Olivier de la Clergerie : "LDLC n'est pas à vendre"

Le spécialiste de la vente en ligne de produits informatiques dont le siège est à Lyon continue de surprendre, depuis sa création en 1996. Chaque année, LDLC ne cesse de gagner des parts de marché en France et pourrait devenir le numéro un en Europe. Olivier de la Clergerie, directeur général et co-fondateur revient sur cette aventure « humaine », et avant tout familiale.
Olivier de la Clergerie, directeur général et cofondateur de LDLC

Acteurs de l'économie : La période de Noël s'est achevée il y a quelques jours puis a démarré celle des soldes d'hiver. Deux moments cruciaux pour un commerçant. De quelle manière une entreprise comme la vôtre y fait face ? Des mesures exceptionnelles sont-elles mises en place ?

Nous n'avons pas une activité saisonnière durant laquelle 40 % du chiffre d'affaires est réalisé à ce moment-là, néanmoins, la période de fin d'année reste malgré tout intense avec des commandes en hausse et des équipes renforcées. Nous devons alors nous préparer et faire face puisqu'elle reste le seul moment, au niveau national, ou une date butoir est commune à tous. Et si vous l'avez manquée, le client ne sera pas satisfait. Pour nous, il s'agit donc d'un enjeu tant logistique que de savoir-faire, tant d'image que de services. Un client que vous avez su satisfaire à la période de Noël mécaniquement sera plus enclin à revenir, et donc à fidéliser.

Votre entreprise affiche des résultats en croissance constante voire quasi insolants (+ 20,9 % au premier semestre 2014). D'ici 2018, vous prévoyez d'atteindre un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros. Quel est le secret de la bonne santé de LDLC ?

S'il y en a un, nous allons bien entendu le conserver. La force de LDLC c'est avant tout la bonne connaissance de l'entreprise, de nos clients et de ce qu'ils attendent. Trois éléments indispensables qui nous permettent de consolider la structure. Aussi, en informatique, la marge n'est pas très élevée, elle est de l'ordre de 17 %. Il faut donc vivre avec cette marge, et définir des objectifs de rentabilité. Ce qui explique, par exemple, l'internalisation de la plupart de nos métiers dans le but de gagner en compétitivité. Toutes les dépenses sont calibrées et réfléchies afin de prévenir le moindre dérapage possible. Une démarche de maîtrise tant des coûts que de la qualité que nous nous efforçons de mener depuis notre création en 1996.

Vous êtes rapidement entrée en Bourse, seulement quatre ans après la création de l'entreprise par votre frère Laurent de la Clergerie et vous-même. Une manière de financer rapidement votre développement et de répondre à la croissance. Avec le recul, opteriez-vous pour cette démarche ?

L'introduction a permis de trouver les moyens de financer le développement de l'entreprise. A l'époque, nous avions levé trois millions d'euros transformant une PME qui enregistrait trois millions de chiffre d'affaires en une entreprise qui, cinq ans après, affichait un exercice de 144 millions d'euros. Utile, la Bourse l'a été également pour élargir notre portefeuille de clients professionnels, qui représente aujourd'hui un tiers du chiffre d'affaires. Etre coté, apporte ainsi transparence et confiance. Nous pouvons donc être que satisfaits de cette opération. Surtout, nous avons la chance de ne pas regarder le cours de la Bourse tous les jours. Il n'a pas un intérêt quotidien.

Cette introduction n'a pas modifié globalement le capital de l'entreprise puisqu'elle reste majoritairement une société familiale. Peut-elle le rester encore longtemps ?

Nous n'avons pas de raisons qu'elle ne le soit pas. Nous ne sommes pas dans un but patrimonial mais fonctionnons dans un mode d'aventure et de passion. Aujourd'hui, nous nous savons regardés mais affichons clairement que nous ne sommes pas à vendre. Ce qui pourrait modifier cet état d'esprit, serait d'observer que notre passion s'essouffle, nous obligeant à prendre de la distance avec l'opérationnel, sans pour autant vendre l'entreprise, mais seulement dans un but d'entreprendre autre chose. L'argent n'est pas le moteur du projet LDLC, ce n'est qu'un outil pour créer des projets et vivre des aventures passionnantes. Néanmoins, si une personne apporte un chèque de 500 millions d'euros sur la table, nous réfléchirons à deux fois sur : « quel projet peut-on faire avec cet argent ? Rendra-t-il le projet LDLC encore plus beau ? ». Mais nous n'y sommes pas encore.  Il n'y a pas de projection de ce que deviendra LDLC mais juste une certitude : nous construisons quelque chose de magnifique dont nous ne nous lassons pas.

