Le Bitcoin peut-il disparaître ?

Par Par Serge Roukine  |   |  655  mots
Serge Roukine est fondateur d'Appdays et auteur du livre "Comprendre et utiliser le Bitcoin" chez 19éditions
Alors que se déroule sous nos yeux l'effarant naufrage de MtGox, la plateforme d'échange historique du Bitcoin, certains se posent désormais avec plus d'assurance la question de la survie du Bitcoin.

Le Bitcoin est une monnaie électronique décentralisée. Personne ne contrôle cette devise, basée sur un réseau de milliers d'ordinateurs distribués dans le monde entier. Le système Bitcoin n'appartient à personne, comme personne ne possède le protocole internet ou le protocole email. Sa valeur repose sur ses qualités intrinsèques : le Bitcoin est infalsifiable, rare, pseudo-anonyme et aucun état ou banque centrale ne peut décider unilatéralement de créer des Bitcoins pour des raisons politiques ou économiques.

La faiblesse du Bitcoin est sa jeunesse

Comme avec toute monnaie, on peut vendre et acheter des services ou des produits en Bitcoins. En tant que tel, le Bitcoin est un moyen tout à fait sécurisé de faire des échanges. Vous pouvez par exemple payer une commande à un fournisseur chinois en moins d'une heure, sans payer aucun frais bancaire ni de frais de change. C'est le genre de progrès que permet cette invention. Mais la faiblesse du Bitcoin tient à sa jeunesse : si tout le monde avait déjà des Bitcoins et savait vendre et acheter dans cette monnaie, nous n'aurions presque pas besoin d'avoir recours aux plateforme d'échange comme MtGox. Ces sites permettent d'acheter de la monnaie électronique avec de la monnaie fiduciaire (réelle) ; elles sont un mal nécessaire du Bitcoin.

La chute d'MtGox

MtGox a déposé le bilan la semaine dernière. Suite à un hack ou à un bug (on ne sait pas trop), la plateforme d'échange s'est vue dépossédée de près d'un demi-milliard de dollars en Bitcoin et, encore plus surprenant, de plusieurs millions de dollars en monnaie réelle. Des centaines de milliers de "déposants" sur ce site vont donc, selon toute probabilité, perdre tout l'argent qu'ils y avaient laissé. La question est de savoir qui est responsable de cette catastrophe financière. Est-ce le système Bitcoin en lui-même  qui ne serait pas sécurisé ? Ou est-ce l'irresponsabilité et l'amateurisme de Mark Karpeles, le fondateur de MtGox ? Il est aujourd'hui trop tôt pour le dire avec certitude mais plusieurs indices nous font pencher vers la seconde hypothèse.

Opacité

Tout d'abord la réputation de MtGox et de son fondateur est entachée de nombreuses maladresses, de bugs et de vulnérabilité. En 2011 par exemple, les identifiants de plus de 60 000 de ses comptes utilisateurs avaient été divulgués par des hackers et de nombreux Bitcoins avaient été volés. De plus, la structure de MtGox est extrêmement opaque. Seul son fondateur et Pdg semble savoir ce qui s'y passe. Et le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas transparent. L'entreprise domiciliée au Japon et dirigée par un français avait la majorité de ses clients aux Etats-Unis, ce qui rajoute une couche supplémentaire à cet imbroglio. Enfin, si le Bitcoin devait être réellement vulnérable, personne ne l'a prouvé à ce jour, malgré le fait que des milliers de hackers s'intéressent à ce sujet chaque jour depuis 2009. Si les logiciels basés sur le Bitcoin sont eux-mêmes vulnérables, le protocole sous-jacent ne l'est pas.

Invention majeure du XXIe siècle

Même s'il est trop tôt pour établir clairement les circonstances de cet incident majeur, on peut d'ores et déjà estimer que le Bitcoin, en tant que tel, n'est pas responsable de la débâcle de la plus connue des plateformes d'échange. C'est comme si l'on disait que la faillite de Lehman Brothers était "de la faute" du dollar. Le Bitcoin est l'une des inventions majeure du XXIe siècle. Pour autant, il est bon de rappeler qu'il s'agit d'une innovation récente et, qu'en tant que telle, elle est risquée. On a coutume de dire qu'il ne faut pas investir plus dans le Bitcoin que ce que l'on est prêt à perdre. C'est toujours, aujourd'hui, un conseil à garder à tête.