regarde la réalité en face, et trouve les leviers pour créer du progrès. À l'activisme, à la recherche de scandales et de conflits emblématiques pour mettre en scène son combat, au risque de flatter les peurs et d'être populiste, il préfère le dialogue pour améliorer pas à pas la situation de tous, avec fermeté, détermination, mais aussi responsabilité, chaque fois que le vivre-ensemble est en danger, chaque fois que la réalité est complexe et réclame la nuance. Devant les mutations économiques et du travail, il résiste à la tentation de l'opposition simpliste pour trouver des compromis sociaux. Ce progrès, il sait le reconnaître autant qu'en dénoncer les périls. Il se mobilise au quotidien sur le lieu de travail comme en dehors, au plus près des travailleurs pour répondre à leurs aspirations.

La grogne monte chez les militants de la cfdt

Il réfléchit au monde de demain, c'est-à-dire que ses réflexions, ses politiques, ses actions intègrent demain dans la résolution des problématiques d'aujourd'hui. Ses convictions, il les forge dans cette démarche à la fois prospective et anticipatrice, omniprésente. Dans l'incertitude radicale issue de transformations technologiques, économiques, environnementales de plus en plus rapides, il est dorénavant impossible de prédire l'avenir au-delà de quelques années ; c'est pourquoi s'inscrire dans cette logique du futur et pour cela cultiver le dialogue, le débat, la prospective, est encore plus déterminant. L'incertitude appelle des stratégies fermes, donc débattues et partagées.

« L'emploi et le travail changent : c'est le terreau sur lequel la CFDT doit rénover le syndicalisme », -estimez-vous dans un document avant--projet du congrès de Rennes [49e édition, du 4 au 8 juin 2018]. Comment cette réalité doit-elle questionner la réforme endogène de votre propre organisation ?

La construction de notre confédération fait historiquement une place importante aux salariés des grandes entreprises et aux fonctionnaires issus de grandes administrations. C'est vrai de tous les syndicats. Simplement parce que ces travailleurs sont représentés par des militants qui bénéficient de temps syndical, utile pour participer à la vie de l'organisation. Et fort logiquement, ces militants font profiter de cette disponibilité les travailleurs de leurs administrations et entreprises. On a donc une difficulté pour se projeter vers d'autres publics, pour les accueillir. Et pour faire émerger des responsables issus de la diversité des employeurs et des situations de travail, même si tout n'est pas aussi schématique, moi-même étant issu d'une TPE.

Le monde du travail change, et il nous faut aller plus que jamais au-devant des jeunes, des travailleurs des TPE, des free-lances, soutenir les demandeurs d'emploi. Nous devons donc adapter nos pratiques syndicales pour être l'expression de l'ensemble du monde du travail sans en privilégier une partie. C'est là qu'est notre légitimité. Nous le faisons déjà à la CFDT avec des actions ad hoc auprès de ces publics. Nous les intégrons dans nos revendications, en n'oubliant jamais les plus précaires. Mais nous devons faire encore davantage, en érigeant en priorité collective ces fractions parfois désertées du monde du travail. Et j'alerte toutes les organisations syndicales : si nous laissons le syndicalisme devenir l'expression de la seule minorité des travailleurs des grands groupes et administrations, il perdra en pertinence et pourrait disparaître avec eux si le tissu économique change.

Une course contre la montre est engagée ; de notre côté, espérer la gagner exige de réorienter notre stratégie vers des actions proactives de proximité (implantation au plus près des salariés) « soutenues » par la parole nationale, vers la mise en œuvre d'une organisation interne qui fasse la part belle à l'horizontalisation et aux méthodes de coopération permises par la digitalisation. Nous devons miser sur l'entraide, sur la soif de nos militants d'être utiles. Et donner du sens. Au premier rang desquels trônent l'épanouissement et l'émancipation au, par, dans le travail.

LE FRONT NATIONAL, ENNEMI ASSUME

Pour 73% des francais, le pen ne ferait pas une bonne presidente

La « souveraineté nationale dans l'Europe » est l'un des principaux ferments programmatiques du deuxième parti de France selon l'élection présidentielle de 2017: le Front national. Les formations politiques cultivant haine, cloisonnement, repli, phobies multiples (Europe, mondialisation) ont méthodiquement infusé les consciences des militants syndicaux. Ce qui constitue un véritable défi, autant idéologique qu'éthique. Dans ces conditions, continuer de prôner en interne les vertus du dialogue, de l'apaisement, de la bienveillance, c'est-à-dire maintenir une posture morale exigeante, apparaît complexe.

