Intelligence artificielle :  rêve ou cauchemar pour l'humanité ?

Jamais, entre 30 ans d'existence, la recherche sur l'intelligence artificielle (I.A.) n'a fait autant de progrès que ces 5 dernières années. De plus en plus performante, elle fait une percée remarquée dans les entreprises, y compris dans celles traditionnellement épargnées par la robotisation. Comment cette innovation majeure modifie notre quotidien actuel et à venir ? Faut-il y voir un moyen de réaliser tous nos rêves, même les plus fous, ou au contraire, se déconnecter dès à présent pour éviter le pire ? Qu'en pense les industriels, les scientifiques et les écrivains ?  Éléments de réponses avec Nicolas Sekkaki, président d'IBM France, Jean-Claude Heudin, professeur et chercheur en intelligence artificielle et Catherine Dufour, informaticienne et écrivaine extraits d'une conférence organisée ce mardi 11 juillet à Lyon par Acteurs de l'Economie-La Tribune en partenariat avec le CIC - Lyonnaise de Banque.

La notion même d'intelligence artificielle prête à débat. Comment la définir ?

"L'IA, c'est donner à une machine la capacité d'apprendre. Elle le fait à partir d'une succession répétée, et très nombreuse, d'images données. Grâce à la combinaison du big data et à l'augmentation des capacités de calcul, on a pu accélérer les apprentissages. Mais la machine ne comprend pas comme nous, elle vit dans un monde de données, nous dans le monde réel. Ce n'est pas le même type d'intelligence, c'est juste une boite à outils d'algorithmes, un ensemble de bloc technique pragmatique qui réalise une tâche. Elle est juste meilleure que le cerveau humain dans certains domaines. L'ordinateur pense 3 millions de fois plus vite que le cerveau humain. Mais il n'a pas une once de conscience. C'est toute la différence", Jean-Claude Heudin, professeur et chercheur en intelligence artificielle.

"Utiliser le terme d'intelligence artificielle peut sous-entendre que c'est un artifice qui va remplacer l'intelligence humaine. C'est un mot trompeur. On s'adresse seulement à une partie de l'intelligence mathématique ou géométrique capable de reconnaître une émotion, mais en aucun cas de raisonner en terme d'émotion. Je préfère parler d'intelligence augmentée : il s'agit d'aider l'homme dans les tâches qu'il ne peut plus faire", Nicolas Sekkaki, président d'IBM France.

CIC IA 2

(Crédits : Emmanuel Foudrot/ADE)

Quelles sont les applications actuelles de l'IA ?

"IBM mène depuis plusieurs années un programme de recherche baptisé Watson. Nous l'avons d'abord développé pour la médecine. Watson est capable d'assister le médecin dans son choix de traitement. Dans 30 % des cas, il propose un traitement auquel le praticien n'a pas pensé. Il est aussi capable, en analysant les chansons à succès, de composer un titre qui se classera dans les meilleures écoutes très rapidement. Ou, selon la même méthode, inventer des recettes de cuisine. Watson arrive aussi dans la banque (NDRL : le CIC déploie actuellement le système). C'est un véritable assistant personnel", Nicolas Sekkaki.

"L'IA, c'est aussi du marketing prédictif. Amazone peut prédire ce que vous allez acheter dans 6 mois, grâce à la mémoire et à la capacité de traitement", Catherine Dufour, informaticienne et écrivaine.

"C'est vrai dans l'idée, mais l'horizon de prédiction reste assez court. L'environnement est encore trop complexe. Mais ce qui est sûr, c'est ce que l'on considère comme de l'IA aujourd'hui ne le sera probablement plus demain.
Une idée reçue : penser que la machine ne peut pas créer. Des expériences ont été menées, elle peut tout à fait créer une œuvre originale à partir d'une population de tableaux qu'elle a apprise", Jean-Claude Heudin.

L'intelligence artificielle va-t-elle remplacer l'homme au travail ?

"Les pays qui ont adopté les robots ont encore des ouvriers et une économie compétitive. Ils ont remplacé certaines activités tout en se développant mieux. L'IA est un outil d'aide à la décision, l'homme est augmenté par la machine pour devenir plus efficace. La machine peut se tromper, mais elle ne ment pas. Elle oblige à sortir de sa zone de confort, car elle n'a pas de zone de confort", Nicolas Sekkaki.

CIC IA 3

(Crédits : Emmanuel Foudrot/ADE)

"Il y aura forcément un impact sur le travail, en lien avec l'évolution des métiers. Mais je ne pense pas qu'elle fasse disparaître des pans entiers de l'économie. Il nous faudra accompagner la transition", Jean-Claude Heudin.

"Il ne faut pas oublier que d'ici 20 ans, on estime que 20 à 40 % des cols blancs seront remplacés", Catherine Dufour.

Peut-on produire une intelligence artificielle "éthique" ?

"Si vous voulez y échapper, il vous faut vous déconnecter de tout. Et dès maintenant. Elle sera envahissante. Elle nous impacte déjà. Et ce n'est que le début. 
Par contre, on peut s'y engager avec un certain nombre de valeurs. Nous prônons la transparence : qui a formé la machine ? avec quelles données ? Nous sommes également attentifs à la propriété intellectuelle", Nicolas Sekkaki.

"On peut aussi encourager à limiter son utilisation. Quoi qu'il en soit, il faut effectivement introduire ces questions. L'éthique est surtout dans la tête de la personne qui utilise l'outil", Catherine Dufour.

"L'IA, c'est un peu "La Force" dans Star Wars. Il y a un côté lumineux et un côté sombre. Il y a des utilisations valorisantes et d'autres critiquables. Cela entraîne des débats citoyens qui peuvent être utiles. 
Néanmoins, l'éthique doit être présente dans la tête des développeurs. Il faut être conscient de ce que l'on est en train de faire. Et être transparent sur la manière dont on apprend à la machine", Jean-Claude Heudin.

CIC IA 4

(Crédits : Emmanuel Foudrot/ADE)

In fine, l'intelligence artificielle, plutôt rêve ou cauchemar ?

"Dans l'imagerie populaire et la science-fiction, on la désigne comme la fin de l'humanité. C'est très anxiogène. On projette nos angoisses sur l'IA. Pourquoi vouloir faire qu'elle nous tue ? Cela n'a pas de sens. On prédisait les voitures volantes en l'an 2000, je n'ai vu ce jour-là que des trottinettes passer dans ma rue. Je suis plus préoccupée par les problèmes environnementaux que par le développement de l'intelligence artificielle", Catherine Dufour.

"Deux clans s'opposent, y compris chez les scientifiques, avec une vision positive ou négative. Certain y voit l'immortalité et la fin de tous nos problèmes, d'autre la fin de l'humanité. Cela dépend de beaucoup de paramètres", Jean-Claude Heudin

"L'IA n'a de limites que celle de notre imagination", Nicolas Sekkaki.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.