Alain Bauer : « De féroces luttes de pouvoir »

C’est dans des domaines - franc-maçonnerie, politique, conseil et enseignement en criminologie - peu saisissables par le grand public et donc producteurs de fantasmes, qu’il exerce ou observe le pouvoir. Un pouvoir que l’ancien Grand Maître du Grand Orient décrit, au sein de l’univers maçonnique, terrain de « féroces luttes » finalement « contraires » à la vocation même de l’apprentissage éthique que les « frères » viennent chercher et travailler.
©Emmanuel Foudrot

Vous avez été Grand Maître du Grand Orient, et déplorez l'assèchement intellectuel de la maçonnerie. Or c'est dans cette ressource que le pouvoir de la maçonnerie a toujours puisé sa légitimité. Quel est aujourd'hui son pouvoir d'influer, de peser, sur les grands enjeux de société ?

 

 

La maçonnerie est engagée dans la vie sociale de deux manières : par ses organisations centrales et/ou par ses adhérents. L'influence individuelle de ces derniers, actifs dans les associations de parents d'élèves, les sociétés de défense des droits de l'homme, les organisations syndicales, caritatives, ou humanitaires, demeure significative. Seul parmi les autres organisations maçonniques, le Grand Orient affirme un message collectif destiné à alimenter les débats qui « font » la vie sociale de la société.
C'est dans les années 1970, que l'assèchement est survenu. Le Grand Orient nourrit presque intégralement le programme politique « Changer la Vie » de François Mitterrand. Et c'est donc plein d'espoir que l'obédience accueille en 1981 le triomphe du candidat socialiste. Les lézardes surviennent deux ans plus tard, lorsque le gouvernement renonce au projet phare de séparation des écoles privées et publiques et d'avènement d'un grand service unifié de l'Education nationale. Déçu, le Grand Orient se bloque alors. Il ne comprend pas que la popularité de l'école privée est moins liée à une quelconque motivation spirituelle qu'au vœu de placer les enfants dans un système éducatif plus performant et adapté, que le sur-mesure et la liberté de choisir sont préférés à un modèle uniforme et moyen. Et c'est la crise, douloureuse et profonde, moins visible dans les autres obédiences qui ont fait le choix de ne pas peser collectivement et institutionnellement dans les débats de société.
La crise connaît son apogée en 1995 ; le Grand Orient, alors au bord de l'implosion et miné par les luttes claniques, est confronté aux thèmes naissants de bioéthique. La structure centrale semble incapable de participer au débat public, mais découvre avec stupéfaction qu'au sein des loges, en revanche, depuis déjà une dizaine d'années des frères travaillent le sujet. La « base » s'était donc prise en charge sans partager avec une hiérarchie démobilisée, inopérante, incapable de centraliser et de synthétiser les débats, le fruit de ses travaux. Et c'est de là, dans la découverte de l'immense richesse de ces réflexions produites dans les loges, que s'est engagé le processus de revitalisation du Grand Orient et de son influence sur les grands sujets - RMI, lois sur la bioéthique... -. Reste qu'à l'aune de son assourdissant silence sur des sujets aussi essentiels que la révision de la Constitution ou les émeutes de 2005, on peut s'interroger sur sa capacité d'expression collective...

 


Depuis, cette connexion entre loges et hiérarchie centrale, essentielle pour restituer à l'obédience son pouvoir d'influence, est-elle rétablie ?

 

 

Non, car il demeure un problème de confiance, malgré les efforts soutenus de Jean-Michel Guillardet, mon successeur. Et nos diagnostics respectifs diffèrent : quand je crois à une crise de structure centrale mais à une vraie richesse d'idées locales, lui, après trois ans de mandat, semble considérer que la crise des idées a contaminé l'ensemble.

 

 

Sont-ce ses  luttes de pouvoir intra et inter obédiences dont la maçonnerie est particulièrement malade ?

