Malgré la fronde du secteur culturel, la Région confirme (et entame) le "rééquilibrage" de ses subventions

Depuis la fin avril, le monde culturel régional s'insurgeait de la décision unilatérale de la Région de baisser une partie des subventions octroyées, en particulier aux acteurs lyonnais, en faveur d'un "rééquilibrage territorial" vers d'autres territoires. Depuis, les lettres ouvertes et prises de positions se sont multipliées, évoquant entre autres une décision "politicienne" sur un territoire dirigé par ses opposants d'EELV, mais aussi, un nouvel obstacle pour le secteur culturel, déjà fortement échaudé par la crise sanitaire. Ce 25 mai, de premiers votes sont intervenus en commission permanente, et ils confirment déjà une baisse pour certaines structures.
A l'heure où les relations entre le président LR de Région et la majorité écologiste de la ville et de la Métropole de Lyon ne sont toujours pas au beau fixe, comme en témoignent leurs récentes passes d'armes sur différents dossiers (sécurité, siège d'Interpol, etc), ce nouvel épisode pourrait bien alimenter encore un peu plus l'étincelle qui ne demande qu'à s'embraser sur l'échiquier politique régional.
A l'heure où les relations entre le président LR de Région et la majorité écologiste de la ville et de la Métropole de Lyon ne sont toujours pas au beau fixe, comme en témoignent leurs récentes passes d'armes sur différents dossiers (sécurité, siège d'Interpol, etc), ce nouvel épisode pourrait bien alimenter encore un peu plus l'étincelle qui ne demande qu'à s'embraser sur l'échiquier politique régional. (Crédits : DR/ML)

Fin avril, la Région confirmait qu'elle se préparait des coupes sélectives dans les subventions destinées aux établissements culturels. La nouvelle vice-présidente à la culture, Sophie Rotkopf avançait, dans les colonnes du Progrès, en argument numéro un "une plus juste répartition" des aides publiques sur l'ensemble du territoire, tout en affichant sa volonté de "maintenir" le budget à 62 millions d'euros sur 2022.

Depuis cette annonce, que certains responsables d'établissements culturels avaient appris par voie de presse et sans concertation, la filière régionale et notamment lyonnaise était montée au créneau : car sur l'enveloppe de 2 à 4 millions d'euros que devaient représenter ce projet de coupes budgétaires, selon les différentes estimations (toutefois non confirmées par la Région), près de 70% d'entre elles devaient concerner des établissements lyonnais.

Le président LR Laurent Wauquiez l'avait même affirmé sur le plateau de BFM Lyon quelques jours plus tard : "il n'y a pas de rente. Il n'y a pas un droit automatique à toucher des subventions publiques, on est amené à faire des choix, même si ces choix ne sont pas toujours faciles", évoquant également son "engagement" de conserver l'effort déjà prodigué sur la Culture, dont le budget était passé de 59 à 72 millions depuis le début de son mandat.

La fronde du monde de la Culture, déjà touché par la crise sanitaire

A la veille du vote, prévu ce mercredi en commission permanente, une soixantaine de signataires, soit autant d'établissements impactés par les baisses annoncées (dans le Rhône, mais aussi en Ardèche, dans l'Allier, etc), avaient adressé une lettre ouverte, à l'attention de Sophie Rotkopf.

"Plus d'une centaine de structures sont touchées par les baisses, qu'il s'agisse d'écoles d'enseignement supérieur, de structures de spectacle vivant, du cinéma, d'art contemporain, de littératures, d'observatoires, d'ensembles indépendants ou encore de compagnies... Ce sont des structures de toutes tailles et de tous les départements de la Région qui sont fragilisées", dénonçaient les signataires.

Mais cela n'aura pas suffi : ce mercredi 25 mai, la Région a finalement voté, comme prévu, l'attribution de 70% de son enveloppe annuelle destinée à accompagner différents projets culturels (festivals, cinéma, arts graphiques, plastiques, théâtre etc). La prochaine session d'attribution, soit les 30% restants, se fera en juin.

Et même si elle annonce, d'une part la création d'un nouveau "fonds d'aides d'urgence de 500.000 euros aux festivals culturels", la Région conduite par le LR Laurent Wauquiez n'en confirme pas moins, par ailleurs, son ambition initiale :

"Alors que près de 60% du budget régional culturel était orienté vers les métropoles régionales et les grandes institutions, l'exécutif a souhaité procédé à un rééquilibrage en direction des territoires les plus éloignés de l'offre culturelle", justifie dans un document la Région.

Un festival de baisses de subventions

Le détail des coupes et hausses n'a cependant pas été fourni par l'exécutif, au sein des 173 pages du document transmis à la presse, à l'issue de ce vote : seuls figureront les montants des aides accordées en 2022.

La Région confirme cependant la suppression de la subvention pour la Villa Gillet, qui voit ainsi s'envoler la somme de 350.000 euros, soit près un tiers de ses ressources.

La Biennale d'art contemporain (- 200.000 euros, passant ainsi de 700.000 à 500.000 euros). Le TNP de Villeurbanne passe de 500.000 euros à 350.000 euros d'aides et le Mixlab de Grenoble, pour la gestion de la Belle Electrique, perd lui aussi 30.000 euros d'aides.