Ce n'est pas contestable, mais, objectivement, la CFDT est nettement moins affectée que d'autres organisations. Cela tient à plusieurs raisons : notre culture du dialogue - antinomique de celle du Front national et, au-delà, des formations politiques autoritaristes - ; notre histoire, qui démontre une mobilisation sans faille pour aller au combat (verbal, bien sûr) contre toutes les dictatures sur la planète ; des « valeurs » auxquelles nous faisons honneur chaque fois que la situation l'exige. C'est ainsi que nous avons obtenu par voie judiciaire l'exclusion d'un élu du Front national se revendiquant de la CFDT parce que les valeurs de ces deux organisations sont incompatibles ; c'est ainsi qu'au soir du premier tour du scrutin présidentiel nous avons été le seul syndicat à appeler publiquement à voter pour Emmanuel Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen. Aucune autre organisation, trop accaparée à respecter des équilibres, des intérêts, des zones d'influence internes, ne s'est ainsi prononcée. Cela nous a valu des témoignages de soutien, mais aussi nous a coûté des attaques sur les réseaux sociaux alimentés par des militants du FN comme de la France insoumise.

Ce silence des organisations syndicales cristallise-t-il, à vos yeux, une « faute morale lourde » ?

Incontestablement. La situation de 2017 n'était pas celle de 2002. Entre-temps, « beaucoup » du substrat idéologique du FN s'est diffusé subrepticement dans les raisonnements. Décider d'une prise de parole au soir du premier tour n'a pas nécessité d'importants débats en interne. J'ai toujours indiqué que je ne serais pas le secrétaire général coupable d'entacher l'histoire de la CFDT, j'ai toujours affirmé que jamais rien ne pourrait justifier de transiger sur nos valeurs, j'ai donc simplement assumé mes convictions profondes, mes responsabilités, quelle que soit l'ampleur des ripostes. Lesquelles prenaient la forme d'agression et de caillassage de nos locaux au soir même du premier tour.

Dans l'ADN de la CFDT figurent les combats en faveur de la démocratie, de la liberté syndicale et du respect des droits fondamentaux - ces derniers qui que l'on soit : femme, homme, blanc, noir, pauvre, riche, jeune, retraité, etc. C'est notre ciment, notre charpente. Et il est vrai qu'ils sont davantage mis en tension, donc en fragilité, par les soubresauts intellectuels, culturels, sociologiques, technologiques caractéristiques de notre époque. Dans ce cadre, d'ailleurs, assurer la défense des intérêts à la fois de cadres de très haut niveau dans les high-tech, de fonctionnaires de catégorie C et d'ouvriers d'une PME de la métallurgie, s'apparente à un grand écart inédit.

Faire vivre ces tensions afin qu'en émerge non le repli, mais l'ouverture, non la peur, mais le progrès, non la fragmentation, mais la solidarité, nécessite confrontation d'idées, débats interne, exigence démocratique. Également cohérence entre ses convictions, ses discours et ses actes, et accomplissement des engagements. Et c'est parce que nous nous imposons cette règle de fonctionnement que nous sommes légitimes à dénoncer ceux qui la bafouent. Pour autant, soyons lucides : cela réclame beaucoup. Beaucoup d'énergie, d'exemplarité, d'éthique et de discipline, afin que toujours le dialogue s'impose au rejet, la négociation à la rupture, la nuance à l'outrance - l'un des pires poisons de la démocratie.

EMMANUEL MACRON? JE T'AIME MOI NON PLUS

Laurent berger (cfdt) reclame plus de social a macron

De ce qu'Emmanuel Macron et le gouvernement entreprennent depuis qu'ils sont aux commandes, qu'est-ce qui fait écho ou dissonance aux vœux de la CFDT ?

Notre indépendance et notre liberté ne peuvent être aucunement contrariées par l'identité du président de la République, du Premier ministre, du ministre du Travail ou des parlementaires. Aucun changement politique, aussi profond puisse-t-il être, ne peut nous dévier de notre sillon ou corrompre notre vocation et nos valeurs - quand bien même, évidemment, notre action est concrètement impactée par le contexte politique et institutionnel. Ce pouvoir en place depuis la fin du printemps 2017 est-il bon, médiocre, mauvais ?

Le président de la République fait preuve de volontarisme et déroule son programme. Jusqu'à un certain point, cela correspond à une attente des Français. Son action internationale et en particulier européenne nous honore. Cela n'a pas toujours été le cas.

En revanche, la CFDT a dénoncé certaines mesures. Réduction des contrats aidés, pourtant vitaux pour l'accès à l'emploi et pour le lien social, diminution des allocations personnelles au logement, politique contestable vis-à-vis des migrants, affaiblissement de la rémunération des fonctionnaires et des agents publics faute de compensation suffisante de la hausse de la CSG... Mis en perspective des suppressions de l'impôt sur la fortune et de la progressivité de l'impôt sur le capital, ce tableau témoigne d'une politique déséquilibrée. Les Français sont suffisamment mûrs, clairvoyants, responsables, pour comprendre la nécessité d'efforts. À condition qu'ils fassent l'objet d'un partage égalitaire.

