André Genton : "Porcher Industries est un diamant qu'il faut polir"

L'ingénieur quinquagénaire qui a consacré l'essentiel de sa carrière aux matériaux composites -il a dirigé, entre autres, la division « Advanced Materials » de l'américain Huntsman Corporation- devrait prendre les commandes opérationnelles de Porcher Industries à Badinières. Le conditionnel est de mise tant que l'acquisition de l'ETI  iséroise par Warwick Capital Partners LLP n'est pas totalement finalisée. Le protocole d'achat récemment signé doit encore être validé par les autorités judiciaires dans les toutes prochaines semaines. L'histoire est connue : suite à de longs désaccords entre les actionnaires familiaux, Bruno Sapin a été désigné, en décembre 2012, comme mandataire judiciaire chargé de liquider les deux holdings familiales de contrôle entraînant la cession du groupe isérois, par voie de conséquence.

Acteurs de l'économie : Vous êtes l'homme pivot dans l'achat, en voie de finalisation, de Porcher Industries (1900 salariés et 280 millions de chiffre d'affaires 2014), par le fonds londonien Warwick Capital Partners LLP. Parlez-nous de vous.

André Genton : Mes racines sont lyonnaises. Je suis né dans le 8ème arrondissement où mon père avait une petite entreprise de bobinage électrique. Disparu en 1976, il m'avait amené quelques mois plus tôt à Cluny car il voulait que je sois ingénieur. Je n'ai pas fait Arts et Métiers néanmoins je lui ai tenu parole et suis entré à l'Ecole Française de Tannerie, aujourd'hui l'ITECH (Institut Textile et Chimique). Ma carrière je l'ai commencée, en 1984, en Rhône-Alpes, chez Blancomme-Soudee, dans le laboratoire de ce fabricant grenoblois de peintures industrielles. Je passais souvent devant le siège de Porcher Industries à Badinières, en Isère.

N'avez-vous jamais cherché à rejoindre cette entreprise, par le passé ?

Porcher Industries m'a approché à plusieurs reprises tout comme Brochier et d'autres industriels rhônalpins du métier. Au préalable, je voulais connaître l'expérience d'un grand groupe mondial et vivre à l'étranger. Quand en 2011 j'ai quitté Huntsman pour revenir  à Lyon, j'avais déjà en tête Porcher Industries dont je connaissais tous les grands clients. C'était encore trop tôt car le groupe n'était pas officiellement en vente à cette époque. Dans le même temps, on venait de me proposer le poste de directeur général d'Axson (1000 personnes), une ancienne activité non stratégique de Hexcel basée à Paris. Rapidement, je me suis rendu compte que cela ne correspondait pas à mes attentes. Je suis parti de cette entreprise fin 2013. Depuis lors je me consacre entièrement au dossier Porcher Industries.

Fin 2013 la mise en vente de Porcher était effective depuis plus d'un an. Quelle démarche avez-vous entreprise pour vous mettre sur les rangs ?

J'ai appelé Bruno Sapin, le mandataire judiciaire nommé pour réaliser cette cession. Il m'a informé qu'il avait mandaté la banque Rothschild. Restait à trouver un fonds d'investissement car je n'avais pas la fortune me permettant d'acheter cette entreprise, à tire personnel. Je suis passé par Peter Bentley que j'avais connu en 2003 quand il était, lui aussi chez Huntsman, où il s'occupait des intégrations. Il a créé le cabinet de consultants Perastra, basé à Monaco et un des ses amis, Ian Burgess a co-fondé Warwick Capital Partners.

La chaîne relationnelle a donc bien fonctionné et efficacement. Au printemps 2014 Warwick Capital Partners LLP entrait en négociations exclusives et pouvait accéder à différentes informations relatives à Porcher Industries. Perastra a donc conduit les « due-diligence » auxquelles vous avez participé. N'est-ce pas ?