 

 

Les rivalités inter obédiences sont, paradoxalement, très faibles. D'abord, la demande est plus forte que l'offre, et le processus d'initiation est complexe. D'autre part, les différences culturelles et fonctionnelles entre obédiences sont si importantes qu'il y a peu de place à la compétition. En revanche, ces luttes de pouvoir sont vives au sein des obédiences. C'est là un vrai sujet. Avant guerre, la maçonnerie était composée des élites intellectuelles et politiques du pays - les deux tiers des parlementaires adhéraient -, rompues à l'exercice du pouvoir et donc d'une part sustentées d'exercice du pouvoir, d'autre part disposées à rapidement s'accorder, enfin bien placées pour faire « remonter » les bonnes idées produites au sein des loges directement vers le groupe parlementaire : la loi était promulguée et le gouvernement passait à l'action. Depuis, les luttes de pouvoirs sont devenues d'autant plus violentes que cette culture politique s'est érodée, d'abord sous le joug du processus d'éradication perpétré par le régime vichyste, puis dans le prisme des relations exécrables nouées autant avec la droite conservatrice traditionnelle qu'avec le parti communiste stalinien. Entre ces extrêmes dominants ne demeuraient donc plus que les socio-démocrates et les radicaux, l'influence des élus à l'intérieur du Grand Orient - et non l'inverse - devenant mineure.
Depuis, la plupart de ceux qui « font » une carrière maçonnique reflète une sorte de « moyenneté » ; ils sont fonctionnaires, retraités, disponibles, plutôt dévoués. Sans le contenu qui donnait auparavant à l'obédience de contribuer et d'agir. C'est sans incidence majeure sur le bon fonctionnement de la structure, mais cela devient dramatique lorsqu'il s'agit d'aller « peser » dans le débat public et de société, car là la vacuité des « agents de maîtrise » maçonniques apparaît criante. Et c'est alors que surgissent les plus âpres luttes de pouvoirs, impliquant les échoués de la vie politique qui espèrent trouver au sein du Grand Orient matière à exercer enfin un pouvoir. Or ces « ratés » de la vie politique deviennent les « ratés » de la maçonnerie. Et la principale victime est la maçonnerie elle-même, autant que les membres des loges qui, eux, continuent de travailler et se désintéressent de ces « chikayas ».

 

 

Le travail produit en loge enseigne-t-il aux maçons une approche, une gestion éthique de leurs relations au pouvoir ?

 

 

Normalement, l'ensemble du processus d'initiation est centré là-dessus. L'année d'apprentissage à l'écoute, marquée par le silence, puis celle de « gestion locale » - adjoint des principaux postes de responsabilité d'une loge - enfin l'accès au rang de maître, doivent assurer au frère de maîtriser une partie de ses instincts de base. Les cas de lutte de pouvoir surviennent lors du processus sélectif qui préside, à l'intérieur même d'une loge, la nomination du Vénérable. Les campagnes peuvent être d'une rare férocité. Puis « l'envie de faire carrière » amène à postuler aux responsabilités régionales puis nationales. Toutes plus chronophages, bureaucratiques, les unes que les autres. Et lourdes, contraignantes... surtout au sommet car il faut gérer une quinzaine de présidents de la République ou Premiers ministres, notamment en terre africaine où la « diplomatie maçonnique » exige de répondre aux sollicitations, au risque, sinon, de vexations.
Il faut être réaliste : quel intérêt les plus brillants des francs-maçons auraient-ils à s'investir dans l'administration au quotidien d'une organisation de 50 000 adhérents, de 50 salariés et confrontée à moult problèmes (édition, immobilier) ? D'ailleurs, pour nombre de grands maîtres, l'accès au rang suprême constitue un drame professionnel, tant on est happé par les obligations et les sollicitations de toutes sortes, à l'étranger comme les week-ends. Sans compter que l'exercice est bénévole. On le voit, la sélection des candidats ne repose malheureusement pas toujours sur les compétences. Même si on a eu de bons crus avec Roger Leray, Patrick Kessel, Philippe Guglielmi,....

 

 

... mais vous-même, Grand Maître de 2000 à 2003, échappez-vous à ce sombre tableau ?
Je suis l'élu du hasard et de la nécessité, parce que je suis l'élu de la crise de 1995, à l'issue de laquelle une génération nouvelle, en rupture avec les pratiques dominantes, est apparue.

 

 

Malheureusement, par la suite, le système a repris le dessus, s'est mis de nouveau à dérailler, jusqu'à l'arrivée de Jean-Michel Guillardet qui a stabilisé la situation au prix d'immenses efforts.

 

 

Des personnes postulent à être maçons pour accroître leur périmètre de pouvoir. Se  leurrent-elles ou réussissent-elles ?

