Patrick Martin (Medef Auvergne Rhône-Alpes) : "J'ai été élu sur mon discours industriel"

Patrick Martin revient aux affaires. Le patron de Martin Belaysoud Expansion (660 M€ de chiffre d'affaires ; 2700 salariés) a décroché la présidence du Medef Auvergne Rhône-Alpes fin juin, une position qu'il occupait entre 2007 et 2011, à l'époque circonscrite à la seule région Rhône-Alpes. À la tête d'un réseau fédérant 12 structures territoriales, 28 branches professionnelles, 100 000 entreprises de toutes tailles suite à la fusion des deux instances régionales, Patrick Martin dévoile pour Acteurs de l'économie - La Tribune ses chantiers prioritaires : formation, infrastructure, financement. Il revient également sur le scandale de la structure Erai, dans laquelle il était administrateur et accueille avec intérêt et enthousiasme le discours "pro-business de Laurent Wauquiez", le président de la Région. Sur un plan national, Patrick Martin juge la période d’une part "extrêmement intéressante" - avec un développement important de l'entrepreneuriat en France-, et d’autre part, "très préoccupante", marquée par les dérives "anti-libérales" liées à la loi Travail. Entretien avec un président qui se veut pragmatique, et qui devra en premier lieu assurer la cohésion des membres du syndicat.
(Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Acteurs de l'économie - La Tribune. La campagne pour la présidence du Medef Auvergne Rhône-Alpes, qui s'est finalement soldée par votre élection, a été mouvementée...

Patrick Martin. Il ne faut pas sur-interpréter les faits qui se sont passés pendant la campagne. C'était une compétition entre patrons, mais qui n'a jamais dégénéré. Nos profils, nos parcours, nos personnalités étaient différents. Mais sur le fond, les programmes étaient relativement similaires, ce qui est rassurant et signe de consensus et d'évidences.

Quel a été le processus de l'accord ?

L'accord n'a pas été de dernière minute, mais tardif. Éric Le Jaouen et moi étions soucieux de ne pas donner l'image d'un patronat déchiré, et ainsi, de ne pas réitérer des situations du passé qui se sont produites lors d'élections précédentes ; nous avons donc trouvé un compromis.

Les adhérents ne veulent pas de clivage au sein de la structure. Ils se "moquent" des jeux d'appareil et souhaitent une organisation "à valeur ajoutée." Les querelles de personnes et les duels d'égaux ne les intéressent pas. Dans cette perspective, la pression de la "base" était réelle, et a contribué à l'élaboration d'un accord.

Plus précisément, en appréciant les rapports de force électoraux, en anticipant l'issue de l'élection, Éric Le Jaouen a décidé de retirer sa candidature. Il l'a fait à son corps défendant - ce que je salue. Placé dans une situation identique à la sienne, j'aurais pris la même décision.

Cet accord n'est pas gagnant-perdant. Cependant, il faut bien qu'un des deux concurrents occupe le haut de l'affiche. Si je me suis porté candidat, c'était pour occuper cette position. Mon élection à l'unanimité est la démonstration éclatante du besoin de solidarité, de jeu collectif dans les rangs patronaux.

Votre expérience et vos réseaux ont été essentiels dans l'issue finale...

J'ai pu effectivement capitaliser sur le fait d'avoir déjà occupé cette fonction, à l'époque circonscrite à la seule région Rhône-Alpes (de 2007 à 2011, NDLR). Mais un autre argument me semble important concernant mon élection : ma compétence dans le domaine industriel. Nombre d'électeurs ont estimé que je représenterais mieux ce secteur économique clé pour la région.

Même si mon entreprise n'évolue pas exactement dans le domaine industriel, j'ai tissé d'importantes relations professionnelles avec ses acteurs, et j'entretiens de nombreux liens avec ses dirigeants. Cette proximité, je l'ai caractérisée dans mes discours de candidature. Ces convictions exprimées dans ce domaine n'étaient pas d'intérêts ou de circonstances. Ma conviction profonde - alors qu'Auvergne Rhône-Alpes est la première région industrielle de France - est d'affirmer que l'industrie constitue la locomotive de l'activité économique en termes d'innovation et d'exportation. Elle diffuse de la richesse pour toute une chaîne de valeur. Mon ex-concurrent, de par son origine professionnelle, et également dans son discours, a moins mis l'accent sur ce sujet.