Nous nous sommes retrouvés seuls en lice, très rapidement, sans savoir ce que les autres compétiteurs avaient proposé. Warwick qui gère un milliard d'euros de capitaux a été séduit d'emblée par Porcher Industries. Ils nous font confiance à Peter Bentley et à moi-même car ils savent notre parcours. De fait, j'ai aidé Perastra pour certains audits, environnementaux notamment mais je n'en dirai pas plus.

Les matériaux composites sont le sujet auquel vous avez consacré toute votre carrière. D'abord Chez Ciba Geigy puis chez Huntsman où vous avez terminé président (de 2009 à 2012) de la division Advanced Materials (1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires) dont le siège est à Bâle, en Suisse. Vous êtes également au comité de direction de JEC composites, une organisation professionnelle. Qu'est ce qui vous plait dans ce métier ? Et chez Porcher Industries ?

Les textiles techniques n'en sont qu'à leurs débuts. J'en veux pour preuve ce concept car « Gina » de BMW (Ndlr : il tend son Smartphone affichant une image de la maquette de la future voiture) dont la carrosserie est en tissu flexible tendu sur une armature en composites. Cette application révolutionnaire dans l'automobile fait appel à différentes technologies que Porcher Industries maîtrise : les airbags, les renforts polyester et verre, les toiles enduites. De même il maîtrise le composite, le carbone, le tissage 3 D, le thermoformage,  l'induction. Ils sont numéro un des toiles pour parapentes qui impliquent une compétence particulière dans les tissus fins. Cette entreprise se compose d'une multitude de sociétés présentes sur de nombreux marchés : aéronautique, électronique, etc. Ce que d'autres ont perçu comme de la complexité dans ce groupe je le vois, au contraire, comme un atout. Il y a des ponts à établir entre les différents secteurs.

Précisément, comment allez-vous faire évoluer ce groupe ?

C'est un diamant qui ne demande qu'à être poli. Il possède un portefeuille d'innovations très large et d'avenir. Il faut redonner à l'entreprise une vision à long terme avec un cap. Les treize sites industriels doivent servir en priorité les régions du monde où ils sont implantés : Europe, Amérique et Asie. Il faut raisonner entreprise plus globale et faire en sorte que les usines ne soient pas tributaires d'un seul domaine afin de les rendre moins vulnérables et pérenniser les emplois. Ce qui nécessite aussi une chaine logistique forte.

Aux représentants du personnel à qui vous avez présenté votre projet le 23 janvier dernier, Peter Bentley et vous-même avez affirmé qu'il n'y aura pas de plan de fermetures d'usines. Que les acquis sociaux seront préservés. Le confirmez-vous ?

Oui, nous n'aurons aucune difficulté à faire tourner à plein les usines, en France, en particulier. Celles-ci bénéficieront d'une trentaine de millions d'euros d'investissement dans les trois prochaines années ainsi que cela a été dit. Il faudra intéresser les jeunes à ces métiers en les faisant rêver sur les produits car la filière manquera de main d'œuvre dans notre pays en raison de la pyramide des âges. Aussi avec les différents industriels rhônalpins du secteur devrons-nous créer des formations. J'ai beaucoup d'idées et je les peaufine.

Le temps vous en est laissé. Le processus de vente s'éternise. Warwick Capital Partners ne perd il pas patience ?

Comme vous le savez, Warwick est londonien et en Grande-Bretagne un liquidateur doit trouver une solution en six semaines. Toutefois, comme je vous l'ai déjà dit l'équipe est très attachée à ce dossier. Et, c'est un fonds patient à tous égards.

Quel manageur êtes-vous ?

J'ai appris sur le terrain le management et je le revendique. J'aime rencontrer les gens. Ma porte est toujours ouverte. Je me souviens que lorsque, jeune diplômé, je suis arrivé chez Blancomm-Soudee, j'ai été impressionné par le patron qui tous les matins faisait le tour des ateliers pour dire bonjour au personnel. Chez Porcher Industries, il y a un vrai savoir-faire à préserver. Mon but est de transmettre ce que je sais aux collaborateurs et de les faire gravir les échelons. C'est ma dernière belle histoire professionnelle.

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