Ligne Lyon – Grenoble : passe d’armes entre la Région et la SNCF, après une réduction du trafic par deux

A l’heure où l’ouverture à la concurrence s’amorce sur les lignes TER, en premier lieu en Région Sud, un dossier en région Auvergne Rhône-Alpes pourrait bien prendre une tout autre résonance. La SNCF vient d’informer la Région d’une diminution immédiate de moitié du nombre de TER circulant sur la ligne Lyon/Grenoble, en raison de problématiques de maintenance. La Région conduite par Laurent Wauquiez enjoint la SNCF dans un communiqué et « à ne laisser aucun voyageur à quai ».
(Crédits : Alstom)

L'ouverture à la concurrence n'est pas encore effective en Auvergne Rhône-Alpes (et pas forcément une option avancée d'ailleurs, à ce stade, par la nouvelle mandature LR de Laurent Wauquiez), mais le dernier épisode en date pourrait prendre, à ce titre, une résonance particulière.

Cette semaine, la SNCF vient d'informer la Région qu'elle allait procéder à une diminution immédiate du nombre de TER, de l'ordre de 50% quotidiennement, sur la ligne Lyon-Grenoble. Et ce, durant les quinze prochains jours.

En retour, la Région est montée immédiatement au créneau par voie de communiqué ce mardi, avec une position tranchée : « Une telle annonce, du jour au lendemain, pour la Région et pour les voyageurs, qui vient s'ajouter à une longue liste de dysfonctionnements, n'est pas acceptable », estime l'exécutif régional, avançant que d'autres réductions de dessertes significatives toucheraient également d'autres lignes, comme Chambéry/Grenoble, Grenoble/Saint-Marcellin ou Mâcon/Lyon.

La Région enfonce le clou et estime : « cette situation est inadmissible pour les milliers de voyageurs qui empruntent nos lignes TER chaque jour, et indigne de l'entreprise historique du transport public en France. Il appartient à la SNCF de régler ses problèmes liés à la maintenance ou la réparation de rames endommagées ».

Le tout, en rappelant dans son courrier que la Région Auvergne Rhône Alpes, « autorité organisatrice des mobilités », alloue un budget annuel de 800 millions d'euros à la circulation ferroviaire, comprenant à la fois les investissements nécessaires en matériel et la convention annuelle passée avec SNCF.

Une convention dans laquelle l'exécutif régional avait par ailleurs intégré la ligne TER Grenoble/Lyon parmi « les lignes stratégiques faisant l'objet d'un paiement de bonus ou de malus en fonction de la circulation des trains afin d'améliorer la régularité de cette ligne ». En 2018, la Région avait par ailleurs exigé de la SNCF de renforcer les effectifs de ses centres de maintenance afin de limiter l'indisponibilité de ses rames.

Des problématiques de maintenance soulevées... et des cas Covid

Côté SNCF, la cellule Auvergne Rhône-Alpes de l'entité SNCF Voyageurs précise que cette décision intervient, non pas en raison de travaux planifiés sur la ligne, mais d'une série de plusieurs facteurs touchant l'opérateur ferroviaire en région Auvergne Rhône-Alpes depuis cet automne.

C'est en effet la conjoncture de « plusieurs facteurs » qui est pointée par la SNCF pour justifier la division par deux du nombre de trains, circulant entre Lyon et Grenoble : à commencer par une usure prématurée de certains essieux, attribuable selon la SNCF à une accumulation de feuilles mortes sur les voies chaque automne, et qui augmenteraient ainsi le nombre d'opérations de maintenance nécessaires à la circulation des rames en toute sécurité.

Mais c'est également une hausse des chocs et collisions constatées sur cette ligne (accidents de personnes mais également avec du gibier, chutes de branches, etc) qui est avancée, car ces incidents auraient même grimpé de +60% entre 2019 et 2021, selon SNCF Voyageurs.

Enfin, une augmentation significative du nombre d'absences a été enregistrée récemment au sein de ses centres de maintenance de Lyon et Grenoble, en raison de « plusieurs cas Covid » (chiffre précis non communiqué), et serait également à l'origine « d'un manque de personnel qualifié » pour prendre en charge ces opérations de maintenance.

« Actuellement, plus de trains entrent dans les entrepôts de maintenance de Lyon et Grenoble qu'ils n'en sortent », affirme SNCF Voyageurs.

