Innovation et formation : un duo à réinventer ?

Par Gilles Sabart  |   |  506  mots
Terreau de compétitivité, l'innovation trouve notamment ses racines dans la formation. Si les cursus en sciences "dures" sont souvent plébiscités, quid, dans nos processus d'innovation, dans nos formations aux autres matières, des sciences dites "molles" ? Par Gilles Sabart, docteur en droit public, directeur régional Sud-Est Alixio.

Dans ses buts, la question de la formation divise. Certains considèrent qu'elle doit être orientée de manière directe et entière vers un emploi identifié. D'autres soutiennent que former permet de donner des cartes pour s'adapter aux enjeux des emplois présents ou futurs. La vérité est certainement entre les deux.

Fertilisation croisée

Il faut toutefois envisager la question de la formation et de son apport à l'innovation sous deux aspects. Dans nos pays occidentaux, d'abord, l'innovation est l'outil qui nous permet de faire la différence dans un contexte de mondialisation. Elle est surtout fondée sur les sciences de l'ingénieur et nos écoles sont parmi les meilleures mondiales.

En effet, quand on parle d'innovation, on pense très souvent à l'innovation par l'apport des sciences dites "dures" : chimie, physique, mathématiques, génie civil, mécanique, informatique, etc. Le second aspect de l'innovation serait le modèle Silicon Valley, cette alchimie entre écoles, startups et territoires organisés en filières comme le sont les pôles de compétitivité français. En effet, l'innovation a besoin, pour fonctionner, de fertilisation croisée avec toutes les ressources du territoire.

Apple démontre l'importance des sciences "molles"

De ces deux aspects, la question de fond qui se pose est la suivante : quid, dans nos processus d'innovation, dans nos formations aux autres matières, des sciences dites "molle" (droit, psychologie, anthropologie, sociologie, sciences politiques). Les enjeux sont pourtant énormes.

En amont, elles sont le moteur qui permet d'agréger les initiatives, de les mobiliser, de faire travailler ensemble des profils différents. En aval, elles procurent de l'efficacité : peut-on aujourd'hui affirmer que l'on ne tient pas compte des impacts d'une usine chimique et de ses effets sur l'acceptabilité de la population ? Peut-on dire aujourd'hui que le sentiment d'insécurité a disparu dans nombre de domaines ? Cette perception doit-elle demeurer dans un champ de l'irrationnel ? N'existe-t-il pas des outils pour la combattre ? Peut-on dire aujourd'hui que la surinformation liée à Internet ne change pas nos modes de consommation ?

Former participe à la culture d'innovation

Le modèle Apple n'est pas technologique - il n'a pas de supériorité sur ses concurrents -, il est psychologique : procurer un bien dont le service est d'interfacer la technologie avec la psychologie du consommateur, de lui rendre la technologie plus facile et utile. Il est même anthropologique : procurer un bien qui permette au consommateur d'atteindre ses différents univers, de les nourrir dans sa vie mobile. Il est en outre sociologique : permettre de constituer des modes de fonctionnement de groupe. Il est enfin juridique : le droit à l'image, à sa vie privée, se pose fortement.

En bref, former participe à la création d'une culture de l'innovation, constitue une capacité à donner aux entreprises, aux institutions, des outils de progrès économiques ou sociaux, mais à condition qu'innovation et formation soient en mode ouvert sur leur environnement extérieur et qu'elles organisent la relation entre sciences dures et dites "molles". N'est-ce pas le meilleur moyen de se procurer un avantage concurrentiel ?