LDLC, une entreprise familiale

Laurent de la Clergerie (président et fondateur de LDLC), Philippe Sauze (directeur général délégué), Caroline de la Clergerie (directrice administrative) et Olivier de la Clergerie (directeur général).

Votre frère est président de la structure, votre sœur, directrice administrative, et vous à la direction générale. De quelle manière s'articule, au quotidien, ce trio familial ?

C'est un équilibre naturel. L'entreprise fait partie de la famille et lorsque vous créez une société comme celle-là, mécaniquement, on ne peut pas ne pas en parler lorsque l'on se voit en dehors du travail. Au quotidien, se mélangent personnel et professionnel avec pour chacun, des rôles bien définis. Si ce n'était pas le cas, cela pourrait créer des tensions. Une entreprise familiale, pour qu'elle fonctionne, ne doit pas connaître de conflits familiaux.

Particulièrement avec votre frère, avec qui vous avez su porter LDLC sur la première marche des sites e-commerce français spécialisés en informatique, quel tandem formez-vous ?

Le plus entrepreneur de tous c'est lui. Je pense qu'il est incapable de travailler dans une structure qui ne soit pas la sienne. De mon côté, je suis créateur-bâtisseur. J'ai  moins la fibre d'entrepreneur visionnaire comme on l'entend. Ce qui sans doute fait la force du tandem. Laurent est un entrepreneur visionnaire qui essaye de franchir tous les obstacles. Pour y parvenir, il faut bien s'entourer, de personne que je qualifie d'« intrapreneurs ». Ce que je suis. Celles-ci vont partager une grande partie de l'esprit de l'entrepreneur  mais n'auront peut-être pas cette capacité visionnaire aussi forte. Et si l'on arrive à obtenir une bonne complémentarité, nous avons toutes les chances de créer de beaux projets. Sans mon frère, je n'aurais probablement pas créé LDLC et sans moi, il l'aurait sans doute fait mais aurait-elle fonctionné de la même manière, je ne sais pas. La notion de co-fondation est donc très importante.

2010 marque un tournant dans la vie de l'entreprise avec l'arrivée de Philippe Sauze au poste de directeur délégué. Augurant une évolution dans la manière de communiquer, une ouverture des boutiques physiques, ou encore le sponsoring du club de basket l'Asvel etc. Pour quelle raison avoir opéré cette stratégie ?

Cette évolution annonçait un changement de taille, de dimension, et une manière dont l'entreprise devait fonctionner tout en conservant son esprit d'origine. Malgré nos compétences nous n'avions pas l'intégralité des clés nécessaires pour la développer à ce niveau-là. L'arrivée de Philippe Sauze permettait ainsi de s'assurer que l'entreprise puisse grandir correctement, avec l'ambition d'atteindre 500 millions de chiffre d'affaires en 2018. Il fallait donc travailler sur la notoriété, sur un positionnement et sur cette capacité à avancer dans la confiance. Une décision que nous avons mis un an et demi à prendre car il est toujours difficile d'accepter de grandir.

Ce changement a donc permis de gagner une notoriété que vous n'aviez pas auparavant...

Nous sommes beaucoup plus présents que les 14 premières années de LDLC. Plus l'entreprise grandit, plus elle est impactée par son environnement de manière frontale, et plus elle peut jouer le rôle de porte-parole, car elle est plus visible. Donc quelque part, elle devient plus écoutée des classes politiques. Aujourd'hui, notre notoriété augmente certes, on prend de la participation active dans la vie de l'écosystème comme nous l'avons fait lors de la candidature de Lyon à la French Tech, mais ce n'est pas un positionnement politique.

Etre à la tête d'une des principales ETI lyonnaises fleuron du numérique, comptant un peu plus de 480 salariés, vous éloigne-t-il de l'esprit startup ou au contraire arrivez-vous à le maintenir ?

Cela m'a choqué la première fois que l'on m'a vouvoyé. Mais il y a des moments clés dans l'entreprise où l'entreprise elle-même amène un mode de fonctionnement autre. Donc, tout l'enjeu  est de conserver un esprit startup et collaboratif. Tout, tourne autour d'une bonne communication interne : être proche des équipes, se montrer, se rendre accessible, discuter, se tenir au courant. La notion de passion est donc très importante. On adorait que les gens nous disent : « Je ne vais pas au travail mais je délègue des heures à ma passion, mon travail ». Bien évidemment ce n'est pas une vérité absolue en tout cas c'est un sentiment qui fait partie de nos valeurs.

Olivier de la Clergerie

Le 15 septembre prochain, LDLC ouvrira sa première école LDLC formant des jeunes aux métiers du numérique. Que recherchez-vous avec ce nouveau projet ?