Les écoles ne sont pas en reste, puisqu'en replongeant dans les délibérations de 2021, on constate par exemple que l'École de la Cité de Design de Saint-Étienne passe de 480.000 euros d'aides à 300.000 euros. Les Beaux Arts de Lyon perdent 100.000 euros, comme l'École Supérieure d'Art de Clermont-Ferrand.

En se penchant sur les petites scènes ou les petits festivals, on constate également des baisses ou des stagnations. Le Festival Berlioz, en Isère, passe par exemple de 150.000 à 127.000 euros. La salle de concert la Baie des Singes, à Cournon d'Auvergne reste à 20.000 euros, le petit festival Bach en Combrailles de Pontaumur perd même 2.000 euros, passant de 12.000 en 2021 à 10.000 euros en 2022.

Le Musée Tony Garnier de Lyon, qui avait fait savoir qu'il serait pour sa part menacé directement de fermeture par cette baisse, a finalement été sauvé. Sur ce sujet, la Région a en effet rétropédalé et proposé une aide de 35.000 euros.

La gestion culturelle toute entière remise en question

Dans un document publié le 20 mai dernier par Libération, le détail des baisses envisagées par établissement entre 2021 et 2022 était déjà esquissé.

"Les secteurs les plus touchés sont le livre (-30 % du budget global) et les arts plastiques (-28,5 %), derrière les festivals (-32 %). Le cinéma, en revanche, voit ses dotations augmenter à la marge (près de 1 %). Le secteur de la formation et celui du spectacle vivant sont, eux, concernés par des diminutions, respectivement de 18,5 % et 16 %. Une curiosité : la coupe de 39 % sur le patrimoine, un faire-valoir pourtant cher à Wauquiez", rapportait ainsi le journal.

"En conséquence de ces annonces, sans préparation ni dialogue avec les structures impactées, ce seront inévitablement des emplois qui seront fragilisés ; des spectacles pourtant planifiés qui ne pourront pas être présentés aux publics ; des auteurs, des musiciens, des plasticiens, des enseignants, des interprètes, des techniciens du spectacle, des intervenants de projets d'éducation artistique qui ne pourront pas être employés, voire des emplois permanents qui seront menacés", détaillaient pour leur part les professionnels du secteur dans leur lettre ouverte, évoquant également une annonce intervenant après une première fragilisation du secteur par deux années de crise sanitaire.

Les professionnels de la Culture s'inquiètent d'ores et déjà "d'une absence totale de visibilité sur 2023, la Région entretenant l'ambiguïté entre baisses pérennes ou ponctuelles."

Une enveloppe "tampon" de 500.000 euros pour les festivals

Aussi, en parallèle de cette baisse pour certains établissements, la Région a soumis au vote un nouveau "plan de solidarité de 500.000 euros" à destination de 500 festivals régionaux, promettant en sus, "un complément à ce fonds d'urgence, à l'automne avec un nouveau dispositif d'appel à projets destinés au financement d'investissements pour les acteurs culturels." Une manière de tenter d'éteindre un début d'incendie ?

Mais en ce qui concerne aussi bien les cibles et critères de ce futur fonds, tout comme la nature des réorientations budgétaires à attendre en vertu du "rééquilibrage territorial annoncé" à l'issue des après les premières baisses votées ce mercredi, la Région, contactée, ne communique pas plus de détails.

De leur côté, les groupes d'opposition régionaux ont dénoncé, dans un courrier, un procédé d'attribution des aides culturelles "par coups d'éclat", notamment dans les cas du Musée des Tissus, de la Maison Saint-Exupéry dans l'Ain, du site de Gergovia dans le Puy-de-Dôme : "Votre investissement sur ces projets, sur lesquels vous ne prévoyez aucune coopération territoriale avec les autres collectivités, nous semble surtout traduire votre seule volonté de vous en attribuer tous les mérites et d'en tirer un prestige personnel", haranguaient ses représentants.

Le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, avait jugé mercredi 18 mai que "faire de la politique sur les arts et la culture c'est ce que font les régimes autoritaires. Ce sont les orientations de l'extrême droite. On a aujourd'hui à la tête de la région un exécutif qui se comporte comme un exécutif d'extrême droite". Tout en se positionnant "en désaccord" avec la politique culturelle de la majorité écologiste, l'ancien maire Gérard Collomb a lui aussi dénoncé, lors du conseil municipal de Lyon, "une décision inacceptable et incompréhensible de la Région qui va affecter durablement des institutions de notre ville".

A la Ville de Lyon, l'adjointe à la Culture, Nathalie Perrin-Gilbert a déjà fourbi ses armes, annonçant qu'elle entamerait "une action auprès du Préfet de Région, afin que soit examinée la légalité des baisses de subventions de la Région au secteur culturel, votées en commission permanente et sans vote préalable d'une délibération-cadre en séance publique".

A l'heure où les relations entre le président LR de Région et la majorité écologiste de la ville et de la Métropole de Lyon ne sont toujours pas au beau fixe, comme en témoignent leurs récentes passes d'armes sur différents dossiers (sécurité, siège d'Interpol, etc), ce nouvel épisode pourrait bien alimenter encore un peu plus l'étincelle qui ne demande qu'à s'embraser sur l'échiquier politique régional.

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