Lyon French Tech : un trio de poids pour gérer le lieu totem

Après plusieurs procédures et mois de négociations, Arty Farty, 1Kubator et Groupe SOS se sont associés pour décrocher la location et l'exploitation de la Halle Girard, lieu totem de Lyon French Tech, futur cœur névralgique du numérique lyonnais. Ce triumvirat atypique scelle l'arrivée à Lyon du géant de l'économie sociale et solidaire SOS.

C'est fait. Deux ans et demi après sa labellisation French Tech, la métropole de Lyon a désigné l'opérateur qui exploitera la Halle Girard, lieu totem du la filière numérique lyonnaise installé dans le quartier innovant de la capitale régionale (2e arrondissement). Le nouvel opérateur en charge de cet espace de 4 200 m², sera composé de trois acteurs majeurs dans leur domaine respectif : l'association Arty Farty ; la structure d'accompagnement de startups 1Kubator ; le groupe SOS, "première entreprise sociale européenne" avec 15 000 salariés, 405 établissements et services pour 750 millions d'euros de chiffre d'affaires, selon les données communiquées sur son site. L'arrivée à Lyon de ce géant de l'économie sociale et solidaire, basée à Paris, devrait booster fortement l'écosystème local.

"Cet acteur majeur de l'ESS apportera une stabilité financière certaine au projet, et vu son ADN innovant, s'inscrira parfaitement dans celui-ci", commente un fin connaisseur du dossier.

L'opérateur sera structuré d'ici la fin du 1er trimestre 2017 en Société par actions simplifiée, dont la majorité du capital - actuellement en cours de constitution - sera détenue par le lyonnais Arty Farty.

Conformément au cahier des charges imposé par la ministre déléguée à l'Economie numérique de l'époque, Fleur Pellerin, à l'initiative du label, chaque ville lauréate devait créer un espace pour fédérer les acteurs du numérique. La Halle Girard, ancienne chaudronnerie fondée en 1857, qui hébergeait jusqu'en 2008 le marché gros de Lyon, avait été choisie peu de temps après la labellisation. Jusqu'alors propriété de la ville de Lyon, celle-ci avait cédé le foncier à la SPL Lyon Confluence, qui s'engageait à réhabilité le lieu (11,5 millions d'euros financés par la région, la métropole), une mission confiée à l'agence Vurpas Architectes. Ensuite, la SPL reloue le bâtiment à la métropole de Lyon, qui elle, possède la capacité de sous-louer.

Halle Girard Lyon French Tech

Crédits : agence Vurpas architectes

Feuille de route en cours d'élaboration

Selon les objectifs fixés par la métropole de Lyon, ce lieu se veut "un centre névralgique pour fédérer l'écosystème, le point d'entrée pour tous les acteurs du numérique lyonnais", le lieu de référence pour l'accélération des startups et à pour vocation de devenir la vitrine numérique lyonnaise à l'international, "permettant d'attirer des talents et des investisseurs  internationaux pour contribuer au développement de la filière".

La feuille d'action de l'opérateur, pour remplir ces objectifs généraux, est en cours d'élaboration par le trio. Elle sera présentée dans les deux-trois mois qui viennent, alors que le lieu devrait ouvrir ses portes en septembre 2018. Mais les compétences de chacun des acteurs devraient permettre d'atteindre ces objectifs tout en posant leur identité et savoir-faire respectifs.

Un trio d'acteurs

Arty Farty est un acteur européen de référence dans la création, l'éditorialisation et l'organisation d'événements (Nuits Sonores, European Lab, etc). L'association lyonnaise est également un spécialiste de la convergence des écosystèmes et fer de lance de l'entrepreneuriat culturel. C'est notamment à travers cette activité qu'Arty Farty a pu se rapprocher du Groupe SOS, par l'intermédiaire de Steven Hearn, auteur d'un rapport sur l'essor de l'entrepreneuriat culturel en France, ancien président de la Gaîté Lyrique et CEO de Scintillo, une holding qui chapeaute une quinzaine d'entreprises. Cette holding sera amenée à jouer un rôle important dans ce consortium. Le Groupe SOS, au-delà de son expertise sociale et innovante et ses capacités financières, pourra apporter son approche internationale, à travers sa présence dans 35 pays.

Quant à 1Kubator, basé à Lyon et implanté dans deux autres villes, et qui vise un maillage calqué sur la carte French Tech, il mettra son expertise dans l'accompagnement des jeunes pousses. "La vision entrepreneuriale d'1Kubator a été déterminante pour son association au projet, souligne une source. De la création à la maturation puis à l'explosion du potentiel des startups, cette structure a fait ses preuves."

Lire aussi : Startup : 1kubator, l'ambitieux réseau early-stage s'implante à Lyon

La partie tertiaire du bâtiment, destinée à l'incubation - accélération - hébergement de startups devrait s'étendre sur environ 2 800 m². Selon un document de la Métropole, "le lieu totem hébergera et accompagnera 50 startups". Contacté par Acteurs de l'économie - La Tribune, Alexandre Fourtoy, CEO d'1Kubator, n'a pas souhaité commenter l'information pour le moment, ni préciser le modèle qu'il mettra en place, ni à quel niveau de maturité les jeunes pousses pourraient être intégrées dans la structure.