L'idée de l'école est de former des personnes qui ont une compréhension forte du monde du numérique car nous sommes convaincue que le numérique sera présent dans toutes les entreprises. Aussi, nous savons que nous ne formerons pas de nombreux entrepreneurs car il faut une typologie d'esprit particulière pour y parvenir. Mais si nous arrivons à créer des « intrapreneurs » et quelques entrepreneurs, notre pari sera réussi. Nous voulons ainsi qu'en sortant de l'école, les jeunes aient une compréhension de l'entreprise et une vraie envie d'entreprise ; que le travail soit un moteur de réalisation professionnelle et pas simplement un enjeu financier. Nous sommes dans un monde où la réussite se conjugue souvent avec la notion d'argent.  L'objectif est donc de chercher ceux qui ont envie de la développer, de leur donner les armes pour être capable de vivre correctement cette passion future. Pour les plus téméraires de se lancer, en étant bien entourés et pour les autres, de pouvoir s'intégrer à des projets. Pour nous, cette école sera aussi un bouillonnement d'idées.

Dès l'annonce de la création de cet organisme, très vite, votre école a été comparée à celle de l'école 42 fondée par Xavier Niel, alors que votre modèle est totalement différent. Est-ce agaçant ou flatteur ?

Il y a un côté flatteur d'être comparé au patron de Free, entrepreneur emblématique du numérique français. Mais elle s'arrête là car nous n'avons pas la même taille d'entreprise, le même nombre d'employés, le même niveau de valorisation et surtout nous faisons un métier différent. Le grand public a entendu parler d'une manière plus forte du modèle école 42, sur sa gratuité, son ouverture à tous. Donc mécaniquement, il nous associe à cela. 42 est une école très métier, l'école LDLC sera une école transversale, les attentes et les volontés ne seront pas les mêmes. La comparaison reste donc naturelle mais montre surtout que la formation est un vrai sujet. De toute manière, il n'y a pas de concurrence ni de compétitivité puisque nous sommes en manque de profils. Aujourd'hui, il peut se créer 20, 30, 40 écoles, elles ne suffiront pas à fournir l'ensemble des postes nécessaires à réussir la transition numérique.

De nombreux projets voient le jour afin de pallier le manque de profils. L'école LDLC a-t-elle vocation à se substituer au rôle de l'Etat ?

Forcément, nous le faisons d'une certaine manière. Nous sommes sensibles au thème de l'éducation puisque nous voulons partager cette soif d'entreprendre et de compréhension de l'entreprise, tout en ne voulant pas laisser les clichés sur l'entrepreneur perdurer. Ce n'est pas dans notre nature de rester inactifs. Cela ne veut pas dire que l'on va faire des projets importants qui vont prendre la place de l'Etat, nous ajoutons seulement une pierre à l'édifice.

Olivier de la Clergerie

En parallèle de votre activité soutenue du site e-commerce, vous fourmillez de projets en particulier avec le développement des boutiques physiques en France. Quarante devraient ouvrir avant 2018. Aussi, afin de diversifier les sources de revenus, pourriez-vous être amenés à proposer la vente d'autres produits, notamment électroménagers comme a pu le faire la Fnac, l'un de vos concurrents ?

Ce n'est pas la vocation de LDLC car nous sommes et resterons une marque spécialisée en informatique et high-tech. Notre site Maginea est dédié à cela. Encore confidentiel avec un peu plus de quatre millions d'euros de chiffre d'affaires, il nous permet de diversifier notre activité d'augmenter nos marges brutes, d'utiliser nos métiers, sans pour autant prétendre à devenir leader car nombreux sont les acteurs sur ce créneau. Pour ce qui est des autres projets, ils sont dans nos têtes encore mais ne se concrétiseront pas avant 2016 comme l'extension du groupe à l'international, qui demanderait une croissance externe. Ce serait une première dans l'histoire de LDLC puisque notre croissance a toujours été organique.

Où sera LDLC dans 20 ans ?

Nous serons les leaders européens en informatique et produits high-tech !

>>Découvrez en ligne notre diaporama dans les coulisses de LDLC

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Commentaires 4
à écrit le 17/01/2015 à 11:17
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Des humanistes comme çà, qui considèrent le travail avant l'argent, et qui ont décidé de faire quelque chose parce que le système éducatif réserve soigneusement la connaissance de l'entreprise à une élite, il en faudrait bien plus.

le 19/01/2015 à 2:28
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Ou alors, former des gens qu'ils embaucheront sûrement certes, mais sous-paieront, et qui seront malléables à souhait.

à écrit le 13/01/2015 à 23:00
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Le secret, je crois qu'il commence à être connu : ne pas faire de la politique salariale une priorité, à en voir le turn over de vos équipes.

à écrit le 10/01/2015 à 18:48
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belle aventure !

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