Patrick Martin

Comment vous organiserez-vous pour mener de front la gestion de votre entreprise et la présidence de l'instance patronale ? De l'expérience passée, quels enseignements en tirerez-vous ?

Je suis obsédé par l'idée de ne pas exercer deux "casquettes", mais une seule. Le mandat de président de Medef ne peut pas être légitime sans une expérience solide d'entrepreneur. Mais - et j'en fais une question éthique -, cela ne signifie bien sûr pas que je vais utiliser l'instance patronale pour développer mon entreprise. Cette question a été un axe important de ma campagne : on doit s'interdire de tirer parti, pour son entreprise, des fonctions que l'on occupe.

Ma priorité reste l'entreprise. Mais pour exercer et assumer efficacement mon mandat de président du Medef régional, je me suis organisé, afin de ne pas reproduire le schéma de certains responsables syndicaux et chefs d'entreprise qui ont délaissé leur société, parfois jusqu'à sa perte, se laissant envahir par leurs responsabilités institutionnelles.

12 structures territoriales, 28 branches professionnelles, 100 000 entreprises de toutes tailles. La fusion entre les Medef auvergnat et rhônalpin a fait passer la structure régionale dans une nouvelle dimension. Mais quels sont ses domaines de compétences et d'interventions précis ?

La vocation du Medef régional Auvergne Rhône-Alpes est de défendre les intérêts communs de ses territoires et de ses branches. Nous avons deux niveaux d'intervention. Le premier s'inscrit dans une fonction tribunitienne. Nous devons faire du lobbying, et défendre la cause patronale. Défendre l'image des dirigeants est une mission totalement assumée par le Medef. Et il y a du "boulot", même si la représentation de l'entreprise s'est améliorée ces dernières années.

Pour assurer cette première mission, il faut d'abord bien comprendre les attentes et les besoins des adhérents. Puis, la structure doit être force de propositions et porter celles-ci auprès de ses interlocuteurs naturels, qui ont les mêmes compétences géographiques que nous : le préfet de région, les services de l'État sur le territoire, la Direccte, le conseil régional.

Dans un second temps, il s'agit de porter nos revendications auprès de nos instances nationales. L'antenne régionale doit être une courroie de transmission, aussi bien ascendante - vers les instances nationales - que descendante - vers les adhérents. Cette médiation est essentielle afin que la fédération nationale possède une bonne perception des problématiques du terrain.

Le second axe d'intervention repose davantage sur une démarche opérationnelle. Sur certains dossiers, nous exerçons un rôle de tête de pont et de coordination en aval, et de répartition des ressources vers les Medefs territoriaux. Par exemple, la structure peut gérer, en direct ou pour compte commun, certaines missions, qui sont ensuite délocalisées sur les territoires. C'est typiquement le cas des actions qui touchent l'initiative "école-entreprise", ou qui concernent l'insertion des personnels handicapés.

Patrick Martin

Quelles sont les relations entre l'instance régionale et les Medef territoriaux ?

Nous ne sommes pas dans une logique hiérarchique, ce qui peut paraitre déroutant pour les chefs d'entreprises. Une logique de bottom-up, de la base vers le haut, doit dominer. Tout ne fonctionne pas encore comme cela, mais nous devons tendre vers elle. Certes, je suis le président, mais au service des présidents de branche ou de territoires qui m'ont élu, et je ne suis certainement pas leur supérieur hiérarchique. Je suis partisan d'un fonctionnement transparent et collectif. Je ne crois pas à l'omniscience - ni à l'homme providentiel.

Plus précisément, quels seront les liens avec le Medef Lyon-Rhône, réputé actif et entreprenant ?

