« Toute entreprise, quel que soit son secteur d'activité, a deux finalités, tient à rappeler en préambule Geert Demuijnck, philosophe. D'abord, une utilité sociale, en ce qu'elle crée des emplois. Ensuite, une contrainte économique, celle de réaliser des profits et d'assurer sa pérennité. Il est essentiel de ne jamais perdre de vue cette double dimension. » Le professeur d'éthique à l'Edhec Business School était l'invité de l'IAE Lyon et d'Acteurs de l'Économie-La Tribune, au côté de Jean-Frédéric Geolier, président de Mille et un repas - « une entreprise de restauration, de gastronomie collective bâtie sur la dimension humaine », décrit-il d'emblée -, pour ensemble débattre de la place de l'éthique dans l'entreprise, sous la houlette de Bernard Jacquand, dans le cadre du cycle « Philosophie et management ».
« Une entreprise est basée sur un socle de valeurs qui correspondent d'abord à la vision personnelle et optimiste de son dirigeant. Mais il s'agit de faire vivre ces valeurs dans l'entreprise, tout en restant attentif aux dérives possibles. Il est donc essentiel, au fur et à mesure que grossissent les effectifs, que ce cadre « moral » soit connu de tous afin de définir un véritable référentiel de la prise de décisions », fixe Jean-Frédéric Geolier.
Jean-Frédéric Geolier, président de Mille et un repas. (Crédit Laurent Cerino/Acteurs de l'économie)
Audit éthique
L'éthique oriente donc la prise de décisions dans l'entreprise. « L'éthique est une sorte de code de bonne conduite qui tout à la fois autorise ou interdit tel comportement. Mais il faut ne pas se contenter de cette définition. Il est important de l'élargir, note Geert Demuijnck. L'éthique correspond au regard critique que l'on porte sur ses propres jugements. » Il convient dans l'entreprise de codifier ce qui relève de l'éthique, de l'acceptable, du responsable afin que cela soit connu de tous les collaborateurs. « Le processus de codification, le dialogue qu'il implique, sont tout aussi importants que la charte éthique qu'elle vise à édicter », poursuit le philosophe, qui préconise de mener un véritable audit éthique au sein de l'entreprise. « Il permet de révéler des failles et des zones d'ombre d'une entreprise et participe à l'émergence d'une forme de conscience morale. »
Une aventure collective
L'éthique peut parfois contraindre une entreprise. Et la tentation peut parfois être grande de faire fi des valeurs morales pour accroître les profits. « C'est pourquoi l'éthique doit être vivante. Elle répond à une responsabilisation constante au sein de l'entreprise », estime Jean-Frédéric Geolier. Geert Demuijnck renchérit : « L'éthique est d'abord une aventure collective, mais si chacun porte une responsabilité individuelle. » Et de prendre ensemble le gaspillage dans la restauration collective pour exemple. « Lutter contrer ce gaspillage répond tout à la fois à la morale et s'avère profitable économiquement. » Le président de Mille et un repas de préciser : « Il s'agit de reconnaître le travail accompli, de valoriser le convive et de participer à une œuvre commune. »
Geert Demuijnck, philosophe et professeur d'éthique à l'Edhec Business School
Intégrée au modèle managérial
Une fois une charte éthique établie dans l'entreprise, encore s'agit-il de la diffuser pour qu'elle soit appliquée. « Cette diffusion peut être problématique. Elle tient beaucoup à la personnalité du dirigeant. Et tend parfois à se perdre dans la taille des structures et la complexité des organigrammes. C'est pourquoi, martèle Geert Demuijnck, l'éthique doit être intégrée au modèle managérial. À cette condition, logique économique et démarche éthique pourront être réconciliées. » Jean-Frédéric Geolier considère quant à lui que l'éthique peut même, parfois, « constituer un avantage concurrentiel ». Et d'insister sur la nécessaire contagion de l'éthique à tous les niveaux de l'entreprise pour qu'elle soit durable et vivante.
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