 

 

Elles se trompent si elles espèrent de rapides résultats. Il faut beaucoup de temps pour parvenir à ses fins. Elles ont aussi raison, parce qu'un tel accomplissement peut produire des effets. C'est d'ailleurs à ce moment que de la simple relation de pouvoir on peut basculer vers les dérives d'affairisme, de corruption, vers la négation même de ce que l'on est censé venir chercher. Le problème de la maçonnerie est donc cette très étroite ligne de frontière entre solidarité et affairisme, entre influence et corruption.
Une fois au sommet de la hiérarchie, la seule autorité politique dont on dispose est celle qu'on possédait avant d'être Grand Maître. Si auparavant on existait médiatiquement ou revendiquait une véritable légitimité, alors le périmètre de reconnaissance et de pouvoir est décuplé ; en revanche, si l'on n'était « rien », on devient « pas grand-chose » pendant et on redevient « plus rien » après.

 

 

Comment décrivez-vous le « pouvoir » que la maçonnerie exerce sur ses adeptes ? Peut-on la mesurer à celle de la religion sur les croyants ?

 

 

Au Grand Orient, il n'y a ni culte, ni sacrement, ni clergé. Seulement, chez certains, une forme de spiritualité laïque. S'il existe une influence spirituelle, elle ne porte pas sur la relation au sacré traditionnel. Car le principe de la maçonnerie est bien davantage l'émancipation des consciences que le sauvetage des âmes. Personne n'y garantissant quoi que ce soit à propos de l'au-delà, intrinsèquement et mécaniquement cela étouffe beaucoup de la puissance qui anime le système spirituel - n'est-ce pas surtout le besoin d'éclairer cet au-delà qui motive la foi ? -. Le Grand Orient propose un cocktail entre ce que l'on est dans sa vie officielle et ce que l'on cherche à devenir dans sa vie intime, il agit donc comme une compensation et n'exerce aucun pouvoir spirituel. Celui-ci n'existe que lorsque l'obédience prône la séparation de l'église et de l'Etat, promeut la laïcité et le droit de mourir dans la dignité, déplore le clonage reproductif mais adoube le clonage thérapeutique. Là il est dans son rôle, il pèse dans le débat de manière audible, crédible, fédératrice. La pratique maçonnique est bien plus herméneutique qu'hermétique.

 

 

Le maçon qui privilégie le frère est-il, quelles qu'en soient les raisons, en situation d'abus de pouvoir ?

 

 

La décision s'effectue-t-elle à compétences égales ? C'est LA question qui établit la démarcation. A compétences égales, on donne toujours préférence à celui que l'on connaît. C'est ainsi. Cette réaction est humaine. A compétences inégales, cela devient un abus de pouvoir.

 

 

Des secteurs d'activité aussi sensibles que la police ou la justice concentrent un nombre important de francs-maçons. L'envergure du pouvoir qu'ils exercent professionnellement est-elle compatible sans condition avec leur engagement maçonnique ?

 

 

Oui. Cette question serait-elle posée à un magistrat catholique ? Non. De même, le magistrat amateur de chasse n'est-il pas suffisamment intègre et professionnel pour claquemurer sa passion personnelle au moment de juger une affaire entre chasseurs et écologistes ? Il appartient à chacun de juger de la compatibilité de son appartenance, en l'occurrence maçonnique, avec sa fonction professionnelle. Un policier peut parfaitement être franc-maçon. A condition, lorsqu'il débusque un repère de bandits eux aussi francs-maçons, de les traiter exactement comme les bandits profanes : selon la loi. C'est d'ailleurs parfaitement cohérent avec le serment, maçonnique, de défendre les lois de la République. Le problème n'est donc pas d'être incohérent avec son appartenance à la maçonnerie, l'enjeu est, au contraire, d'aller jusqu'au bout de son appartenance. Ou de se retirer comme la loi l'exige en cas de conflits d'intérêt.

 

 

Quelles sont « vos » conditions d'un exercice éthique et d'un exercice moral du pouvoir ?