Je m'emploierai à ce que les relations entre les deux structures soient excellentes, complémentaires et constructives. Exactement ce que j'ai fait lors de mon précédent mandat. Je suis très admiratif  des actions menées par le Medef Lyon-Rhône, d'autant plus qu'il n'a pas toujours été dans cette dynamique. Il y a un changement de style, de vocation. Cette transformation a été initiée par Bernard Fontanel, qui a su ouvrir plus largement la structure afin de sortir d'une considération élitiste. Pour preuve de sa réussite, le nombre d'adhérents a progressé, les actions se sont multipliées. Laurent Fiard, son successeur, poursuit remarquablement ce travail.

Pour autant, il faut éliminer - en externe comme en interne - l'idée selon laquelle le Medef Lyon-Rhône serait le véritable "patron" du Medef régional. Ce dernier ne se résume pas à l'entité Lyon-Rhône, bien qu'elle constitue naturellement la locomotive d'un territoire métropolitain qui représente 20 % de la richesse de la région.

Je serai très attentif à l'équilibre du territoire. Sans un bon dosage, on ne peut pas prétendre représenter une communauté. La meilleure preuve réside dans le territoire dont je suis issu : l'Ain. Et depuis mon élection, je me suis déjà rendu à Roanne, à Valence et à Chambéry.

Alors que jusqu'à maintenant la composition du conseil d'administration était un outil pour assurer ce bon "équilibre", vous avez affiché votre souhait de confier les responsabilités de cette instance aux membres selon leur engagement et non plus leur étiquette. Comment, dans cette nouvelle organisation, allez-vous assurer cet équilibre ?

La gouvernance sera en effet décalée par rapport à ce qui se pratiquait de tous temps. L'ancienne formule "distribuait" des postes au titre d'équilibre politique : d'une branche ou d'un territoire. Même si ce n'est pas totalement possible d'y échapper, l'objectif est de transgresser les logiques antérieures.

Je me suis donc employé, avec ceux qui ont voulu me suivre dans cette démarche, à privilégier deux critères : l'engagement et la compétence sur des dossiers thématiques.

De cette conception de la représentation résultera le dynamisme des Medef. En effet, nous devons démontrer à nos entourages, à nos adhérents, que la structure à laquelle ils appartiennent n'est pas une machine institutionnelle. Au contraire, il faut démontrer notre caractère de force de propositions et d'actions. Et pour cela, les membres du comité exécutif, quelles que soient leurs origines professionnelles et territoriales, doivent être capables de mener à bien des dossiers précis.

Quels sont vos dossiers stratégiques prioritaires ?

La formation - et particulièrement l'alternance - est placée en tête. Nous avons l'atout d'être situé dans une région dans laquelle les indicateurs économiques sont convenables, y compris en termes de chômage. Cependant, il existe une inadéquation, même relative, entre les formations proposées et les besoins des entreprises. L'une des missions principales du Medef régional est de collationner, auprès des adhérents, les besoins en formation pour ensuite, vis-à-vis des acteurs de ce secteur, porter les revendications, pour aujourd'hui mais surtout pour demain.

La problématique des infrastructures régionales est également un point central, avec pour préoccupation majeure, l'attractivité du territoire. En France, le réseau est dans l'ensemble satisfaisant - même si cela est moins vrai pour le ferroviaire. Cependant, cela constitue un avantage compétitif qu'il faut considérer, et surtout, qu'il faut entretenir. Ainsi, les dossiers routiers à l'instar de l'A45 et du contournement de Grenoble sont importants.

Quelle est votre position concernant le processus de privatisation des Aéroports de Lyon ?

La position politique du Medef Auvergne Rhône-Alpes - qui n'est pas actionnaire - concernant les Aéroports de Lyon, repose sur une exigence simple : la capacité à développer l'infrastructure, et singulièrement, la création de nouvelles lignes internationales, notamment vers les États-Unis.

La position de l'État : privilégier l'offre financière la plus élevée, est compréhensible. Mais le projet industriel ne doit pas être dévoyé. Le bon compromis doit être trouvé. Or je pense que, malheureusement, Bercy considèrera quasi exclusivement le montant de l'offre. Actuellement, la certitude est que la région, grand territoire économique et industriel, ne possède pas un équipement aéroportuaire fidèle à ses ambitions.