Le gouvernement a ajouté dans le texte des ordonnances Travail, sans en avoir débattu avec les organisations syndicales, un nouvel objet, la rupture conventionnelle collective, qui leur a été présenté comme un outil pouvant servir « au rajeunissement des pyramides des âges des entreprises », euphémisme pour signifier qu'il peut devenir rapidement un levier de discrimination des seniors. La flexibilisation du licenciement ne créera pas d'emploi ; est-elle viable sans qu'en contrepartie une véritable sécurisation des personnes et une gouvernance renouvelée de l'entreprise lui soient associées ? Notre système social doit viser un objectif précis : mieux couvrir ceux qui le sont peu sans dégrader les droits de ceux qui en bénéficient déjà. La résolution de cette équation n'est certes pas aisée, mais les pouvoirs publics doivent s'y employer*.

Le « style » politique d'Emmanuel Macron, censé incarner un subtil équilibre d'autorité et de considération, censé mettre en lumière « l'accomplissement de soi » et « la contribution aux autres », semble se refléter inégalement dans l'exercice du dialogue social...

La « part » réservée à la concertation dans la préparation des ordonnances sur le travail ou sur la formation a été réelle, mais pas toujours ouverte. Et les organisations syndicales sont parfois insuffisamment sollicitées et entendues sur des sujets fondamentaux à l'appréhension desquels leur contribution est pourtant précieuse : environnement, politique industrielle, numérique, etc.

Des autres inquiétudes qu'il suscite, je retiendrai en priorité le thème de la bienveillance : pendant la campagne, Emmanuel Macron avait éveillé beaucoup d'attentes, aujourd'hui déçues. Qu'il s'agisse d'immigration, de pauvreté, de considération des plus vulnérables, la déception est forte. Or une société ne se résume pas « aux gagnants qui ont réussi », elle n'est en progrès que lorsqu'elle est investie socialement, reconnaît les souffrances et les sentiments d'invisibilité, et travaille à aider les citoyens fragiles. Les Français attendent de l'action, mais aussi du respect. Du respect pour eux-mêmes, pour leurs difficultés.

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Commentaires 10
à écrit le 03/08/2020 à 14:08
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les syndicats francais ne representent qu'eux memes, meurs interets ( chateaux, argent de la formation, places pour les copains dans les ce, etc) , et une poignee de rentiers de la fonction publique......... publiez la sociologie des syndicalistes, ...

à écrit le 07/04/2018 à 12:16
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Interview très charpentée et très intéressante. Un regret cependant : Au delà des intérêts parfois contradictoires des salariés et des dirig...

à écrit le 06/04/2018 à 12:13
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Sujet intéressant, car des changements majeurs sont en cours, remettant en effet en question l’équilibre de nos sociétés. Pour le moment, vu comment est gérée la réduction du travail salarié et la transition vers la robotisation, on devrait parler de...

à écrit le 05/04/2018 à 17:06
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Laurent Berger, ce n est pas ce triste sir qui à aide Macron à brader la code du travail pour mieux précariser les salariés du prive ? On voit le résultat, des successions de PSE avec des conditions de départs sous évalués.

le 05/04/2018 à 18:19
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Sans oublier les RCC : Rupture Conventionnelle Collective

à écrit le 05/04/2018 à 17:05
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Grèves 1995: le point de vue de Nicole Notat et de la CFDT https://www.youtube.com/watch?v=iqzHbg0ZpLc

à écrit le 05/04/2018 à 16:44
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"c'est ainsi qu'au soir du premier tour du scrutin présidentiel nous avons été le seul syndicat à appeler publiquement à voter pour Emmanuel Macron afin de faire barrage à Marine Le Pen". Tiens, encore un qui dit que ce n'était pas sur le programm...

à écrit le 05/04/2018 à 13:37
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Une chose est certaine, Macron se fiche complètement de ce que pense Laurent Berger....Macron est là pour servir les intérêts de la caste....alors les petits problèmes de la piétaille laborieuse....:)

le 05/04/2018 à 14:02
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Ce matin face à Bourdin il à préparer son retrait de la gréve . Sera t il suivi , par la fédération cfdt des cheminots ? Je crains pour lui un démasquage , et un avalement de chapeau .

à écrit le 05/04/2018 à 11:26
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Hé oui, si vous voulez parler du travail c'est pas avec un politicien qui ne fait ne fait jamais rien ou bosse pour ceux qui ne font jamais rien, à savoir les rentiers, et peut de ce fait difficilement parler de travail. En effet il est une vérité...

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