 

 

L'éthique fait référence à ce qui vient par nous, s'exprime souvent par la loi, et se fonde sur des règles que l'on est censé appliquer. Résultant d'un corpus général abondamment nourri de références chrétiennes, elle édicte un cadre général - interdiction de voler, violer, tuer, corrompre...- bien sûr appelé à évoluer dans le temps au gré des cultures et des opinions alors dominantes. L'immense majorité des francs-maçons respecte scrupuleusement les lois.
Les caractéristiques de la morale sont calées sur les croyances venues d'en Haut, et donc, contrairement à l'éthique, ne peuvent produire de globalisation, d'harmonisation universelles - qu'elles soient juive, orthodoxe, musulmane, catholique, les morales diffèrent sensiblement -. Chacun est donc dans l'introspection au moment de qualifier la manière « morale » d'exercer le pouvoir.

 

 

Les caractéristiques éthiques d'exercer le pouvoir diffèrent-elles en fonction des obédiences ?

 

 

Non. Car là aussi, c'est le facteur humain qui fait la différence, pas la structure qui héberge les individus. En revanche, les différences de modes de fonctionnement interne peuvent avoir un impact et nuire fortement à l'enveloppe éthique de l'exercice du pouvoir...

 

 

...Vous faites référence aux fraternelles professionnelles, dont vous avez appelé à l'éradication...

 

 

Absolument. Je considère extrêmement antinomique avec la vocation maçonnique, le principe d'organisation selon lequel on rassemble dans des sortes de « loges clubs » des confrères d'un même métier. C'est au contraire la diversité des fonctions professionnelles qui décourage des tentations de collusion du pouvoir... J'écarte de ce tableau quelques fraternelles - instituteurs, laïcité, socialistes ou UMP - qui sont légitimes ; mais franchement, je cherche encore la justification ésotérique de la fraternelle du bâtiment et des travaux publics...

 

 

Vous plaidez la réunification des lieux de recherche en matière de sécurité - civile ou policière -. La concentration des pouvoirs est-elle nécessaire à un exercice plus efficace du pouvoir ?

 

 

Absolument. Le problème n'est pas la concentration des pouvoirs, c'est le contrôle de l'exercice du pouvoir. Le drame français est de traiter le sujet du pouvoir au lieu d'investiguer celui de l'équilibre des pouvoirs. C'est lié à notre histoire, et à la difficulté de faire cohabiter un pouvoir central fort et des instances de régulation et de contrôle des pouvoirs qui le soient tout autant. Cela tient notamment à l'insuffisante indépendance de ces autorités.

 

 

Enseignant, vous disposez, sur les étudiants, du pouvoir, considérable, de nourrir et d'orienter leur conscience, leur faculté de discernement, leurs convictions. Maintenez-vous toujours cet exercice du pouvoir dans des limites morales ? A quelles conditions le pouvoir franchit-il la barrière de la manipulation ?

 

 

Il existe plusieurs contrôles. D'abord, les étudiants évaluent les professeurs autant que ces derniers les notent. D'autre part, les copies étant anonymes, le pouvoir est automatiquement régulé. Par ailleurs, il faut maintenir une distance avec les étudiants ; je ne suis pas leur ami, et je ne les tutoie pas. Enfin, je me refuse à faire partager mes convictions. Pour cela, j'articule mon enseignement en deux phases : la première présente factuellement ce qui est communément admis ; puis intervient l'étape des hypothèses et des commentaires, auxquels bien sûr j'intègre les analyses de confrères que je ne partage pas. On pénètre alors dans le vaste monde des divergences et des confrontations. Ma responsabilité est alors de fournir aux étudiants non le poisson - ce qu'ils aimeraient bien, eux qui sont avides de certitudes - mais le matériel pour pêcher. Il leur appartient d'aller vérifier la pertinence de mon exposé et de croiser les interprétations et les hypothèses, afin de bâtir leur propre opinion.

 

 

Vous êtes une autorité en matière d'études et de diagnostic sur la criminalité et la sécurité ; vous enseignez ces matières ; enfin, vous présidez une société de conseil, AB Associates : n'y'a-t-il pas conflit de pouvoirs - au sens de l'intérêt - entre ces trois responsabilités ?

 

 

Pas plus qu'un avocat professeur de droit, ou un médecin en CHU enseignant à l'université. Mes commanditaires et les publics auxquels je m'adresse ne sont pas les mêmes. Et les conflits auxquels vous faites référence n'existent pas. Je ne préconise pas d'un côté l'emploi des caméras pour, de l'autre, les commercialiser. Jamais je n'interviens dans le domaine de l'achat de matériel de sécurité ; ma compétence porte sur l'analyse des phénomènes de criminalité. Si le Ministère de l'Intérieur me confie la mission de réfléchir aux moyens de réduire les homicides intra familiaux perpétrés sur les femmes, où est le problème ?