Pour l'heure, l'entité régionale de l'opérateur ferroviaire ne propose pas de solutions de substitution face à la division par deux du trafic sur la ligne Lyon/Grenoble, qui touche également les heures de pointe, mais affirme « travailler avec la Région » à ce sujet. Elle étudie également la possibilité de transférer la maintenance de ses rames dans d'autres centres, en dehors de Lyon et Grenoble, afin d'accélérer ses opérations.

Pour autant, affecter également d'autres rames, actuellement en service sur d'autres lignes de la région, en vue de les faire circuler sur cette voie particulièrement touchée, ne fait pas partie des options étudiées à ce stade, tranche SNCF Voyageurs.

Des voyageurs et abonnés pénalisés

Du côté des voyageurs, le président de l'antenne régionale de la FNAUT, Nicolas Peyrard, remarque qu'il s'agit de "la première fois qu'une ligne aussi fréquentée à l'échelle régionale soit arrêtée aussi longtemps pour un motif de ce type au cours des dernières années".

Evaluée à 10.000 à 15.000 voyages effectués par jour quatre à cinq années plus tôt, la FNAUT ne dispose pas de chiffres actualisés, malgré des demandes adressées à la SNCF et la Région à ce sujet, mais estime que ce nombre est aujourd'hui plus élevé, et surtout, que la capacité de cette ligne est bien supérieure, compte-tenu des embouteillages observés quotidiennement sur ce trajet aux entrées des deux métropoles. La SNCF ne précise aucun chiffre à ce sujet.

Pour autant, Nicolas Peyrard voit, dans cet épisode, une illustration d'un manque d'investissements réalisés au sein à la fois du matériel roulant, mais aussi des technicentres. "Même si la SNCF a sa part à jouer, la Région demeure la chef de file du transport ferroviaire et l'on remarque que depuis plusieurs années, lorsqu'on remplace 100 rames, on en remet en service 90 au motif qu'elles ont plus de capacités. Or, cela ne permet pas d'avoir de la marge de manoeuvre lorsqu'on rencontre des problèmes de ce type".

En tant que "seconde région en termes de passagers mais aussi de trafic absorbé", la FNAUT appelle à une augmentation du budget dédié à l'investissement dans de nouvelles rames et centres de maintenance, "à l'image de ce qu'a entrepris il y a quelques années la Région Ile-de-France en lien avec le dossier du Grand Paris", et estime que ce budget doit être cherché sur d'autres postes.

"La Région a par exemple annoncé l'équipement des trains en dispositifs de vidéosurveillance, alors qu'une enquête auprès des usagers menée par la SNCF ne faisait pas remonter de problématiques de sécurité comme la préoccupation numéro Un des usagers", cite en exemple Nicolas Peyrard. A ce titre, le président de la FNAUT en Auvergne Rhône-Alpes estime que "l'ouverture à la concurrence du trafic TER ne changerait rien à l'épisode que nous rencontrons actuellement".

Contactée, la Région précise que dans l'enveloppe annuelle de 809 millions accordées aux TER, "570 millions concernent les dépenses de fonctionnement" (en lien avec la convention liant la Région et SNCF Voyageurs), le reste des 230 millions étant la part des investissements réalisés "notamment dans le matériel et les infrastructures, voies ferrées et gares".

Et d'ajouter : "La Région est bien au courant des problématiques liées aux centres de maintenance. A ce titre, nous investissons massivement pour disposer de centres de maintenance modernes et efficaces".

Depuis 2019, un Schéma directeur régional a conduit à la construction d'un atelier de maintenance des rames du Léman Express à Annemasse, "financé entièrement par la Région, pour un coût de 11 millions d'euros", mais également la création d'un atelier de maintenance à Saint-Etienne-Châteaucreux, voté en novembre dernier. "Avec ce nouvel atelier, les rames de la ligne Saint-Etienne - Lyon seront dorénavant entretenues à proximité des gares stéphanoises afin d'améliorer la disponibilité du parc. Ce centre entretiendra notamment les 19 nouvelles rames, commandées par la Région, qui seront livrées en 2023." Enfin, des études sont en cours dans l'optique de moderniser les installations de maintenances autour de Clermont-Ferrand.

(publié le 3/12/2021 à 15:00, mis à jour à 20:00)

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