Une époque formidable : il faut y croire !

Bien plus qu’un "simple" festival d’idées : l’opportunité pour les spectateurs de se confronter aux expertises, convictions, combats que viendront partager Boris Cyrulnik, Anne-Sophie Pic, Isabelle Delannoy, Jean-François Delfraissy, Clara Gaymard, Thomas Huchon, Christine Janin, Axel Kahn, Étienne Klein, Geraldine Muhlmann, Pascal Perrineau, Pascal Picq, Dorie Bruyas, Jean Viard et Pierre Rabhi. La 4e édition du Forum Une époque formidable (Lyon, le 7 octobre au Théâtre des Célestins) aspire, plus que jamais, à réveiller et bousculer les consciences.
(Crédits : Laurent Cerino / ADE)

C'était il y a un mois. Dans un entretien au Monde, Arnaud Montebourg "la" disséquait, et lui promettait la fin : "Elle" signifie "explosion des inégalités, destruction des ressources naturelles, dérèglement climatique, appauvrissement des classes moyennes, colonisation numérique par les empires chinois et américains, concurrence effrénée dominée par le plus anti-social et le plus anti-environnemental", elle est, pour ces raisons, "déloyale, instable et terminée".

Le même jour, en visite à Madagascar, François "la" blâmait, "elle" qui provoque "l'accaparement des ressources aux mains de quelques-uns, la marginalisation croissante des plus pauvres, la corruption des élites, le pillage des ressources naturelles, l'appauvrissement culturel des peuples".

"La", "elle" : ces deux pronoms personnels, que désignent-ils dans la bouche de l'ancien ministre de l'Economie et du pape ? La mondialisation.

Un terme qui cristallisa la planète politique, sociale, idéologique dans les années 80 et encore 90, et qu'on croyait, depuis, définitivement assimilé, au point qu'en 2019 l'employer peut sembler suranné. Et pourtant, cette concomitance n'est pas un hasard du calendrier. Les réalités de sa face funeste exhument la mondialisation et la restaurent dans le dictionnaire contemporain.

Même si les seize sociologues, médecins, philosophes, scientifiques, chefs d'entreprise, politologues, penseurs qui, ce 7 octobre, s'exprimeront au théâtre des Célestins de Lyon ne la prononcent pas nommément, elle sera au centre du jeu, en premier lieu parce que son socle : le capitalisme - et son support, le libéralisme -, qui concentre les maux et leurs antidotes, sera lui, omniprésent.

Dépossédé de sens

Comme nous l'abordons dans le supplément ad hoc de La Tribune (en kiosques ce jour) avec le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le sujet du capitalisme et du libéralisme modernes transcende les débats du forum Une époque formidable.

Qu'ils investiguent le progrès, la prolifération des infox, la sauvegarde de la t (T) erre, l'audace entrepreneuriale, le traitement des élites, les trésors de la marche, et même le bonheur, les thèmes solliciteront immanquablement ce double moteur capitaliste et libéral, car il détermine non seulement ce que nous "faisons", mais aussi et surtout ce que nous "sommes".

La porosité, la contagion qui les lient insécablement pourrait entraîner l'humanité vers le meilleur... si la réalité de cette mondialisation n'était autant contrastée, si les faits stigmatisés par le pape François et Arnaud Montebourg n'étaient à ce point véracité. Qui contestera qu'à célébrer la loi du plus fort, qu'à sanctuariser les principes de compétition, de hiérarchisation, de propriété, de conquête, de pouvoir, qu'à inféoder la reconnaissance - d'un bien, d'une idée, d'une initiative - à la valeur marchande, ce libéralisme devenu prédateur sous le joug de la financiarisation et de la dérégulation, applique ce que "font" les hommes à ce que "sont" les hommes ?

Dépossédé de sens : voilà de quoi il souffre, et cette réalité le livre aux dégâts les plus indicibles, comme en témoignent le creusement abyssal des inégalités, les politiques éviscérant la planète vivante, la propagation des doctrines nationalistes, haineuses, sécessionnistes, isolationnistes.

Sans sens, comment peut-on arrimer une finalité à ce que l'on entreprend, imagine, crée, diffuse ? Comment peut-on exercer avec humanité ce dont l'Humanité a besoin, comment peut-on construire avec éthique ? Là encore, "ce que nous sommes" devrait définir "ce que nous faisons", or le système auquel nous sommes soumis nous dicte "de faire" et commande ce que "nous sommes"...

Inverser le paradigme

Mais a-t-on d'autres choix, pour l'heure, que de composer avec ce système ? Non. En premier lieu parce qu'il est corrigible et réparable, parce qu'il possède les facultés d'être redimensionné au gré des circonstances, parce que dans la plupart des régimes politiques l'appliquant il honore une organisation démocratique. Et parce qu'au final, tel qu'il fut conceptualisé au XVIIe siècle et prospéra jusqu'à son crépuscule, il n'est pas que vices... il est aussi vertus, il est surtout possibilités à partir desquelles ses architectes et promoteurs contemporains, par essence pragmatiques, "peuvent" l'adapter aux réalités dont ils se sont rendus coupables.

"Peuvent"... c'est bien dans ce verbe, dans ce qu'il contient, signifie, concrétise, qu'est concentré l'avenir de la planète. Pour paraphraser Boris Cyrulnik, et comme s'y entendent aussi bien Etienne Klein qu'Axel Kahn, Jean-François Delfraissy que Pascal Picq, Pierre Rabhi qu'Isabelle Delannoy, le progrès est devenu sous l'emprise marchande "maléfique", mais il était, hier, "bénéfique".

Preuve que rien n'est perdu, et que le vœu d'un capitalisme et d'un libéralisme réconciliés avec la justice sociale et le bien commun, protecteurs de la planète, modérateurs des inégalités, bref équilibrés, raisonnables et responsables, peut ne pas être chimère.

A condition que : les "initiateurs de sens" désarment et disqualifient les "vidés de sens", et "ce que sont les hommes" réinvente, inspire "ce que font les hommes", inversant là le paradigme. La scène du Théâtre des Célestins, ce 7 octobre, ne se prête-t-elle pas idéalement à cet - immense - chantier ?

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