Laurent Wauquiez s'est prononcé contre une offre éventuellement déposée par un acteur turc. Quelle est votre position sur la possibilité de voir un candidat étranger entrer au capital de l'infrastructure ?

Si les Turcs injectent des moyens financiers importants pour développer l'infrastructure, je n'y vois aucun inconvénient. Regardez les ambitions hallucinantes de Turkish Airlines... Charge à Air France-KLM d'en faire autant pour rester dans la course.

(NDLR : Au moment du bouclage de l'interview, le choix de Bercy de sélectionner deux candidats - le groupement Vinci et l'Australien Macquarie, n'était pas connu. Sollicité de nouveau, Patrick Martin n'a pas souhaité s'exprimer davantage)

"Le Medef régional s'est toujours construit avec le pouvoir exécutif régional", déclariez-vous lors de votre élection. Qu'attendez-vous de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne Rhône-Alpes ? Quelle feuille de route allez-vous chercher à tracer ensemble ?

Le Medef est apolitique. Cependant, les orientations et les premiers discours de Laurent Wauquiez et de ses équipes sont pro-business. Je me réjouis du souhait de l'exécutif régional d'associer les entreprises à la reconstruction de certains dispositifs.

À ce jour, nous sommes en phase de concertation et d'élaboration d'actions. Mais nous devons aller vite, ce qui correspond, me semble-t-il, au mode de fonctionnement du président de la région. Je suis très optimiste.

La relation avec la Région est essentielle, notamment car nous partageons les mêmes périmètres géographiques de compétences, ainsi que des chantiers en commun : industrie, international, emploi et formation, financement. Cependant, certains dispositifs mis en place par l'ancien exécutif étaient performants, à l'instar du fonds régional d'investissement. Il ne faut donc pas tout jeter.

Au-delà de nos accords sur les thématiques, c'est également une affinité qui repose sur la gestion et la méthode de travail que Laurent Wauquiez propose. Par exemple, flécher les financements sur l'intervention plutôt que sur le fonctionnement, comme cela a pu être le cas dans le passé. Le cas sinistre d'Erai doit faire jurisprudence dans ce domaine-là.

Crédits : région Auvergne Rhône-Alpes

Justement, vous étiez administrateur d'Erai, au titre d'élu au Medef régional. Qu'avez-fait, ou que n'avez-vous pas fait pour éviter ce scandale ?

Je parle spontanément d'Erai, ce qui n'est pas le cas de certains responsables concernés. Je suis "droit dans mes bottes sur ce sujet." Ce qui ne m'empêche pas de l'aborder avec beaucoup de tristesse et d'inquiétude.

J'observais, dans la mesure du possible, que tout n'était pas dit : dans la transmission des comptes et dans l'explication de ceux-ci, en termes de gouvernance, de transparence. Preuve à l'appui de ma bonne foi, je me suis toujours exprimé en réunion de conseil sur le fait que l'information délivrée n'était probablement pas complète, et parfois ambigüe. De la même manière, j'ai souligné qu'il y avait des dérives dangereuses. En face des questions soulevées, nous n'avions pas de réponse.

Erai était un magnifique outil, qui répondait à un vrai besoin. La structure a terminé en caricature de ce que l'économie mixte peut donner de pire. D'un instrument économique, elle est devenue un instrument politique. Erai est morte, en dépit d'un acharnement thérapeutique, et abattue par des interférences électorales et des règlements de comptes politiques.

Concernant l'avenir de l'accompagnement international des entreprises, il ne faut pas, à mon sens, recréer une structure qui dériverait vers les mêmes maux. Il faut aller vers davantage d'opérationnalité.

Auriez-vous pu faire davantage pour éviter cette fuite en avant ?

En tant qu'administrateur, j'étais tenu au secret des délibérations. Nous avons tiré le signal d'alarme auprès du conseil régional. Pouvais-je mettre cela sur la place publique ? D'un point de vue juridique, et également d'efficacité, c'était impensable.

Comment analysez-vous le climat en France, de l'esprit d'entreprendre en "effervescence" aux tensions sociales cristallisées au sein de la loi El Khomri ?