D'une concession de services à un bail civil : convaincre l'opérateur privé

Mais une question interpelle plusieurs acteurs de l'écosystème : le prix du m² qui sera proposé à la location, notamment pour la partie hébergement. "Au-delà de 250 euros le m², c'est irrecevable pour une jeune pousse", lâche un jeune entrepreneur lyonnais. C'est aux alentours de ce montant que pourrait être fixé le prix, actuellement en cours de discussion. C'est du moins ce que souhaitait la Métropole.

Car au-delà de ses souhaits ou recommandations, la collectivité locale n'a pas de réelle emprise contractuelle pour assurer cela. En cédant sous forme de bail civil la gestion du lieu, elle a certes pu trouver un opérateur privé compétitif. Mais c'est désormais ce dernier qui doit trouver le bon équilibre pour assurer la viabilité du projet et verser le loyer annuel qui devrait être autour de 350 000 euros HT. Ainsi, la commercialisation d'espace tertiaire sera un levier important, ainsi que l'animation de l'espace événementiel et de restauration, d'une superficie autour de 1000 m², qui devrait être assuré par Arty Farty.

Crédits : agence Vurpas architectes

Pourtant, à l'origine, la Métropole avait proposé un autre type de procédure, "davantage encadrée". Elle prenait la forme d'une concession de services, ce qui lui permettait d'édicter un cahier des charges précis, qui s'était matérialisé dans le vote de la délibération 2015-0368 en date du 2 novembre 2015. Mais aucun dossier concret n'a été alors déposé au terme de l'appel à candidatures. Certains ont même rédigé une lettre de "non-candidature" pour expliquer les freins à ce modèle.

"La durée de la concession, trop courte (5 ans), était notamment une barrière. Selon les potentiels candidats, cette durée était incompatible avec un business plan nécessitant autant de risques et d'investissements", explique un spécialiste du dossier.

La Métropole, déterminée à concéder l'exploitation du lieu à un acteur privé, va alors opter, au printemps 2016, pour la procédure du bail civil. "Nous perdions notre emprise sur l'édification et le respect d'un cahier des charges précis, mais cela a dynamisé les candidatures. Seulement, avec cette sécurité en moins, nous nous sommes attachés encore davantage à la personnalité de l'opérateur et à son cœur de métier", poursuit ce même intervenant.

Trois candidats se sont initialement positionnés sur ce bail avec leur projet respectif : NextDoor, affiliée à Bouygues Construction ; 1Kubator ; Arty Farty. Finalement, "grâce à un travail précieux de la Métropole, qui a fait son job d'entremetteur, les deux structures lyonnaises se sont rapprochées", rapporte une source. "Ces deux acteurs avaient de nombreux partenaires en commun sur le territoire", nous précise-t-on.

"Si nous avons sélectionné cette offre, c'était certes pour le profil complémentaire des protagonistes, mais également pour leur écosystème respectif; dont une partie des membres se croisait déjà. Cela permettra de poursuivre cette logique de décloisonnement", explique Karine Dognin-Sauze, vice-présidente en charge de l'innovation et du développement économique à la Métropole de Lyon.

Soutien à la créativité

Même si l'opérateur est présenté sous forme de triumvirat, le choix d'un acteur associatif - Arty Farty (3,5 millions d'euros de CA ; 24 salariés, 60 avec ses filiales) - spécialisé dans les industries créatives et non dans le numérique pur - pourrait à première vue étonner. Outre le réseau et les réelles capacités de l'association pour mener à bien cette gestion, au-delà de l'oreille attentive que possède Vincent Carry, directeur d'Arty Farty auprès du président de la métropole de Lyon Gérard Collomb, cette décision pourrait s'inscrire dans la stratégie économique de la collectivité territoriale. Après avoir misé sur l'excellence économique du territoire à travers les piliers de la santé, des cleantechs et du numérique, la deuxième agglomération de France veut faire des industries créatives un véritable levier, comme le stipule le schéma de développement économique de la métropole voté en septembre 2016. Plus largement, son ambition est de continuer à faire tomber les silos de l'économie traditionnelle :

"Ce lieu étendard sera l'interface des différentes communautés, et permettra de construire de nouveaux ponts entre elles. Les industries créatives, la nouvelle économie, l'économie sociale et solidaire mais aussi l'entrepreneuriat traditionnel renforceront ainsi leur collaboration", poursuit Karine Dognin-Sauze.

De son côté un membre proche d'Arty Farty souligne :

"Cette association a toujours eu l'intime conviction que le numérique est un outil au service du monde économique, et que la profonde richesse d'une entreprise réside principalement dans sa capacité à être créative."

Arty Farty, avec ce nouvel équipement, continue de tracer son sillon. Sens de l'histoire, elle organisait en 2002, une partie de son premier festival sur l'actuel site de la Sucrière, événement devenu ensuite Nuits Sonores. Avec l'exploitation du Sucre via sa filiale Culture Next, le maintien d'une partie du festival de musique électronique à la Sucrière pour l'édition 2017, et le projet Hôtel 71 - qui aura "une identité, une essence et un ADN totalement distincts de la Halle Girard" -, l'association se pose en acteur incontournable de la Confluence. Et peut-être, demain, de la French Tech.

Article publié le 10/01/2017 à 11:02. Actualisé à 16:04 avec la réaction de Karine Dognin-Sauze.

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