 

 

Vous êtes au cœur « du » pouvoir politique - longtemps d'abord aux côtés de Michel Rocard, puis comme consultant de plusieurs ministres de l'Intérieur, enfin appelé par Nicolas Sarkozy à réfléchir au rapprochement des instituts de formation, de recherche, et d'analyse des questions de sécurité et stratégiques. Qu'est-ce qui singularise ce terrain politique d'expression du pouvoir ?

 

 

On peut distinguer deux cas de figure : certains, comme Michel Rocard, sont formatés pour devenir Président de la République mais n'éprouvent pas au fond d'eux-mêmes la véritable volonté d'exercer un tel pouvoir ; d'ailleurs, lorsqu'il accéda au poste de premier secrétaire du PS, quelque chose se brisa dans le processus de conquête de Michel Rocard, comme s'il avait atteint son but véritable. Son honnêteté personnelle et son choix de ne jamais recourir à des méthodes « sales » en font l'un des hommes les plus honorables de la République.
Quelques autres veulent vraiment, coûte que coûte, accéder à la responsabilité suprême. Ils ont en commun une faim de pouvoir, lequel constitue le carburant de leur existence. C'est le cas de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy. Leur différence ? L'élue socialiste exerce son pouvoir en amateur, le Président en professionnel. Je suis frappé par la différence de traitement entre les deux personnes : Nicolas Sarkozy fascine ceux qui le connaissent et effraie les autres ; Ségolène Royal est haïe - comme je l'ai rarement vu dans ma vie - par ceux qui la fréquentent et est adulée par les autres.

 

 

Nicolas Sarkozy incarne-t-il votre conception de l'exercice du pouvoir ?

 

 

Il exerce aujourd'hui son pouvoir exactement comme lorsqu'il était Place Beauvau. Les gens lui sont extraordinairement attachés. Au point d'ailleurs, chez certains, de connaître une forme de dépression affective lorsqu'ils partagent moins son quotidien. Du coup, ils sont traumatisés à l'idée même d'aller lui confier un propos qui pourrait l'affecter ou le contredire. Alors ils s'empêchent. Quant aux autres, ceux qui « osent », ils vont connaître trois phases : d'abord, il s'emporte, puis il essaie de les convaincre qu'il a raison ; enfin, avec ceux dont il peut parfaitement reconnaître la crédibilité et la légitimité à lui opposer des propos déplaisants, il engage le dialogue. Le lien s'en trouve d'autant plus fort. Sa relation est donc fondée sur la sélection de l'interlocuteur en fonction de sa résistance. Cela crée de la confiance.

 

 

A combien de reprises, depuis le début de son mandat, estimez-vous que Nicolas Sarkozy a abusé de son pouvoir ?

 

 

Il n'a pas procédé à davantage de nominations que ses prédécesseurs, rien ne me choque dans sa gestion des affaires publiques, ni dans sa relation aux médias - qui sont naturellement fascinés par lui et sont les premiers artisans et responsables de son omniprésence. La révision de la Constitution va plutôt dans le sens d'une meilleure régulation du pouvoir.
Souvent, à ceux qui ne comprennent pas son mode de fonctionnement, il donne l'impression de « déraper ». C'est d'ailleurs un trait et une difficulté caractéristiques de Nicolas Sarkozy, attaché à réduire le temps et à faire preuve d'une dynamique rare à ce niveau de responsabilité. Il a comprimé le temps et l'espace, et concentré l'énergie à un point tel qu'il peut dérouter l'opinion. Alors que les enseignes d'hypermarchés considèrent qu'un message publicitaire n'est efficace que s'il est martelé plusieurs fois par jour pendant des mois, les hommes politiques estiment indispensable, pour obtenir le même résultat, de changer au contraire de message au même rythme. Nicolas Sarkozy est passé maître dans ce domaine. Ca n'a pas trop mal réussi à l'ancien Ministre de l'intérieur...

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Commentaire 1
à écrit le 22/01/2016 à 22:38
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ce monsieur a de grosses connaissances et une intelligence vive! il m'a passionné dans les rares debats où je l'ai vu a la télé...sur les attentats.... pourtant je suis etonné de voir ,pour ce qui est de son obedience, combien des statuts basés sur...

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