Nous sommes dans une période extrêmement intéressante, et à la fois très préoccupante. Les graves débordements autour des débats de la loi Travail réveillent des crispations scandaleuses. Il y a des dérives viscéralement anti-libérales, anti-entrepreneuriales, anti-européennes.

Mais derrière ces dérives grouille un mouvement de fond. Cette lame n'est pas pro-Medef, ni pro-patronat. Elle est profondément entrepreneuriale. La France crée plus d'entreprises que n'importe quel autre pays européen.

Cela démontre que de plus en plus de gens, de gré ou de force, veulent se prendre en main, s'assumer. Ils ont compris que le système était à bout de souffle.

La loi El Khomri est un débat technique, législatif, mais c'est avant tout un débat culturel. J'ai la conviction profonde que nous sommes proches du moment où les élites qui gouvernent comprendront que les gens sont las que certains "sachants" décident à leur place.

Patrick martin

Pourtant, de nombreuses réticences existent, de la part des syndicats, mais aussi des salariés, sur le fameux accord d'entreprise. Signe, pour le gouvernement et pour nombre de patrons, de modèle d'entreprise de demain et pour certains travailleurs, d'une plus grande flexibilité et donc, d'une précarisation grandissante...

L'accord d'entreprise est, ni plus ni moins, la modernité. Il repose sur la confiance entre les gens et considère les salariés comme responsables. Surtout, il reconnait aux acteurs de l'entreprise la réalité et les besoins de l'entreprise, éléments auxquels les responsables politiques qui légifèrent sans jamais avoir mis les pieds dans le monde du travail sont totalement étrangers.

Les dirigeants désirent tous développer leur entreprise, s'attacher la confiance de leurs équipes. Le patron qui s'amuserait, dans le cadre d'une négociation d'entreprise, à "rouler dans la farine ses salariés" mènerait celle-ci dans le mur. Si le patron n'est pas correct avec ses salariés, par principe et par respect, il a de toute façon nécessité d'être correct avec eux par intérêt. Penser que systématiquement les patrons vont abuser de leurs salariés est une vision archaïque et irresponsable.

Le sujet, fondamental, est de savoir si on considère les salariés comme des enfants irresponsables - ce qui est l'état d'esprit de certaines centrales syndicales et des pouvoirs publics - ou au contraire, comme autonomes.

Prenons l'exemple de l'entreprise Michelin sur le site de Roanne. Les salariés, eux-mêmes, et certains syndicats progressistes, ont trouvé des accords remarquables. À Roanne, les discussions ont impliqué SUD et la CGT. Le premier a signé l'accord, le deuxième a refusé sur consigne nationale alors qu'il était favorable au texte.

L'image du Medef national est parfois très critiquée par les chefs d'entreprise au niveau local, par la faute d'une politisation trop forte de certains sujets, alors que les Medef territoriaux, par leurs actions, sont souvent plébiscités par les adhérents. Pierre Gattaz nuit-il aux entreprises ?

Pour le vivre à une échelle régionale, le "job" de président de Medef national est horriblement compliqué. Déjà, il faut mettre d'accord les différents adhérents. A titre d'exemple, accorder les industries agroalimentaires et celles de la grande distribution n'est pas simple...

D'autre part, les interlocuteurs du Medef, à cette échelle, sont les pouvoirs publics nationaux. Ces discussions ont lieu sous l'œil des caméras. Le moindre faux pas, même s'il est dérisoire, prend des proportions importantes. Les petites phrases sont vite reprises, parfois déformées. Cette couverture rend la mission encore plus difficile. Surtout, Pierre Gattaz a face à lui un gouvernement qui n'a pas les idées claires. Le travail du patron du Medef relève donc de la haute voltige.

Enfin, la pression exercée par la base est élevée. Nombre de chefs d'entreprise sont excédés par certains dispositifs gouvernementaux, pensent que les instances nationales du Medef sont un peu trop conciliantes avec l'exécutif, et que du marchandage peut être à l'œuvre. Mais je n'ai aucun doute sur le fait que Pierre Gattaz et ses équipes sont soucieux des intérêts des entreprises. Cette sphère particulière pousse parfois le Medef national à prendre des positions qui peuvent surprendre.

