La fin de l'âge d'or des ordonnances sur requête pour lutter contre la concurrence déloyale ?

Alexis Chabert, avocat associé chez Delsol Avocats revient sur les ressors permettant de lutter juridiquement contre la concurrence déloyale, particulièrement l'ordonnance sur requête.

Nos cabinets spécialisés en contentieux des affaires sont très souvent sollicités sur des problématiques de concurrence déloyale, notamment liées au départ d'anciens salariés qui décident de créer une structure concurrente. La jurisprudence de la Cour de cassation rappelle pourtant, depuis des décennies maintenant, que la concurrence faite par d'anciens employés est autorisée, sauf s'il est démontré des agissements déloyaux ayant pour objet de capter illicitement la clientèle d'autrui (dumping systématique des prix, utilisation d'un ancien carnet d'adresses, dénigrement).

Ordonnance sur requête et abus

Les tribunaux exigent donc aujourd'hui des éléments de preuve directs des agissements déloyaux. C'est à ce stade que les plaideurs mettent en œuvre des procédures dites d'ordonnance sur requête, au visa de l'article 145 du Code de procédure civile. Cette disposition permet, avant tout procès au fond, de solliciter l'autorisation du président du tribunal de faire diligenter des mesures de saisies documentaires à l'aide d'un huissier de justice accompagné d'un expert informaticien et de la force publique.

Ces mesures non contradictoires, ne nécessitant pas que l'adversaire soit prévenu, se sont avérées très efficaces mais ont conduit à certains abus. La Cour de cassation a réagi en restreignant de manière stricte sa jurisprudence, en jugeant notamment aux termes d'un arrêt du 19 mars 2015 qu'une ordonnance ayant permis des saisies documentaires devait être rétractée si la requête était muette sur les circonstances justifiant qu'il soit procédé non contradictoirement.

Non-disparition des pièces

Cet arrêt semble donc interdire des clauses de style pour imposer, au contraire, une argumentation étayée. Cette exigence formaliste est critiquable, car il est bien souvent évident que prévenir son adversaire que l'on souhaite venir saisir des éléments de preuve, c'est risquer de les voir disparaître.

Cette position a cependant été confirmée par la Cour d'appel de Lyon, dans deux arrêts du 28 mai 2015 et du 21 janvier 2016, qui a jugé qu'une requête lapidaire sur la nécessité de procéder par voie non contradictoire ne suffisait pas à justifier la mise en œuvre de ces procédures d'exception.

Si le risque est d'éviter des procédures abusives, il semblerait pourtant que la pratique de certains tribunaux qui autorisent la saisie, mais ordonnent le séquestre des documents, soit plus efficace, puisqu'il permet non seulement de garantir la non-disparition des pièces, sans pour autant permettre l'appréhension de celles-ci sans débat. Si les plaideurs vont bien évidemment adapter leur pratique, ces jurisprudences récentes conduisent à une certaine insécurité juridique en permettant l'annulation de saisies documentaires sur la base de ces nouveaux critères. Ces mesures non contradictoires demeureront cependant toujours un moyen efficace pour défendre un marché attaqué de manière illicite, ne serait-ce qu'en raison de leur caractère invasif et déstabilisant.

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