Le dirigeant d'entreprise n'est pas un surhomme

On le voudrait « surhomme », pourtant le dirigeant d’entreprise n’est qu’un homme dont équilibre et santé peuvent vaciller, comme pour tout un chacun. Comment s’en préserver ? Des réponses étaient apportées le 9 janvier dernier au cours d’une conférence co-organisée par EML Executive Development et Acteurs de l’Économie, dans le cadre du cycle qui jusqu'à mars 2015 traitera des « défis du dirigeants ».

En période de crise, les entreprises se doivent d'être encore plus performantes. Cela passe forcément par les capacités de leur dirigeant à mener sereinement « la barque ». L'enjeu de la santé et de l'équilibre de ces hommes et femmes n'en est que plus vital. Marie-Josée Bernard, professeur en management, leadership et développement personnel à EMLYON Business School, observe pourtant une souffrance grandissante chez les dirigeants : tous ces burnouts.

Conférence défi du dirigeants Marie Josee Bernard,

Marie-Josée Bernard, professeur en management, leadership et développement personnel à EMLYON

« Un dirigeant peut avoir un sens (trop) élevé de sa mission, se lançant des impératifs de réussite, voulant à tout prix être reconnu comme tel. Il endosse ainsi des codes, des attitudes fort éloignés de qui il est vraiment ». D'où ses recommandations pour ne pas perdre pied dans le « maelstrom de la vie en entreprise » : rester en cohérence avec soi-même, en phase avec son environnement ; «s'interroger : suis-je pertinent  ? Comment suis-je utile aux autres ? Et ne jamais renoncer, aucune entreprise ne mérite qu'on renonce à soi-même ».

Casser la carapace

L'Advanced Management Programme de EML Executive Development (ce programme fait partie de l'offre formation continue de l'École et se caractérise par un apprentissage à diriger grâce à un échange entre pairs) s'inscrit tout à fait dans cette perspective : «casser la carapace, sortir des rôles obligés, permettre au dirigeant de mieux se connaître, d'être en cohérence avec lui-même, d'observer son interaction avec les autres... dès le séminaire d'introduction nous allons dans cette direction » informe Chantal Poty sa responsable. Pour Didier Michel, directeur régional de Eiffage TP, la clef de l'équilibre est l'adaptation, « ce qui implique une certaine confiance en soi, en ses collaborateurs, de l'optimisme. En tant que dirigeant, vous n'avez pas le droit de ne pas vous montrer optimiste, confiant... mais le suis-je vraiment ? »

Conférence défi du dirigeants Didier Michel

Didier Michel, directeur régional de Eiffage TP.

 On comprend que oui puisqu'il avoue déléguer beaucoup à ses équipes, des fidèles ; «pour garder du temps, garantir ma disponibilité. Mais attention je délègue ce que je sais faire, jamais ce que je ne sais pas faire, cela je préfère l'apprendre ». Il veille aussi à préserver sa vie personnelle et familiale, la décompartimente de sa vie professionnelle, met les appels téléphoniques et les courriels en veilleuse... « je m'efforce d'être dans l'instant, le présent, alors je me sens dans l'équilibre ».

Vive l'échec

Traverser des échecs, ne pas en avoir honte comme trop souvent dans notre culture mais au contraire savoir s'en nourrir, participe de la bonne santé du dirigeant. Marie-Josée Bernard qui a mené d'importantes recherches sur les entreprises résilientes, insiste : « la résilience, c'est un processus, l'essentiel c'est de pouvoir donner du sens à son échec. Pour un dirigeant, chaque échec est une expérience de vie ». Didier Michel, dont l'entreprise de BTP dépend à 70% de marchés publics et donc d'appels d'offres, se dit familier de l'échec : « nous remportons un appel d'offre sur quatre, autrement dit nous en perdons trois... » Néanmoins si la déception est trop lourde, cet adepte de la course à pied part courir seul, face à lui-même : « la course à pied induit la souffrance du corps et recentre sur le mental : alors vous rangez vos idées, vous vous ressourcez, c'est la magie du sport ».

Place aux émotions

Un dirigeant doit gérer ses émotions, Marie-Josée Bernard rejette cette affirmation : «il doit au contraire reconnaître ses émotions, les vivre, les interroger. Il a le droit de pleurer, d'être en colère, joyeux, un pitbull... » Celui qui met ses émotions à distance dans un réflexe de défense, qui s'en coupe littéralement, filera vite un mauvais coton. « Le cynisme est un des symptomes du burnout, ce phénomène d'épuisement émotionnel ». Parmi la nombreuse assistance, une personne a ainsi témoigné qu'elle avait accepté d'avoir peur, la pratique du ski extrême l'aidant dans cette voie. Sans aller jusqu'à de telles pratiques exigeantes, la professeur de l'EMLYON plaide pour le sport plaisir, le simple mouvement : « quand on court, on nage, quand on est dans le mouvement, on créée de la pensée plus claire, un nouveau discernement. Notre énergie se situe aussi dans notre expérience corporelle ».

Et si on marchait ?

A ce titre, Didier Michel a témoigné d'une pratique rare : plutôt que de réunir ses collaborateurs dans une salle, il les embarque parfois pour une promenade dans les alentours des bureaux d'Eiffage à Confluence et ils discutent en marchant ; « le processus de penser et d'échanger devient autre, il se passe toutes sortes de choses différentes d'avec une réunion classique ». On se souvient que Steve Job était un adepte de telles pratiques...

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