Crédits : Reuters

Si le contexte économique et social peut inquiéter les chefs d'entreprise, quel est l'impact sur les entreprises régionales des soubresauts européens, en premier lieu l'onde de choc du Brexit ?

Immanquablement - même si c'est encore très difficile à juger - cela va pénaliser les entreprises de la région. Celles qui exportent ou simplement celles qui possèdent des établissements dans ce pays, particulièrement à cause de la baisse de la parité livre-euro, conséquence directe du Brexit.

Cependant, la première conséquence visible, c'est une nouvelle incertitude qui s'installe pour les entreprises concernées.

Quelle est votre analyse politique de ce séisme ?

Sur la base de calculs politiciens, David Cameron a ouvert la boîte de Pandore avec ce référendum. On sait tous, particulièrement en France, que lorsqu'une question est posée dans le cadre de cette consultation populaire, les électeurs répondent à tout, sauf à la question. C'est, pour eux, un défouloir.

Le bon côté de cette affaire réside dans le fait que les anti-européens constatent que le Brexit engendre beaucoup de perturbations. Et qu'il va pénaliser lourdement les Britanniques, signifiant ainsi que la sortie de l'Europe n'est pas la réponse à tous les maux. C'est au contraire la création de nouveaux problèmes.

Le mauvais côté, c'est que cette décision populaire fonde un précédent. Les anti-européens les plus virulents du continent, et ceux qui les suivent de façon moutonnière, peuvent se dire qu'une sortie de l'Europe de leur pays est également possible.

Le mécontentement très inquiétant notamment aux Pays-Bas, pourtant fondateur de la communauté européenne, en est une illustration : l'émergence d'un puissant parti anti-européen est en voie. Pourtant, pour bien connaitre la mentalité des habitants, c'est un pays viscéralement ouvert sur le monde, ouvert sur les autres et les échanges internationaux.

Ces phénomènes démontrent que l'Union européenne ne remplit pas son rôle. C'est bien son action qui est critiquée, et non pas son principe qui est remis en cause. C'est la manière dont l'Europe est dirigée et fonctionne qui est la cause de ces maux.

Cette Europe est-elle réformable ?

Dans n'importe quelle organisation - à l'instar d'une entreprise -, sans leader compétent, convaincu et charismatique, la prise du pouvoir par les technocrates n'est pas étonnante. Nous avons eu pourtant des personnalités remarquables à la tête de l'Europe, de toutes sensibilités politiques. Mais aujourd'hui, il n'y a pas de leader. L'organisation dérive, à l'instar d'une entreprise lorsqu'elle n'a pas de dirigeant. La seule énorme différence, c'est qu'on ne parle pas d'une société de 300 personnes, mais d'une communauté de destins de 500 millions de personnes.

Une des critiques adressées à l'Europe, et sources du désamour des citoyens, est la pensée économique néo-libérale, portée jusqu'alors par les Britanniques, parfois par les Allemands et certains pays d'Europe centrale. Une pensée économique établie sans aval ni concertation des citoyens, comme sur des traités très importants, à l'instar du TAFTA/TTIP...

Il faut composer avec les contradictions. La théorie dominante se fonde sur le rejet de l'Europe libérale. La réalité des choses - selon mon interprétation personnelle -, est au contraire un rejet de l'UE à cause de son caractère trop interventionniste, et la mise en place de normes très précises. Réglementer la courbure d'une banane, c'est à mon sens de l'anti-libéralisme.

Cependant, l'irresponsabilité majeure de nos politiques nationaux est également un facteur majeur. À défaut de défendre les intérêts nationaux au sein de la Commission européenne, ils font porter à l'Europe tous les péchés de la Terre. L'Europe ne doit pas être le bouc-émissaire de nos manquements.

Photographies (sauf autres crédits) : Laurent Cerino.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 15/07/2016 à 4:15
Signaler
Le MEDEF est apolitique. Ca il fallait le dire.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.